Il fait plus chaud en ville qu'à la campagne. C'est désormais un fait mesuré. Les stations de MétéoSuisse ont constaté des différences en été allant jusqu'à 5 degrés de plus en milieu urbain. Ce phénomène a un nom: l'îlot de chaleur.
Le principe est simple. Les matériaux qui composent la ville (béton, goudron) stockent la chaleur durant la journée et la restituent durant la nuit par rayonnement. Le manque de végétation amplifie le phénomène, car il y a peu d'évapotranspiration, c'est-à-dire la transpiration du sol et des plantes qui rafraîchit l'atmosphère.
Les météorologues parlent d'un micro-climat des villes.
Ce graphique illustre l'îlot de chaleur urbain. Les courbes débutent à midi et on constate que dès 20h, l'écart de température avec la campagne s'accentue pour atteindre 3 à 4 degrés au milieu de la nuit. Il fait donc encore plus chaud en ville durant la nuit.
Les chiffres de MétéoSuisse sont explicites. En moyenne sur les mois d'été à Zurich, il y a 2 degrés et demi de différence la nuit. Entre 1993 et 2016, il y a eu 201 nuits tropicales (la température ne descend pas sous les 20 degrés la nuit) en ville de Zurich, contre une seule dans la campagne zurichoise.
Durant l'été caniculaire de 2015, la station genevoise de Cointrin a mesuré 5 nuits tropicales, contre 30 pour la station du centre de Genève.
Pour Isabelle Bey, cheffe du centre régional Ouest de MétéoSuisse, la situation actuelle de canicule renforce le phénomène, "L'îlot thermique urbain est le plus prononcé pendant les périodes de haute pression, c'est-à-dire dans des conditions météorologiques sans vent, à faible nuage et à fort rayonnement, qui correspondent à celles que nous vivons actuellement."
Les nuits sont donc plus pénibles en ville, selon Lionel Fontannaz de MétéoSuisse, "un environnement végétalisé, notamment l'ombre qu'il procure et l'évapotranspiration qu'il génère aura un effet bénéfique sur le ressenti. Le contraire est donc vrai: en milieu urbain, l'absence de surface végétalisée renforcera la sensation de chaleur."
Un problème de santé publique
Il fait donc plus chaud en ville. Mais est-ce seulement un problème de confort pour les habitants? Non. Le docteur Martina Ragettli, de l'Institut Tropical et de Santé Publique Suisse, a mené plusieurs études sur la mortalité durant les canicules de 2003 et 2015.
Aujourd'hui, elle affirme que "les recherches montrent que les nuits trop chaudes représentent un risque supplémentaire pour la santé (en plus des températures maximales quotidiennes élevées). Si le corps ne se refroidit pas la nuit, il ne peut pas récupérer suffisamment. Une récupération qui est particulièrement importante pour les personnes à risque, et notamment les plus de 75 ans. Les nuits tropicales augmentent le risque de décès lié à la chaleur."
Pour être concret, durant la vague de chaleur de 2003, il y a eu près de 1000 décès supplémentaires en Suisse entre juin et août.
L'ombre du réchauffement
Selon les scénarios climatiques présentés par la Confédération en 2018, l'avenir s'annonce encore plus chaud, avec des étés secs et des précipitations rares mais abondantes. Les experts ont réalisé plusieurs modèles pour la Suisse en 2060.
A Genève, par exemple, le jour le plus chaud de l'année pourrait atteindre les 40 degrés. Actuellement, sur le Plateau, il y a entre 30 et 60 jours avec une température d'au moins 25 degrés. Il pourrait y en avoir 30 de plus au milieu du siècle. Et en plaine, on pourrait avoir 15 nuits tropicales par année. Pire, au Tessin, une nuit sur 3 en été pourrait être au-dessus de 20 degrés.
L'Office fédéral de l'environnement prend la problématique au sérieux et souhaite poser les bases d'un développement urbain adapté aux changements climatiques. Des tests ont été notamment menés à Berne et à Sion.
Parmi les solutions étudiées, il y a le développement des espaces verts publics, des arbres au bord des routes, l'aménagement des plans d'eau ou encore la végétalisation des toits et des façades. Mais les études sur la question en Suisse en sont encore à leurs balbutiements.
Pascal Wassmer