Dans le championnat genevois des plus de 40 ans, l'âge avançant, les blessés - et donc les absents - sont toujours plus nombreux. Pour pallier le manque croissant de joueurs, le président de l’US Meinier a trouvé la parade.
"C’était au mois de septembre, on devait faire un match et on n’était pas assez", raconte Dominique Perone. "Dans notre nouvelle équipe féminine, je me souvenais qu’on avait une fille de plus de 40 ans, et je me suis dit 'pourquoi ne pas essayer de la faire jouer avec nous?' Alors j’ai cherché dans le règlement de l’ASF et j'ai découvert que les filles dès 28 ans avaient le droit de jouer avec tous les seniors +30 et +40", poursuit-il.
Impact physique
Noémie Legrais joue au foot depuis ses 5 ans, au début avec les garçons. Mais à 14 ans, la différence physique est devenue trop grande, jusqu’à aujourd’hui.
"Moi je n'ai pas peur. Après c’est vrai qu’il faut savoir se placer, faire attention. Il faut savoir mettre le pied au bon moment et se retirer quand ça devient trop dangereux. Mais vu que ce sont des adultes de 40 ans et plus, ils font attention à nous, donc il y a du respect", explique-t-elle.
Et Noémie Legrais de poursuivre: "On joue beaucoup plus sur la finesse, avec moins de contact, et si on prend un contact on ne va pas faire trois roulés-boulés par terre, ça c’est notre force!"
L’entraîneur Jean-Pierre Entrade abonde: "Il y a certaines filles, techniquement, tactiquement, qui sont au-dessus de certains de chez nous. Au début on était beaucoup à être réticents, pensant que ça ne jouerait pas au niveau des passes, qu’elles seraient mises de côté, mais en fait pas du tout! Ça se passe très bien et dans le contingent, on en est à sept filles qui ont joué avec nous depuis le début du championnat."
Le poids de la culture
Aucune autre équipe de Suisse romande n’utiliserait cet article du règlement. La grande majorité des clubs ne seraient même pas au courant. Mais pourquoi la mixité dans le foot est-elle encore si rare?
A l’Université de Lausanne, tous les sports sont mixtes. Mais contrairement au basket ou au volley, où filles et garçons jouent ensemble, le football en salle reste un bastion très masculin.
En 2014, des étudiantes ont toutefois demandé la création d’une section féminine pour apprendre les bases techniques et tactiques. Depuis, elles sont plus d’une centaine à êtres passées par les entraînements hebdomadaires. "En soi ce n’est pas une équipe qui a été créée, mais une section d'entraînement dédiée aux personnes qui veulent débuter le foot", explique Kevin Romerio-Hill Arias, responsable du football universitaire à l’UNIL. "C’est compliqué parce que le clivage entre foot féminin et masculin est encore très marqué. Les garçons ne vont pas oser aller au contact, ou s’ils veulent gagner ne vont pas forcément donner la balle aux filles. Malgré la bienveillance présente, on sent qu’il y a une discrimination inconsciente qui se fait dans tous les cas, et les filles le ressentent", assure-t-il.
Ophélie Aeimerton fait partie des premières filles à avoir intégré la section il y a 5 ans. Avec le recul, elle se rend compte que la socialisation des filles et des garçons est très différente, dans le foot en particulier. "C’est vrai que dans ma vie entière ça a été rare de jouer au foot en mixte, se souvient-elle. On essayait à l’école d’intégrer les équipes avec les garçons, mais c’est vrai qu’il y avait une certaine gêne parfois, alors on essayait, peut-être on marquait quelques buts, puis on se mettait de côté pour faire les jeux 'de filles'", confie-t-elle.
Cecilia Mendoza
Terrain réservé aux filles
Depuis le début de l’année scolaire, à l’école de Chandieu à Genève, le terrain de foot est réservé aux filles pendant la récréation deux fois par semaines. Eloïse, 10 ans, mesure le changement: "Moi ils m’intimidaient et quand je voyais qu’il n’y avait que des garçons qui jouaient, je me demandais si j’avais le droit d’y aller."
Depuis, les filles ont pu prendre possession du terrain et ont aussi bénéficié d’entraînements pour apprendre les règles et développer leur jeu technique. L’idée est venue de leur enseignante, Karen Brugger. "J’aimerais que les garçons ne choisissent pas que les filles qui savent jouer, mais qu’on donne la chance à tous les élèves, et à toutes les filles. Donc si on les entraîne, elles joueront mieux, et elles pourront également intégrer les cours de récréation", livre-t-elle. Pari réussi: en dehors des périodes réservées aux filles, les enfants jouent désormais en mixte.