"Je voudrais demander pardon à Madame Stern et à ses enfants. Je
sais que c'est faire une offense, car on ne peut pas pardonner une
chose aussi abominable. J'ai le coeur plein de remords", a dit
l'accusée en larmes devant la Cour avec jury. "J'ai demandé à
Madame Stern si ma mort la soulagerait, elle m'a répondu que
non".
Une relation ambiguë
Cécile B., 40 ans, est apparue face à ses juges fatiguée, les
traits tirés, le visage pâle, pas maquillé. Cette première journée
a permis d'évoquer la relation d'amour haine qui liait Edouard
Stern à sa maîtresse. L'accusée, qui a pourtant abattu le banquier
de quatre balles, dont deux dans la tête, a dressé un portrait
élogieux de son amant.
"Je n'ai jamais rencontré un homme si extraordinaire", a-t-elle
sangloté. Pour elle, son geste n'a pas été motivé par l'argent,
mais par le coeur. La relation entre les deux amants s'est traduite
par de nombreuses ruptures et réconciliations. "Je ne veut pas que
ce procès salisse sa mémoire; Edouard Stern n'était pas un homme
abominable, mais le plus merveilleux des hommes". Plus tard dans la
journée, elle a d'ailleurs affirmé vouloir rendre l'argent.
Le 28 février 2005, la Française avait abattu de quatre balles
après une relation sexuelle Edouard Stern, 50 ans, 38e fortune de
France. Son corps avait été retrouvé vêtu d'une combinaison de
latex.
Témoignages à huis clos
Le procès a attiré un nombreux public
et des dizaines de journalistes suisses et français. Deux des trois
enfants aujourd'hui adultes de la victime, qui se sont portés
partie civile, ont assisté à l'audience durant une partie de la
matinée. A leur demande, ils ont été entendus à huis clos par la
Cour. En effet, Mathilde (24 ans) et Louis (22 ans) ont parlé
directement aux jurés, tandis qu'un message écrit du plus jeune,
Henri (18 ans), a été lu.
L'avocat des enfants Stern, Me Marc Bonnant a enfoncé le clou; il
a décrit en Cécile B. une personne "lucide et de sang-froid", qui a
organisé sa fuite en Australie après le meurtre, contactant même sa
banque lors d'une escale pour réclamer la somme bloquée sur son
compte.
Leur mère, Béatrice Stern, a également apporté son témoignage.
"J'ai aimé Edouard Stern et je continue à l'aimer", a-t-elle
déclaré. Elle a expliqué que le banquier était resté très proche de
ses enfants après le divorce en 1999 et qu'il leur manquait
beaucoup.
Béatrice Stern a aussi souligné que son mari était très gentil,
mais parfois colérique. Soupe au lait, il explosait, mais cela ne
durait jamais longtemps. Il ne s'est jamais montré méprisant et
était au contraire toujours très respectueux. "On a appris par la
presse comment il était décédé. Cela a rajouté de la douleur et
cela a été un choc", a aussi déclaré Béatrice Stern.
Le compagnon de Cécile B. à la barre
Selon le compagnon de l'accusée, le banquier utilisait Cécile B.
comme une secrétaire sexuelle. Elle effectuait pour lui un travail
de rabatteuse. Elle avait pour mission de lui rapporter "de la
chair fraîche".
La victime a aussi harcelé Cécile B. jusque chez elle, dans son
appartement qu'elle partageait avec son compagnon à Clarens. Une
fois, a raconté ce dernier, le banquier est venu habillé en
chasseur, avec une paire de jumelles. L'accusée, prise de panique,
se serait alors mise à ramper d'une chambre à l'autre.
La version de la police
Les inspecteurs de police en charge de l'enquête ont également
été appelés à la barre. Ils ont rapporté comment Cécile B. a
rapidement été dans leur collimateur. Entendue à plusieurs reprises
par la police, l'accusée a donné quatre versions différentes, niant
au départ toute implication dans le meurtre de son ancien
amant.
Cécile B. avait été arrêtée deux semaines après le meurtre et
était finalement passée aux aveux au terme d'une journée entière
d'audition. Incarcérée depuis 2005, elle a tenté de mettre fin à
ses jours en se coupant les veines avec une lame de rasoir.
La défense plaide le meurtre passionnel,
crime passible de dix ans de réclusion au maximum. Le Ministère
public et la partie civile plaident le meurtre, dont la peine
maximale est de 20 ans de réclusion.
Les trois enfants du banquier âgés aujourd'hui de 18 à 24 ans,
dont deux sont venus assister à l'ouverture du procès mercredi,
rejettent cette thèse. Pour eux, l'accusée a tué par cupidité. Elle
voulait le million de dollars que son amant lui avait versé avant
de le faire bloquer. Rejetant ce mobile, Cécile B. s'est écriée en
fin de journée: "Je veux le rendre cet argent!"
Grosse médiatisation
Des dizaines de témoins, dont de nombreuses personnalités
françaises, sont convoquées pour ce procès. Le verdict sera rendu
ultérieurement. Jeudi matin, la Cour entendra notamment l'auteur de
l'expertise psychiatrique de l'accusée. Son rapport est très
attendu et devrait peser lourd au moment du verdict.
La salle de la Cour d'assises était comble pour cette première
journée d'audience. Des personnes se sont même vu refuser l'entrée
faute de place à l'intérieur. Le procès a notamment attiré des
dizaines de journalistes suisses et français.
agences/mej
Edouard Stern, un homme à deux visages
Cette première journée aura permis de distinguer les deux visages d'Edouard Stern.
Il y avait d'un côté le père aimant, toujours là pour encourager ses enfants, respectueux, a expliqué son ex-femme.
Il avait un caractère un peu soupe au lait, mais c'était selon elle quelqu'un d'extrêmement gentil.
C'était quelqu'un d'extrêmement brillant, très impatient et un peu cru dans l'expression, a relevé un ami de longue date.
Il était anticonformiste, se souvient sa belle-soeur.
Il y avait aussi la face sombre du personnage. Cet homme qui aimait chasser les ragondins le soir dans les jardins de son château avec un fusil équipé de la dernière lunette de visée.
Cet homme qui avait des armes à profusion chez lui. Cet homme qui aurait également arraché les dents de devant du chat de Cécile B.
Edouard Stern avait en outre un énorme appétit sexuel.
Jury populaire encore de la partie
Le procès de Cécile B. sera l'une des dernières grandes affaires à être soumise à un jury populaire à Genève.
L'institution, vieille de 200 ans, sera abolie en 2011.
Mercredi, le début du procès a été marqué par le tirage au sort de douze citoyens.
Ceux-ci vont devoir juger de la culpabilité de l'accusée et fixer la peine.
Une absence peut coûter cher à un juré potentiel.
Mercredi, quelques personnes n'ont pas répondu à l'appel de la présidente de la Cour d'assises. Elles se sont vu infligées une amende de 900 francs, une somme relativement élevée, visiblement en rapport avec l'importance de l'affaire à juger.
Les Genevois ont décidé d'abolir le jury populaire lors d'une votation en mai dernier.