Dans les magasins de jardinage du pays, des rayons entiers proposent, en libre-service, différents herbicides, concentrés ou dilués, pour lutter contre les mauvaises herbes. Il n'y a pas de restriction sur la vente, mais la Confédération interdit de traiter certains endroits. Or, très peu de jardiniers amateurs le savent.
Sont interdits de pesticides de synthèse, les bords de route, les toitures, les chemins et les terrasses, notamment. En résumé, toutes les surfaces sur lesquelles l'eau ruisselle et emmène avec elle les herbicides, directement dans la nappe phréatique.
La moitié des communes de respecte pas les règles
Cette proscription existe depuis une trentaine d'années. Et pourtant, une enquête récente de l'Office fédéral de l'environnement (OFEV) le confirme: cette interdiction est très peu respectée. Chez les particuliers, moins de la moitié (47%) des personnes interrogées en ont entendu parler. Dans les communes, la quasi-totalité (91,7%) connaît les règles, mais la moitié (52,9%) ne les respecte pas.
C'est le cas à Avenches (VD). En 15 ans, la commune a drastiquement diminué sa consommation, passant de 120 litres annuels de glyphosate pur à moins d'une quinzaine. Les services extérieurs ont aussi arrêté de traiter les bords des routes. Mais renoncer totalement aux herbicides n'est pas prévu, notamment au printemps, quand les mauvaises herbes envahissent tout.
On a de la peine à suivre avec les mauvaises herbes [...] et on a vite des remarques qui arrivent.
Les graviers du cimetière, normalement interdit, sont également traités: "Les cimetières restent des endroits sensibles, explique Alain Kapp, responsable des services extérieurs de la commune d'Avenches. On a de la peine à suivre avec les mauvaises herbes et c'est vrai que, quand on se retrouve dans des situations de laisser-aller, on a vite des remarques qui arrivent."
La Suisse propre en ordre
Au-delà du gain de temps et des aspects financiers, c'est aussi le manque de tolérance de la population qui encourage l'utilisation d'herbicides. Du côté de la Confédération, on connaît cette volonté très helvétique du propre en ordre. Pourtant, aucune nouvelle mesure n'est prévue et il n'y a pas de volonté de restreindre l'accès à ces produits.
Pour Gudrun Schwilch, cheffe de la section sols de l'OFEV, "il faut que la population accepte qu'on ne peut pas enlever toutes les mauvaises herbes, que cela fait aussi partie de la biodiversité et qu'on peut les laisser à leur place."
Il faut que la population accepte qu'on ne peut pas enlever toutes les mauvaises herbes, que cela fait aussi partie de la biodiversité.
Examen pour les professionnels
Pour l'heure, la principale mesure existante est de former les professionnels. Toute personne qui utilise des produits phytosanitaires dans le cadre de son travail doit d'abord passer un examen. Un cours y prépare chaque année plusieurs dizaines de personnes. Pour la formatrice, ses élèves sont mieux informés qu'il y a quelques années. Mais beaucoup ne réalisent qu'au moment du cours que leurs pratiques sont en fait illicites.
Depuis la dernière étude sur l'utilisation des herbicides en 2010, le respect des interdictions a d'ailleurs très peu évolué. L'agriculture intensive reste la principale cause de pollution des eaux, mais communes et particuliers ont aussi leur responsabilité. Et là chacun peut agir.
Céline Brichet/fme