La loi fédérale suisse prévoit un congé maternité de 98 jours – 14 semaines – à partir du jour où il est octroyé. Ce droit s'arrête si la femme reprend le travail plus tôt; toutefois, les mères ont l'interdiction de travailler pendant les huit semaines qui suivent leur accouchement. Et elles touchent 80% de leur salaire sous forme d'une allocation maternité – mais au maximum 196 francs par jour.
"Heures et congés usuels"
Du côté des pères, c'est plus compliqué... aucune législation ne se préoccupe pour l'instant de leur sort. La Confédération, elle, attribue 10 jours aux nouveaux pères parmi ses 38'000 employés. Selon les statistiques de 2016 de l'OCDE, en matière de congé réservé aux pères, la Suisse est bonne dernière avec, notamment, les Etats-Unis, Israël, l'Irlande et la Nouvelle-Zélande.
Dans le secteur privé, le travailleur peut aujourd'hui faire valoir un droit "heures et congés usuels" (art. 329, al.3 du Code des Obligations) accordés par son entreprise à l'occasion d'événements familiaux: souvent un à deux jours pour une naissance. Des détails qui sont réglés dans le contrat de travail.
Mais de nombreuses entreprises parmi les plus gros employeurs de Suisse proposent déjà un congé aux jeunes pères.
Novartis (13'000 employés des deux sexes) semble être le champion pour les pères: la pharma leur accordera 18 semaines de congé à partir du 1er juillet – auparavant, ce n'était que 6 jours. Un papa obtient 12 semaines chez Google et 8 chez Johnson & Johnson ainsi que chez Procter & Gamble (voir encadré). C'est 6 semaines chez Microsoft.
En comparaison, Migros (105'000 employés) et Coop (89'000) attribuent 3 semaines pour une paternité, avec la possibilité de prendre encore 2 semaines non payées. Quant à La Poste, elle octroie 2 semaines payées et 4 non payées.
La convention collective de travail (CCT) de l'horlogerie différencie entre la première naissance – 5 jours – et la deuxième (ou les naissances multiples), avec 10 jours.
"Ça ne coûte pas si cher que cela"
Interrogée par la RTS sur la charge financière que représente un tel congé pour les entreprises, l'entrepreneure Nicola Thibaudeau, patronne de MPS (Micro Precision Systems), la juge supportable. Son entreprise offre 10 jours de congé paternité à ses employés. "Dans la carrière d’un employé, on a fait nos calculs, une ou deux fois 10 jours de congé, ça ne coûte pas si cher que cela!", a-t-elle témoigné dans le 19h30 jeudi soir. Elle indique toutefois que si on veut faire plus, "toute dépend de l'entreprise; la toute petite entreprise ça lui fait mal quand quelqu'un est absent pendant longtemps, donc il faut faire à la mesure de ce qu'on peut".
A noter que le droit fédéral suisse ne prévoit pas non plus de congé d'adoption. Toutefois, les Chambres fédérales ont donné suite à l'initiative fédérale du PDC Marco Romano intitulée "Introduire des allocations en cas d'adoption d'un enfant", déposée en 2013. La commission compétente travaille à un projet allant dans le sens du texte.
Caryl Bussy & Stéphanie Jaquet
"Le congé paternité garde nos employés motivés et permet d'accroître leur productivité"
"C'était une expérience exceptionnelle, je vais garder ces souvenirs toute ma vie. L'un des premiers mots qu'a dit ma petite, c'est Papa": Paolo Haüsermann a des étoiles dans les yeux quand il évoque son congé paternité. Ce responsable marketing d'origine tessinoise, installé à Lausanne, a bénéficié d'un congé paternité.
Son employeur, Procter & Gamble, a décidé en janvier d'augmenter le nombre de jours alloués, de 2 à 8 semaines. Le salaire est versé à 100% pour les pères, qui peuvent prendre congé durant les 18 premiers mois suivant une naissance ou une adoption. Tous les employés européens en profiteront, mais le groupe américain a d'abord introduit la mesure en Suisse, où il emploie 1800 personnes.
"Je comprends beaucoup mieux ma femme après ce congé", confie Paolo Haüsermann: "S'occuper d'enfants toute la journée, c'est stressant, peut-être même plus prenant psychologiquement qu'aller au bureau". Son épouse, quant à elle, a pu se concentrer sur sa recherche d'emploi: "Paolo a pris le relais sur beaucoup de tâches quotidiennes, ça m'a vraiment aidée. Le congé paternité est très positif pour le papa, la maman et les enfants".
Et pour l'entreprise? La porte-parole de Procter & Gamble, Carine Shili, balaie la question des coûts et parle plutôt d'un investissement: "Le congé paternité est créateur de valeur, il favorise le succès de nos affaires à long terme. Il renforce notre attractivité et répond aux aspirations de la nouvelle génération. L'introduire nous permet d'attirer et de retenir les meilleurs talents. Le monde change, la définition de la famille évolue. Le congé paternité garde nos employés motivés et permet d'accroître leur productivité".
Gaspard Kühn
A Genève, un papa en congé maternité
C'est une première à Genève – voire peut-être en Suisse. Le quotidien Le Courrier de mardi rapporte que le canton a octroyé vingt semaines de congé maternité à un fonctionnaire partenarié. Soit les seize semaines prévues au niveau fédéral pour une mère, et les quatre accordées en sus par le canton.
La décision a été prise par Nathalie Fontanet, la conseillère d'Etat en charge du département des finances et des ressources humaines du canton (DF), puis validée par le Conseil d'Etat in corpore.
Mariés en Espagne et partenaires en Suisse, David et Luis sont parents de jumelles nées en Californie. Les petites filles ont vu le jour grâce à une mère porteuse et un don d'ovules.