Personnalité borderline, présentant des troubles de l'adaptation
et une intelligence limitée, Cécile B. disposait de la capacité de
comprendre le caractère illicite de ses actes au moment du meurtre
d'Edouard Stern en février 2005, a expliqué le professeur vaudois
Jacques Gasser, qui a passé une centaine d'heures pour établir
l'expertise de l'accusée.
"Un crime d'amour"
Au moment des faits, Cécile B. n'était
pas en proie au délire, ni à des hallucinations et n'a pas perdu
contact avec la réalité, ce qui exclut de fait toute
irresponsabilité pénale, a souligné Jacques Gasser. Elle est en
revanche dépressive et suicidaire.
L'acte de Cécile B. s'apparente davantage à un "crime d'amour"
qu'à un crime passionnel au sens du Code pénal, a encore souligné
le psychiatre Jacques Gasser. Rappelons que si le meurtre est
passible d'une peine de 20 ans de réclusion au maximum, le meurtre
passionnel permettrait à l'accusée de s'en tirer dans le pire des
cas avec dix ans de réclusion.
La Française pense qu'Edouard Stern n'est pas tout à fait mort,
que leur relation continue en elle, que son âme l'a rejointe. Sa
mort est pour elle une sorte de "victoire", une triste victoire.
Pour l'expert, l'accusée exprime ainsi un lien éternel et
imaginaire avec lui.
Certes l'ancienne maîtresse du banquier se sent fautive, mais pas
tout à fait, a encore expliqué Jacques Gasser. Elle sait qu'elle
est coupable, mais elle pense qu'Edouard Stern ne l'a pas aidée par
le fait qu'il portait une combinaison de latex, qu'il lui avait
indiqué où se trouvaient ses armes et qu'il lui a dit: "un million
de dollars c'est cher pour une pute". Des mots qui ont révélé en
elle sa haine, faisant tomber ses défenses et déclenchant son
geste.
Enfance malheureuse
Les tests psychologiques ont montré que l'accusée présente des
difficultés à s'adapter à une situation stressante, notamment au
sein du couple. Elle peut agir de manière impulsive, voit la
réalité de manière binaire.
Sa tendance au déni s'est traduite au moment du meurtre par la
négation de la volonté de séparation d'Edouard Stern qui avait
récupéré le million de dollars promis en gage d'amour. L'expert a
aussi constaté une tendance à la manipulation chez Cécile B.
Son passé est marqué par une enfance plutôt malheureuse, avec le
divorce de ses parents alors qu'elle était âgée de trois ans. Sa
mère, psychologiquement instable, a tenté un suicide avec ses deux
filles. Son père affichait des moeurs libérées, organisant des
parties fines à la maison. L'accusée dit avoir subi les
attouchements de celui-ci et avoir été violée par un oncle.
Sur le plan scolaire, elle se trouve en échec, dotée d'un quotient
intellectuel à la limite inférieure de la moyenne. Jeune adulte,
elle effectue quelques petits métiers, avant de se faire entretenir
par des hommes plus âgés.
Malgré ces relations avec des hommes riches, elle n'a elle-même
jamais accumulé d'argent. Le million promis par Edouard Stern a eu
pour elle un aspect symbolique très important, au moment des faits,
a encore expliqué l'expert.
ap/ats/ant
Plusieurs témoins font faux bond
Les témoins se sont faits plus rares, jeudi après- midi, au procès de la meurtrière présumée du banquier français Edouard Stern. Faute d'avoir les personnes en chair et en os, les avocats ont demandé la lecture de passages de leur déposition.
Il en a été ainsi de la tante de l'accusée, qui a recueilli Cécile B. adolescente, lorsque que celle-ci se trouvait dans un asile psychiatrique. Cette femme a rappelé que Cécile B. a été élevée par une mère dépressive et un père qui cherchait, a ses yeux, «trop le contact» avec ses deux filles.
La tante a également évoqué la relation tumulteuse qu'entretenait sa nièce avec Edouard Stern. Ce dernier téléphonait tout le temps à sa maîtresse, de jour comme de nuit. Selon la tante, Cécile B. voulait mettre fin à cette liaison, mais Edouard Stern venait tout le temps la chercher.
A la barre, le masseur thérapeute de Cécile B. a déclaré avoir eu la même impression du rapport qui liait les deux amants. «Elle me racontait qu'il la harcelait, la poursuivait, l'espionnait». Selon ce témoin, l'accusée voulait arrêter de le fréquenter, mais lui était accro.
Elle ne savait pas comment s'en débarrasser, a demandé au masseur Marc Bonnant, l'avocat des enfants d'Edouard Stern. «Exactement», lui a-t-il répondu. «Eh bien, elle a trouvé le moyen», s'est exclamé le représentant de la partie civile, avant de se rasseoir.
Des passages de la déposition d'une amante d'Edouard Stern ont ensuite été lus aux jurés. Leur liaison a duré de 2002 à la mort du banquier en février 2005. Selon cette femme, ils entretenaient des relations intimes normales. Le soir du drame, elle a envoyé un «bonne nuit» à son amant par SMS, qui est resté sans réponse.