Lors de l'entretien mercredi après-midi avec l'ambassadeur
Giuseppe Deodato, la Suisse a "exprimé son étonnement envers la
vague de contrôles fiscaux menés mardi en Italie", a indiqué le
Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), dans une prise
de position publiée à l'issue de la rencontre.
Elle s'étonne que ces visites inopinées aient visé en tout premier
lieu des établissements suisses. "La Suisse a tenu à faire valoir à
quel point et dans quel cadre elle coopère avec la communauté
internationale, les Etats membres de l'UE et en particulier
l'Italie dans les affaires fiscales", ajoute le texte.
De son côté, l'ambassadeur italien, interrogé dans l'émission
Forum de la RSR a souligné que les autorités avaient agi dans le
cadre parfaitement légal et qu'il ne s'agissait en rien d'un geste
inamical envers la Suisse.
Plus de 70 banques contrôlées
Le fisc italien a contrôlé mardi 76 agences de banques suisses
ou d'établissements bancaires liés à des intermédiaires suisses
dans le nord de l'Italie. Les visites ont eu lieu dans une
vingtaine de villes, notamment à Milan, Rome, Turin et Florence.
L'UBS a reconnu qu'elle avait reçu la visite du fisc à Milan,
tandis que le Credit Suisse s'est refusé à tout commentaire.
Les autorités italiennes entendent vérifier si ces établissements
financiers respectent "les obligations de communication" des
opérations bancaires effectuées par leurs clients. Ces contrôles
interviennent alors qu'une amnistie sur les biens cachés à
l'étranger mise en place par le gouvernement Berlusconi est entrée
en vigueur mi-septembre.
Conseil fédéral inquiet
Le Conseil fédéral a débattu mercredi
de cette attaque ciblée. La situation "nous inquiète", a souligné
le ministre de l'Intérieur Pascal Couchepin devant les médias,
parlant de "razzia". Le gouvernement suit le dossier depuis
plusieurs semaines.
Par ailleurs, le président de la Confédération et ministre des
finances Hans-Rudolf Merz est en contact avec les autorités
tessinoises. Le canton a demandé le soutien de Berne dans cette
affaire, s'indignant des méthodes utilisées par l'Italie pour
traquer l'évasion fiscale.
Le chef du Département des finances (DFF) Hans-Rudolf Merz a
indiqué que des mesures de réstorsion à l'égard de l'Italie après
l'offensive contre les banques suisses n'étaient pas à l'agenda.
Mais le Conseil fédéral ne restera pas inactif et réfléchit à des
mesures pour défendre la place financière au Tessin.
"Nous devons prendre des mesures ciblées qui concernent à la fois
la place financière et le fisc", a déclaré le ministre dans une
interview à la "Tagesschau" de la télévision alémanique SF. Mais il
n'envisage pas "de sanctions d'ordre politique".
"Nous disposons de possibilités dans le domaine fiscal", a indiqué
Hans-Rudolf Merz. Le ministre des finances faisait allusion à
l'imposition à la source des frontaliers italiens, dont une partie
est versée par la Suisse à l'Italie. Le fait de ne pas pouvoir
établir un dialogue avec l'Italie tient surtout à une
"constellation particulière".
Le ministre des Finances italien Giulio Tremonti a déclaré
récemment qu'il voulait assécher la place financière du Tessin.
Giulio Tremonti lui a confirmé ces propos lors d'une rencontre à
Istanbul au début du mois, a confié Hans-Rudolf Merz.
ats/lan
Les partis irrités
Mais l'opération de mardi a soulevé une vague d'irritation en Suisse.
Le président du PDC Christophe Darbellay estime que la convocation de l'ambassadeur d'Italie était la première mesure à prendre. Mais Christophe Darbellay note qu'il faut bien soupeser les moyens de défense. Des sanctions économiques contre l'Italie pourraient se retourner contre la Suisse. En revanche, "une visite diplomatique à Rome ne serait pas inutile".
Le président du PRD Fulvio Pelli observe pour sa part qu'en plaçant les établissements helvétiques dans leur ligne de mire, l'Italie a eu une attitude largement discriminatoire.
Quant à l'UDC, elle trouve que la réaction du Conseil fédéral est tardive et minimaliste. L'attitude de l'Italie envers la Suisse prend une tournure "de plus en plus grotesque" et "outrageante", écrit le parti, qui préconise des mesures de rétorsion.
Au PS, le président Christian Levrat formule une opinion nuancée. "L'action de l'Etat italien est justifiée s'il dispose d'indices concrets d'actes illégaux. Elle est difficilement acceptable s'il s'agit d'une pure manoeuvre d'intimidation", a-t-il dit à l'ATS.
L'Association suisse des banquiers (ASB) a également qualifié l'attitude de Rome de discriminatoire. Pour son porte-parole, Thomas Sutter, ces contrôles font partie d'une stratégie pour "renforcer la pression sur la place financière suisse".