Dans l'industrie d'exportation notamment, «le maintien des
postes de travail est prioritaire» par rapport aux hausses
salariales, a ainsi dit Susanne Blank, responsable de la politique
économique de l'organisation faîtière Travail.Suisse lundi en
conférence de presse à Berne.
Reste selon elle que «malgré la crise économique et une hausse du
chômage, des augmentations de salaires ne sont pas un tabou». Il
s'agit tout particulièrement de soutenir la consommation privée,
composante essentielle du produit intérieur brut (PIB) et partant
vecteur de croissance indispensable. Or en 2010 le revenu
disponible des salariés va être fortement érodé par une hausse
massive des primes d'assurance maladie.
S'y ajouteront dans certains cas des contributions à
l'assainissement des caisses de pensions et le renchérissement.
Travail.Suisse et ses fédérations affiliées jugent indispensable de
maintenir le pouvoir d'achat des salariés, pour empêcher que la
récession s'aggrave encore et se prolonge.
Secteurs moins touchés
Les syndicats réclament par conséquent des augmentations
salariales surtout dans les branches pas ou encore peu touchées par
la crise. Ils placent au nombre de celles-ci en particulier la
construction, second oeuvre compris, de même que le secteur des
entreprises et services publics, qui représentent un million de
salariés ou un cinquième des personnes actives en Suisse.
«Il va de soi» toutefois pour Travail.Suisse comme pour le
syndicat interprofessionnel Syna que dans les entreprises en
difficulté la priorité doit être donnée au maintien d'emplois, en
recourant notamment à des mesures temporaires comme les réductions
d'horaires.
Mais pour Syna, selon les branches ou entreprises, «des
adaptations salariales jusqu'à 2% sont réalistes» pour 2010, a dit
le vice-président du syndicat Arno Kerst. Syna n'acceptera aussi
«sous aucun prétexte» des gels salariaux inconditionnels, même s'il
se dit prêt «dans des cas particuliers» liés à la marche des
affaires à négocier une garantie de l'emploi au lieu d'une
augmentation salariale.
Transfair va plus loin
Avec toute une série d'exigences complémentaires le syndicat des
entreprises et services publics transfair va plus loin, tout en
différenciant aussi par secteurs. Il réclame pour 2010 des hausses
réelles et générales de 1% pour le personnel de l'administration
publique et de la Confédération, de 1,5% pour celui des transports
publics, et de 2% chez Swisscom.
Compte tenu de «l'excellente conclusion salariale» - hausse
générale de 3,1%, et de 0,8% individuelle - obtenue pour 2009, il
renonce à revendiquer une nouvelle augmentation pour le personnel
de la Poste, a dit Peter Heiri, responsable de la branche Poste/
Logistique de transfair.
Mais transfair demande aussi, «pour maintenir le pouvoir d'achat»
en raison de la hausse des primes de caisse maladie, le versement à
tous les collaborateurs de La Poste 150 francs par mois - soit 1800
francs par année - ainsi qu'une contribution de 300 millions par La
Poste pour assainir la caisse de pensions.
Transfair demande par ailleurs la remise d'un abonnement général
CFF (équivalent à 3000 francs) à tous les employés de la
Confédération, entre autres mesures d'accompagnement des hausses
salariales. Une revendication qui selon lui rencontre «beaucoup de
sympathie» même si elle «provoque également de la retenue du fait
de la sombre situation financière».
Nouvelle CCNT dans l'hôtellerie-restauration
Du côté de l'hôtellerie-restauration, le secrétaire romand du
syndicat Hotel & Gastro Union, Eric Dubuis, a surtout souligné
l'entrée en vigueur l'année prochaine de la nouvelle convention
collective nationale de travail (CCNT). Cette CCNT apporte
notamment des améliorations sensibles au niveau du temps de
travail, des vacances, des indemnisations ainsi que de la
formation, dont les coûts seront largement pris en charge.
Pour les salaires, «compte tenu de la situation économique
particulière», il faudra toutefois aux employés encore de la
patience. La nouvelle grille salariale, avec 13e salaire accordé
dès le 1er jour de travail, n'entrera en effet en vigueur qu'en
2012.
ats/cht
Des exigences "irréalistes" selon l'Union patronale suisse
Les revendications salariales pour 2010 des syndicats regroupés dans Travail.Suisse sont «irréalistes», estime Thomas Daum, directeur de l'Union patronale suisse (UPS). Il réfute aussi les attaques contre les salaires des cadres supérieurs et dirigeants d'entreprises.
Les hausses généralisées de salaires revendiquées par les syndicats n'ont actuellement pas leur place, selon Thomas Daum. «Demander 2% (de salaire supplémentaire) est plutôt étranger à la réalité. Dans la situation actuelle, une priorité absolue doit être accordée au maintien de l'emploi», a-t-il dit lundi.
Mais il appartient à chaque branche et à chaque entreprise de voir si des augmentations salariales sont possibles. L'industrie suisse, orientée sur les exportations, doit absolument veiller à maintenir sa capacité concurrentielle, et porter attention aux hausses de coûts liées à chaque augmentation salariale, selon lui.
Thomas Daum a aussi réfuté les vives critiques émises jeudi par les syndicats à l'encontre des hauts dirigeants d'entreprises dont le «comportement peu scrupuleux fait qu'ils ont une grande responsabilité dans la crise». Ces rémunérations vont aussi baisser en raison de la crise, estime-t-il. Certaines entreprises les ont déjà raccourcies «de leur propre volonté», a-t-il argumenté.
Lors de la présentation des revendications salariales de jeudi, Susanne Blank, responsable de la politique économique de Travail.Suisse, a traité d'»éhontée» et de «sans vergogne» la façon dont les salaires des managers ont «explosé» ces dernières années, alors que ceux des simples salariés ont à peine voire pas suivi le renchérissement.
Le vice-président du syndicat interprofessionnel Syna, Arno Kerst, a pour sa part rappelé une étude commanditée par Travail.Suisse et portant sur un certain nombre d'entreprises qui publient ces chiffres. Elle avait fait ressortir que depuis 2002 les rémunérations des hauts dirigeants ont augmenté d'un «incroyable» 83%.