Dans le cadre de ce débat, nous avons voulu donner la parole aux
principaux intéressés, les payeurs de primes. Interview de Monika
Dusong, présidente de la Fédération romande des consommateurs
(FRC).
tsrinfo: L'OFSP prévoit une hausse des primes de 15%
en moyenne l'an prochain. Préoccupant, non?
Monika Dusong: C'est très préoccupant! L'économie
est en crise et la consommation, même si elle commence à
s'effriter, reste le dernier élément qui la soutient. Une telle
hausse des primes va réduire le pouvoir d'achat des Suisses, ce qui
va inévitablement accentuer la crise économique. Les conséquences
sociales sont également désastreuses. Les citoyens sont déjà pris à
la gorge. L'an prochain, la classe moyenne et les familles vont
véritablement boire la tasse.
En réaction, Pascal Couchepin a convié des
représentants des cantons (Conférence des directeurs cantonaux de
la santé, CDS), des assureurs (santésuisse), des hôpitaux (H+) et
des médecins (FMH) pour trouver une solution. Pas trace des
organisations de défense des consommateurs...
Non, la FRC n'était pas invitée, mais ce n'est pas bien grave.
Pourquoi ne pas commencer avec les acteurs qui peuvent rapidement
faire quelque chose? Sur ce point, les choix de Pascal Couchepin
étaient les bons. En réalité, l'aspect intéressant de ces tables
rondes, c'est qu'elles n'étaient pas si rondes que ça.
Pas si rondes que ça?
La FMH, la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de
la santé (CDS) et santésuisse étaient d'accord sur un paquet de
mesures mais ont à peine pu présenter leur point de vue pour la
simple et bonne raison que Pascal Couchepin avait une proposition
miracle, la taxe de consultation.
Vous ne semblez pas apprécier ce
projet...
C'est un emplâtre sur une jambe de bois. Cette taxe est basée sur
une conception fallacieuse qui postule que les malades choisissent
d'être malades et que chaque patient est soit un abuseur, soit un
irresponsable. Elle va énormément toucher les malades chroniques et
risque même d'être contre-productive en empêchant la détection
précoce des maladies. Pour moi, ce projet est tout simplement
mort-né. Il n'a aucune chance de passer la rampe des Chambres
fédérales. Peut-être Pascal Couchepin, connu pour être têtu - il
fait partie de ces gens qui ont génétiquement raison -, va-t-il
tout de même imposer sa taxe par arrêté urgent. Mais le référendum
sera lancé, et après une année elle sera balayée.
Alors
que propose la FRC?
Une mesure qu'il faut absolument mettre en place - mais ça ne va
pas se faire en 2010 -, c'est le managed care, les réseaux de
soins. Il s'agit de prendre en charge les patients de manière
intégrée et systémique, notamment les malades chroniques, domaine
où le potentiel d'économies est le plus grand. La FMH et la CDS se
sont mis d'accord sur un modèle. D'abord fortement opposés, les
assureurs semblent maintenant se ranger derrière le projet. Le
dossier est entre les mains de la Commission de la sécurité sociale
et de la santé publique au Parlement (CSSS) et pourrait passer la
rampe.
Que sont concrètement ces réseaux de
soins?
Les réseaux de soins, c'est plusieurs médecins de plusieurs
disciplines différentes qui se mettent ensemble pour suivre des
patients de manière transversale et pluridisciplinaire. Cette
solution permet de partager certains équipements et de réduire le
nombre d'analyses et d'interventions inutiles, notamment pour les
cas lourds et les malades chroniques. Au final, on améliore la
qualité de la prise en charge tout en réduisant énormément les
coûts. Aujourd'hui, la logique est toute différente, on
saucissonne.
D'autres mesures
sont-elles envisageables?
Après une lutte acharnée, les Chambres ont accepté l'autorisation
des importations parallèles, sauf pour les médicaments, l'industrie
pharmaceutique ayant un lobby trop fort à Berne. En réaction à
cela, le Forum pour les importations parallèles et le pouvoir
d'achat, qui regroupe notamment les organisations de consommateurs,
les grands distributeurs et santésuisse, ont proposé un paquet de
mesures qui peuvent être adoptées très rapidement par simple voie
d'ordonnance, sans passer par le Parlement.
En quoi consistent ces
propositions?
Ce sont des mesures techniques qui permettraient d'économiser
environ 600 millions de francs par année, soit environ 4% des
primes payées par les assurés. La première consiste à adapter le
prix d'un médicament chaque fois que son indication est élargie. La
seconde vise à réexaminer automatiquement le prix d'une préparation
tous les trois ans, au lieu de sept actuellement. Enfin, nous
proposons d'élargir le nombre de pays de référence avec lesquels
nous comparons le prix des médicaments.
Et à plus long terme?
Deux pistes sont prometteuses. La première concerne
l'harmonisation de la structure tarifaire des hôpitaux, qui devrait
entrer en vigueur en 2012 au plus tard et qui permettra une plus
grande transparence et une meilleure comparaison. La deuxième,
c'est la carte de santé. Mais cela sera difficile à mettre en
place. On l'a vu: le passeport biométrique, qui contient des
données beaucoup moins sensibles, suscite déjà la polémique. Alors
introduire une telle carte...
Propos recueillis par Didier Kottelat