Les juges de Bellinzone ont mis un point final définitif aux
pérégrinations judiciaires des avoirs Mobutu, dont le gel avait été
décrété pour la première fois il y a une douzaine d'années: il
n'existe en effet plus aucune voie de recours.
Le professeur Mark Pieth avait porté le cas devant l'autorité de
surveillance qu'est le TPF en sa qualité de président du
"International Center on Asset Recovery" (ICAR), organisme sis à
Bâle pour le recouvrement des avoirs volés. Le professeur
contestait la décision du Ministère public de la Confédération de
ne pas donner suite à une plainte pénale déposée en janvier dernier
par la République démocratique du Congo.
Les banques concernées vont être informées et les héritiers de
Mobutu pourront ensuite disposer des fonds, a précisé Adrian
Sollberger, porte-parole du Département fédéral des affaires
étrangères (DFAE), sans toutefois pouvoir donner de date
exacte.
Aucune violation des prescriptions
La Cour des plaintes du TPF a décidé de ne pas donner suite à la
dénonciation de Mark Pieth. Les juges ont constaté que la décision
du Ministère public de la Confédération était parfaitement fondée.
Ils n'ont découvert aucune violation flagrante des prescriptions
légales en matière de procédure ou de droit.
En outre, le Ministère public n'avait pas à se laisser influencer
par des considérations politiques. En conséquence, l'argument de
Mark Pieth selon lequel l'inactivité du Ministère public est
politiquement inacceptable tombe dans le vide.
Un "revers" pour la place financière suisses
"Tout le monde sait
que cet argent a été mal acquis"
Olivier
Longchamp
"Cette décision est un sévère revers
pour la République démocratique du Congo, pour la place financière
suisse et pour tous ceux qui s'engagent pour la restitution des
avoirs des potentats", a relevé le professeur bâlois.
Mark Pieth a déploré la décision du TPF dans une prise de position
publiée mardi: on a laissé passer la dernière chance de saisir et
de rapatrier l'argent volé par le clan Mobutu. Une analyse de fond
n'est pas possible car le TPF s'est limité à un examen formel du
dossier.
Lacunes dans la législation
Il n'y a pas eu de mauvaise volonté de la part des autorités,
mais ce dénouement montre bien les lacunes de la législation
actuelle alors que "tout le monde sait que cet argent a été mal
acquis", a expliqué Olivier Longchamp de la Déclaration de Berne.
Et de placer ses espoirs dans un projet de loi actuellement en
préparation au DFAE (lire ci-contre). Action Place Financière Suisse a
également déploré l'issue de l'affaire qui prive la population la
RDC de cet argent. Le TPF n'a malheureusement pas abordé les
nouveaux éléments mis en avant par Mark Pieth, a regretté Max
Mader. Comme Olivier Longchamp, il souligne qu'il s'agit-là d'un
mauvais signal alors que la Suisse fait des efforts pour restituer
l'argent des potentats. Berne a notamment rendu au Nigeria la
totalité des fonds de l'ancien dictateur Sani Abacha.
ats/ap/bri
Douze ans de procédure
Les fonds ont été bloqués pour la première fois en 1997 après le renversement du régime de Mobutu Sese Seko. Une mesure que le Conseil fédéral a prolongé à plusieurs reprises pour donner la possibilité à l'avocat mandaté par la République démocratique du Congo (RDC) d'effectuer les démarches nécessaires en vue d'obtenir la restitution de cet argent au profit de la population.
En janvier, Kinshasa a déposé une plainte contre des membres de l'ancien régime dirigé par le maréchal Mobutu auprès du Ministère public de la Confédération. Mais le MPC l'a rejetée, estimant que les actes de blanchiment d'argent éventuellement commis en Suisse étaient prescrits.
Professeur de droit pénal à l'Université de Bâle, Mark Pieth a alors déposé au TPF une plainte de dénonciation. En se basant sur des faits publics, il affirmait qu'il existe un soupçon d'un comportement délictueux du clan Mobutu.
Il faisait également état d'indices manifestes que l'organisation criminelle constituée par le clan de l'ancien dictateur avait poursuivi son activité après le décès du dirigeant zaïrois et que le problème de la prescription ne se posait pas.
Le gouvernement avait consenti à une nouvelle prolongation jusqu'à fin octobre afin que la plainte de Mark Pieth ne soit pas privée de sens. Il n'est pas nécessaire d'avoir une nouvelle décision du Conseil fédéral pour libérer les fonds Mobutu, a précisé à l'AP Nadine Olivieri Lozano, porte-parole du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE).
Révision de la loi nécessaire
Aucune procédure d'entraide judiciaire n'a pu aboutir en 12 ans dans l'affaire des fonds du dictateur défunt Mobutu Sese Seko.
Ces circonstances montrent la nécessité d'une révision de la loi afin d'éviter qu'une telle situation ne se reproduise, a relevé la porte-parole du DFAE.
Le département a été chargé de rédiger un projet de loi sur la confiscation et la restitution de l'argent acquis illégalement par des personnalités politiques. Il doit être prêt en 2010.