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La FIFA veut devenir une ONG internationale, le DFAE la soutient

La FIFA demande à obtenir le statut d’ONG internationale, un statut fiscalement avantageux.
La FIFA demande à obtenir le statut d’ONG internationale, un statut fiscalement avantageux. / 19h30 / 3 min. / le 7 juin 2019
La FIFA aimerait que la Suisse la reconnaisse comme une ONG internationale. Après une rencontre entre Gianni Infantino et Ignazio Cassis, la FIFA a obtenu un soutien du DFAE, a appris la RTS. Embauches facilitées et éventuels avantages fiscaux pourraient être à la clé.
Football Leaks, une enquête du consortium European Investigative Collaborations.
Football Leaks, une enquête du consortium European Investigative Collaborations.

Le 20 décembre 2017, le conseiller fédéral Ignazio Cassis, alors en poste depuis trois semaines, a reçu dans son bureau du Département des affaires étrangères (DFAE) une délégation de la FIFA menée par son président Gianni Infantino.

Cet entretien, inconnu jusqu’aujourd'hui, et confirmé par le DFAE, est évoqué dans un mémo préparatoire de la FIFA et contenu dans les Football Leaks, des documents obtenus par le Spiegel et partagés avec ses partenaires du consortium European Investigative Collaborations (EIC), dont la RTS.

Le document de travail interne révèle que la FIFA a pour ambition d’être traitée comme une organisation non gouvernementale internationale (ONGI) par la Suisse. Une classification qui "offre des exemptions fiscales et facilite l’engagement d’employés extra-communautaires", énumère la FIFA.

Soutien du DFAE

Cette rencontre bernoise a eu des suites. Le secrétaire général du DFAE Markus Seiler a envoyé début 2018 un courrier à la FIFA, dont la RTS a obtenu une copie en vertu de la loi sur la transparence. "Nous partageons (…) le point de vue que la FIFA (…) peut être classée comme une ONGI", y est-il écrit.

Dans un email dont la RTS a également pris connaissance, la FIFA a demandé au DFAE si cette lettre représentait "une reconnaissance formelle" du statut d’ONGI. Ce à quoi le DFAE a répondu que le département "n'avait pas la compétence" pour reconnaître une organisation en tant qu'ONGI . Le DFAE a cependant autorisé, sans réserves et par écrit, la FIFA à "utiliser la lettre de Markus Seiler pour expliquer la position du DFAE à ce sujet".

D'ailleurs, la FIFA ne s’est pas privée de produire cette missive lors de négociations avec le Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM) au sujet d’embauches de travailleurs étrangers. Selon nos informations, le SEM aurait ainsi considéré la missive du DFAE comme une reconnaissance implicite du statut d'ONGI de la FIFA, sans pour autant estimer que les conditions étaient remplies pour accorder des facilitations.

"Pas d'analyse de fond"

Pourtant, le DFAE a affirmé à la RTS n’avoir "pas procédé à une analyse de fond concernant la question de savoir si la FIFA remplit concrètement l’ensemble des éléments relatifs à la définition de l’ONGI". En particulier il n'a pas étudié "si la FIFA remplit des buts de service public ou d'utilité publique", un des six critères de la loi sur l'Etat hôte (LEH). Ce texte définit les caractéristiques d'une ONGI dans le droit suisse.

Questionné sur les raisons qui l’ont poussé à permettre à la FIFA d’utiliser des conclusions issues d'une analyse sommaire, le département d'Ignazio Cassis se justifie en affirmant que le terme d’organisation internationale non gouvernementale était "générique" et "pas protégé". Il ajoute n'avoir pas considéré la FIFA comme ONGI à la lumière de la loi suisse, "mais dans son sens générique".

Pourtant, du courrier de Markus Seiler adressé à la FIFA, il ressort que la discussion portait explicitement sur la loi sur l'Etat hôte.

>> Voir le commentaire de Cécile Tran-Tien dans le 19h30 :

Football Leaks: le commentaire de Cécile Tran-Tien.
Football Leaks: le commentaire de Cécile Tran-Tien. / 19h30 / 54 sec. / le 7 juin 2019

"On ne peut pas parler d'un statut d'ONG"

Cédric Wermuth (PS/AG), conseiller national qui s’intéresse au dossier de la FIFA depuis des années, n’avait pas connaissance de ces tractations et se dit choqué. Le parlementaire prévoit d'interpeller ses collègues.

"Le sport, c’est un bien culturel, la FIFA représente la privatisation du commerce de ce bien culturel. Aujourd’hui, on ne peut plus parler d’une organisation à but non lucratif, ou même envisager un statut d’ONG pour la FIFA".

"C’est tout à fait possible que la FIFA remplisse les critères (d'une ONGI, ndlr), le problème c’est la base légale. Il nous manque un statut pour ces associations sportives qui permettrait de s’attaquer aux risques liés au sport international et son commerce", remarque le socialiste, qui aimerait voir la FIFA traitée comme une multinationale.

"Ca fait longtemps que la FIFA cherche à changer de statut"

Les tractations en cours n’étonnent pas l’ancien secrétaire général de la FIFA Michel Zen Ruffinen, car "la FIFA cherche à changer de statut depuis longtemps".

"A l’époque où j’y étais (1998-2002), on n’avait jamais parlé de ce statut, mais que la FIFA cherche à l’obtenir ne m’étonne pas vraiment dans la mesure où cela lui faciliterait la tâche à de nombreux de points de vue", affirme-t-il, en évoquant les impôts et l’obtention de permis de travail.

Contactée, la FIFA a confirmé que le statut d’ONGI était "une des voies envisagées" pour recruter du personnel mais que "la question de la fiscalité n’était pas l’objectif visé lors des discussions avec les autorités".

Aujourd'hui, "ONG" rime plutôt avec Médecins sans frontières (MSF), Amnesty ou WWF. La Suisse et la FIFA vont-elles la faire rimer avec football? Pour le moment, la question n’a pas encore été tranchée par la Confédération.

>> Interview de Nicolas Levrat, directeur du Département de Droit international public et Organisation internationale à l'Université de Genève, dans Forum :

La FIFA veut devenir un ONG: interview de Nicolas Levrat
La FIFA veut devenir un ONG: interview de Nicolas Levrat / Forum / 6 min. / le 7 juin 2019

Marc Renfer, Cécile Tran-Tien, Marc Menichini & Dimitri Zufferey

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