La révision totale de la loi sur le CO2 devait être l'un des points forts de cette législature. Mais en décembre, au terme de dix heures de débats étalés sur quatre jours, le Conseil national a torpillé la réforme, censée permettre à la Suisse de respecter les engagements de l'Accord de Paris sur le climat. Seuls le PDC et le PLR ont voté en faveur du texte. Le projet n'a convaincu ni l'UDC – qui s'oppose à toute nouvelle mesure climatique – ni la gauche – pour qui la loi a été vidée de sa substance par la droite.
Cet échec a été d'autant plus mal accepté dans la population que la protection du climat est devenue une des préoccupations majeures des Suisses. C'est pourquoi la commission de l'environnement du Conseil des Etats s'est empressée de reprendre en main le dossier. Le premier examen en plénum interviendra au plus tôt lors de la session de septembre et le débat parlementaire se poursuivra l'an prochain. Au final, la révision de la loi sur le CO2 sera donc l'un des points forts de la prochaine législature.
Les forces en présence
Le PLR, qui a senti le vent tourner, est désormais prêt à davantage de concessions, a fait savoir sa présidente Petra Gössi en février. Alors que le parti ne voulait pas en entendre parler jusqu'à présent, il ne s'opposera plus à une taxe sur les billets d'avion ni à l'inscription d'objectifs nationaux de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Avec cette nouvelle direction, plébiscitée par la base lors d'un sondage interne, le PLR s'aligne en quelque sorte sur la position des Vert'libéraux, du PDC et du PBD, qui avaient, eux, soutenu l'idée d'une taxe sur le kérosène.
La hausse du prix de l’essence et du diesel qui sera induite par l'introduction d'une obligation pour les importateurs de compenser les émissions de CO2 de leur produits est âprement disputée. La droite l’avait emporté au Conseil national, plafonnant cette hausse à 8 centimes par litre. La gauche voulait une limite plus élevée, jusqu'à 20 centimes pour les Verts. Le PBD défend un plafond à 12 centimes. La question de la part des émissions à compenser en Suisse, où la réalisation de projets coûte plus cher, divise également les partis. La droite défend une plus grande part de compensations à l’étranger.
La gauche prône quant à elle des mesures ambitieuses et contraignantes en faveur du climat. Parallèlement à la révision de la loi sur le CO2, le PS milite ainsi en faveur d'une taxe incitative sur les carburants fossiles, en complément de celle qui frappe déjà les combustibles (mazout, gaz naturel). Les socialistes plaident aussi en faveur d'un marché financier helvétique respectueux du climat. D'ici à 2025, les entreprises suisses ne doivent plus investir dans des projets pétroliers ou gaziers, estiment-ils.
Les Verts exigent eux aussi des mesures de désinvestissement des énergies fossiles de la part du secteur financier suisse. Par ailleurs, au-delà de la révision de la loi sur le CO2, ils soutiennent activement l'"initiative pour les glaciers", tout comme le PS, les Vert'libéraux et le PBD. Le texte, qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre à zéro en Suisse d'ici à 2050, séduit également plusieurs élus de droite, à l'instar des PLR vaudois Olivier Français et Frédéric Borloz.
L'UDC est la seule à refuser en bloc toute nouvelle mesure climatique dans le cadre de la révision de la loi sur le CO2. Le parti conservateur préfère miser sur la responsabilité individuelle et le volontariat plutôt que sur la mise en place de nouvelles taxes. Et ce ne sont pas les défaites électorales récentes dans plusieurs cantons qui doivent remettre en cause la position du parti, a affirmé Christoph Blocher mi-avril. Pour le ténor de l'UDC, la protection du climat est un "effet de mode" qui va vite passer.