Maman d'un garçon de 11 mois, Loryne est devenue une donneuse de lait maternel. En une vingtaine de jours, elle a récolté quelque trois litres de lait et elle les offrira bientôt à une maman qui n’en produit pas assez pour son propre enfant.
Cette nourrice du 21ème siècle est également la fondatrice de Lait'Change. Soutenue par une association de sages-femmes, la Locloise a créé il y a un mois cette page Facebook pour encourager les dons de lait en Suisse romande et elle compte déjà près de 200 abonnées et une dizaine de promesses de dons.
"Mon but, c'est de pouvoir normaliser le don de lait, de pouvoir normaliser le lait maternel de manière générale, que cela soit moins tabou, que cela soit courant de la même manière qu’on parlerait d’un biberon de lait en poudre", confie Loryne mardi dans le 19h30.
Une seule rencontre
Ce n’est pas la première plateforme du genre à se développer sur les réseaux sociaux. La plus importante de Suisse, Human Milk for Human Babies, est suivie par plus de mille personnes. C’est sur cette page qu’Esther se fournit en lait maternel pour son petit garçon de 9 mois.
Comme il n'y a souvent qu'une seule rencontre entre la personne qui offre le lait et celle qui le reçoit, il s'agit d'une question de confiance. "Si j’avais par exemple senti une odeur de fumée au moment où je suis allée chercher son lait et que je m’étais demandé si elle fumait, cela m’aurait un peu fait réfléchir. Mais quand je suis arrivée chez elle, j’ai simplement eu un bon sentiment, la femme était sympa et je ne me suis pas posée plus de questions", se souvient Esther.
Une pratique déconseillée par les milieux médicaux
Cette pratique n’est toutefois pas sans risque et elle est même vivement déconseillée par les milieux médicaux, à l'image de Caroline Peter, associée à la banque de lait maternel de Hôpital universitaire pédiatrique de Bâle: "Pour les mamans qui prennent ce lait qui n’est pas testé, qui n’est pas contrôlé, le risque médical existe. Les bactéries peuvent rendre l’enfant qui le reçoit malade, il y a des critères d’hygiène qu’on ne peut pas évaluer non plus, on ne sait pas dans quelle condition le lait a été tiré."
Le lait maternel sans risque existe, mais il est réservé aux prématurés. Rattaché à l’hôpital universitaire pédiatrique, le lactarium de Bâle est la plus ancienne et la plus grande banque de lait de Suisse. Grâce au lait d’une trentaine de donneuses, elle nourrit chaque année plus de cent grands prématurés âgés de moins de 32 semaines.
Les donneuses volontaires sont anonymes et leur sélection est aussi stricte que pour un don de sang. Examens sérologiques et analyses bactériologiques sont exigés et les donneuses sont questionnées sur leur santé, leur hygiène de vie, leur prise de médicaments, leur rapport aux drogues, au tabac, à l'alcool ou même à la caféine. Autant de raisons qui pourraient péjorer la qualité du lait.
Le lait est ensuite pasteurisé et il perd ainsi plus de la moitié de ses anticorps, mais c'est le prix à payer pour plus de sécurité. Le lactarium de Bâle produit ainsi entre 10 à 20 litres de lait maternel chaque semaine pour un coût de production estimé entre 120 et 180 francs le litre.
Fanny Zürcher/boi
Aucun lactarium en Suisse romande pour le moment
En plus de Bâle, six autres cantons alémaniques (Argovie, Berne, Lucerne, Saint-Gall, Zurich et les Grisons) disposent d'un lactarium, alors qu'il n'en existe aucun en Suisse romande. Mais la situation évolue.
A Genève, une motion vient d’être déposée au Grand Conseil par la députée PDC genevoise Delphine Bachmann pour qu’une banque de lait soit créée aux HUG.
Le CHUV espère de son côté ouvrir une telle structure à l’horizon 2021. L’institution promeut depuis quelques année l’allaitement des prématurés avec succès: 80% des prématurés sont ainsi nourris au lait de leur mère. Mais les 20% restants doivent compléter leur alimentation avec du lait artificiel, moins facile à digérer.
Selon les premières projections, la banque de lait du CHUV aurait besoin de 2 à 3 litres de lait maternel par jour pour être viable. Si les volontaires romandes répondent à l’appel, 200 prématurés pourraient chaque année bénéficier du lait de donneuses, le deuxième meilleur lait après celui de leur mère, selon l’Organisation mondiale de la santé.