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Nouveau rebondissement dans l'affaire Tinner

C'est dans ce bâtiment qu'a eu lieu la perquisition jeudi.
Le bâtiment de la police fédérale à Berne, lieu de la perquisition de jeudi.
L'affaire Tinner ne finit pas de rebondir. Après l'offensive de la justice, le Conseil fédéral riposte et ordonne la destruction des documents sensibles. L'annonce, catégorique, est tombée vendredi en fin de journée.

Quelques heures plus tôt, la justice assurait que le dossier
était à l'abri. Grâce à la mise sous scellés, jeudi, du coffre
contenant la clé donnant accès aux pièces explosives du dossier, il
ne sera pas possible de détruire ce dernier, expliquait dans la
matinée le chef de l'Office des juges d'instruction Jürg Zinglé à
l'ATS. Ni les juges d'instruction, ni le Conseil fédéral n'y ont
pour l'instant accès, précisait-il.

Le TPF silencieux pour l'heure

La procédure de séquestre a donc permis d'atteindre l'objectif,
s'était réjoui le juge: un accès direct aux documents controversés
du dossier Tinner, du nom des trois ingénieurs suisses soupçonnés
d'avoir livré du matériel nucléaire à la Libye, n'est pas prévu
pour l'instant. Interrogé, le Tribunal pénal fédéral n'a pas voulu
s'exprimer sur la façon dont il allait désormais procéder. Et
d'indiquer qu'il communiquera en temps voulu sur la demande de
levée des scellés de l'Office des juges d'instruction fédéraux et
que sa décision pouvait encore être attaquée au Tribunal
fédéral.



Quelques heures plus tard, l'annonce du Département fédéral de
justice et police (DFJP) tombe comme un couperet: l'ordonnance de
séquestre du juge d'instruction fédéral n'y peut rien, "une petite
partie des copies de documents retrouvées relatives à l'affaire
Tinner" sera détruite, comme décidé le 24 juin par le Conseil
fédéral. Et de préciser que ce type de décision n'est pas sujet à
recours, elle est exécutoire. "L'ordonnance de séquestre du juge
d'instruction fédéral est donc sans effet et ne peut pas non plus
servir de fondement pour ordonner des mesures de contrainte
valables en droit", écrit le DFJP.

Le droit international invoqué

Malgré la perquisition et la mise sous scellés entreprises jeudi
par les juges, les documents en question se trouvent toujours en
possession du gouvernement. En agissant ainsi, ce dernier dit se
conformer aux obligations de droit international de la Suisse, à
qui le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires
interdit de posséder des documents afférents à la
prolifération.



L'occasion aussi pour le DFJP d'affirmer qu'aucun texte relatif
aux services secrets ne se trouve parmi les copies qui seront
détruites. Et ce "contrairement à ce qui a été plusieurs fois
affirmé à tort publiquement". Certains médias avaient évoqué des
pièces en lien avec la CIA.

Sur recommandation de l'AIEA

Le Conseil fédéral indique agir sur les recommandations de
l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). C'est juste,
reconnaît le vice-président de la délégation des commissions de
gestion, Pierre-François Veillon (UDC/VD), "mais incomplet". Selon
lui, l'AIEA a estimé que les documents relatifs à la fabrication
d'armes nucléaires pouvaient être conservés pour être utilisés dans
une procédure avant d'être détruits. Pour rappel, la délégation
s'est exprimée en faveur de la conservation de ce dossier.



Contactés avant le rebondissement de vendredi soir, tous les
partis déploraient l'allure grotesque prise par cette crispation
des fronts. Mais l'unanimité politique s'arrête là. L'idée de
constituer une commission d'enquête parlementaire (CEP), ne suscite
que l'enthousiasme des Verts qui y voient un "instrument adéquat".
Pour le PDC, le PLR et le PS, la mesure n'est pas nécessaire. Quant
à l'UDC, elle ne veut plus s'exprimer sur la procédure à suivre
(lire ci-contre).



ats/hof

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Réactions des partis

Tous les partis s'accordent: la crispation des fronts dans l'affaire Tinner prend une allure grotesque. Quant à l'idée de constituer une commission d'enquête parlementaire (CEP), elle leur semble disproportionnée.

Seuls les Verts estiment qu'une enquête est nécessaire. Pour les écologistes, la CEP est "l'instrument adéquat" pour passer au crible le rôle opaque du Conseil fédéral. C'est aussi un moyen de faire la lumière sur le conflit de pouvoir actuel, indiquent-ils vendredi dans un communiqué.

Le PDC ne partage pas cet avis. Pour son président Christophe Darbellay, on fait «tout un plat» de cette affaire. Le dossier "ne me paraît pas d'une ampleur et d'une complexité telles qu'il nécessite la création d'une commission spéciale", explique-t-il à l'ATS. Il existe des institutions censées surveiller le travail du Conseil fédéral, "elles fonctionnent et je leur fais confiance", poursuit le Valaisan.

De son côté, l'UDC ne veut plus s'exprimer sur la suite de la procédure. La situation actuelle est "pénible et grotesque", juge le porte-parole du parti Alain Hauert. A ses yeux, la façon dont les autorités se paralysent mutuellement est une absurdité. Et de préconiser une action réfléchie et une solution pragmatique à la situation.