A l'époque, obligation avait été faite au fabricant de ces appareils, l'entreprise Elbit Systems, de compenser cet achat par 210 millions de francs de commandes auprès d'entreprises suisses, soit 84% de la facture totale. Ces "affaires compensatoires", une pratique courante dans le domaine des achats militaires, ont fait l'objet de plusieurs interpellations au Parlement, que ce soit dans le dossier du Gripen suédois ou dans celui des drones israéliens.
La commande de ces drones avait, à l'époque, suscité la polémique. Des élus fédéraux s'étaient en effet inquiétés de savoir avec quelles entreprises suisses la société d'armement Elbit Systems allait collaborer, ou encore quel genre de technologie l'industrie helvétique allait partager avec cette entreprise qui fournit, notamment, du matériel de guerre à l'armée israélienne.
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Seuls 41 millions sur 210 ont été compensés
Sur les 210 millions qu'Elbit Systems doit investir en Suisse d'ici 2026, seuls 41 millions l'ont été à ce jour. Vingt et une entreprises suisses ont signé des contrats. Parmi elles, quatre se trouvent en Suisse romande. Montant des transactions en leur faveur: 3,3 millions de francs, soit seulement 8% du montant déjà dépensé (lire encadré ci-dessous). Le Conseil fédéral ne donne pas le nom de ces 21 sociétés. L'identité de celles qui signeront à l'avenir de nouveaux contrats avec Elbit Systems devrait toutefois être rendue publique, suite à un changement de procédure.
A la question de savoir sur quel type de collaboration portent les contrats actuels, le Conseil fédéral évoque le secteur des machines, de l'électronique, de l'optique, de l'aéronautique et de l'informatique, sans plus de précisions.
Informations classifiées
Depuis maintenant plusieurs semaines, la RTS cherche a en savoir davantage, et notamment à obtenir des documents sur ces affaires compensatoires auprès d'armasuisse, l'Office fédéral de l'armement, en s'appuyant sur la loi sur la transparence. Une procédure est en cours, car armasuisse refuse de répondre précisément aux questions, en invoquant le risque de compromettre les intérêts de la Suisse en matière de politique extérieure.
Armasuisse ajoute que les informations demandées sont classifiées et protégées, depuis 2012, par un accord signé entre la Suisse et Israël, qui porte sur des projets militaires et de défense.
Ne pas se mettre Israël à dos
Une autre raison pourrait expliquer l'opacité, ou du moins l'extrême prudence, de la Suisse quant aux détails de ces affaires compensatoires: le fait qu'Elbit Systems soit aussi sur les rangs, parmi d'autres entreprises, pour le renouvellement des moyens de communication de l'armée. Sa candidature a été confirmée par armasuisse. Nom de code de ce projet: Fitania, un projet ultrasensible devisé à plusieurs centaines de millions de francs.
Selon un bon connaisseur du dossier, le moment est mal choisi pour fâcher la compagnie israélienne. En clair, pour le bien des intérêts économiques et diplomatiques de la Suisse, la mission, ces jours, est de ne pas se mettre à dos le complexe militaro-industriel israélien.
Sujet radio: Marc Menichini
Adaptation web: Vincent Cherpillod
"Des miettes" pour la Suisse romande
Sur les 41 millions de francs de contre-affaires signées dans le cadre de l'achat des drones israéliens, les entreprises romandes n'ont bénéficié que de 8% de ce montant. "Je suis frappé par les miettes qui sont distribuées en Suisse romande. Je trouve que c'est risible", s'est insurgé Carlo Sommaruga sur les ondes de la RTS. "Derrière ces chiffres, on a des emplois, des entreprises qui ont des difficultés à trouver des marchés. On voit qu'on favorise, dans ces affaires compensatoires, la Suisse allemande au détriment de la Suisse romande", poursuit l'élu genevois.
Des inquiétudes avaient déjà émergé en Suisse romande à l'époque de la commande de ces drones. Théoriquement, un tiers des contrats devaient être signés de ce côté-ci de la Sarine, estimait-on en 2015.
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"C'est d'autant plus important qu'il y a des affaires compensatoires très importantes qui s'annoncent dans le cadre de l'achat des nouveaux avions de combat. 30% devraient revenir à la Suisse romande, comme l'a annoncé jeudi la conseillère fédérale Viola Amherd. Mais si on se retrouve dans le même cas de figure qu'avec les drones, ce sera nettement moins, et c'est problématique", achève Carlo Sommaruga.
"Je suis déçu du volume accordé aux entreprises romandes. Le montant est ridicule", abonde dans son sens l'élu genevois du MCG Roger Golay, qui pointe également du doigt le retard que prend l'entreprise Elbit Systems pour remplir ses engagements.
>> Ecouter les réactions de Carlo Sommaruga et Roger Golay dans l'émission Forum: