Le dalaï-lama a longuement reçu la presse, au premier jour de
son passage à Lausanne. Il a insisté pour que la vérité apparaisse
enfin sur les manifestations et leur répression par les Chinois en
mars 2008 au Tibet. A sa connaissance, plus de 200 personnes ont
été tuées.
Mais en fait, ce sont "sans doute plus de 1000 personnes" qui ont
perdu la vie. Environ 4000 Tibétains sont maintenus en prison, sans
jugement et sans que l'on sache vraiment où ils sont, a déploré le
dalaï-lama. L'ambassade chinoise en Suisse a réagi aux propos du
leader tibétain (lire ci-contre).
"Allez voir sur place!"
Le dalaï-lama a enjoint la presse à aller voir sur place de ses
propres yeux, même si cela coûte un peu cher. "Et pas des visites
arrangées" par les autorités chinoises, avec des Tibétains qui
sourient sans cesse. "Si tout va bien au Tibet, Pékin a tout
intérêt à laisser les journalistes y aller".
"Ce serait plus efficace que la propagande chinoise à laquelle la
population chinoise elle-même ne croit pas", a lancé le dalaï-lama.
"Si nos informations (sur les massacres) sont fausses, nous
présenterons nos excuses", a-t-il ajouté.
Interrogé sur une résolution du conflit avec les Chinois, le
dalaï-lama s'est montré partagé, mais relativement optimiste.
"C'est une question de temps. La cause tibétaine est juste et
morale, même si localement c'est sans espoir" avec une occupation
qui dure depuis 60 ans. "Il y a un profond ressentiment de la part
du peuple tibétain depuis trois générations", a affirmé le
dalaï-lama.
Optimisme prudent
En revanche, à un niveau global,
il s'est dit "plus optimiste". Même au sein de l'intelligentsia
chinoise, on trouve de la sympathie pour la cause tibétaine. Le
dalaï-lama a reconnu que le problème était "difficile". Beaucoup de
pays, y compris la Suisse, veulent entretenir de "bonnes relations
avec la Chine" dont les poids démographique et économique sont
énormes.
Mais il y a des voix qui s'élèvent pour dire leur souci et leur
attachement pour le Tibet, a-t-il souligné. "Un génocide culturel"
est en cours au Tibet, avec des efforts continus des Chinois contre
le bouddhisme, que certains considèrent comme la principale
menace.
Sa Sainteté plaisantin
Malgré ces propos très fermes contre Pékin, sa Sainteté s'est
montrée souriante, n'hésitant pas à plaisanter. Interrogé sur ses
recommandations concernant la grippe A/H1N1, le dalaï-lama s'est
excusé de ne pas savoir répondre. Il a néanmoins plongé la main
dans sa pochette pour en ressortir une sorte de spray nasal, qu'il
n'a pas hésité à s'enfoncer dans une narine.
Concernant l'attitude du Conseil fédéral qui ne le rencontrera
pas, le dalaï-lama a dit qu'il n'était pas déçu. Son séjour mardi
et mercredi à Lausanne est placé sous le signe de la spiritualité
et de l'éducation. Il ne veut en outre pas créer "d'inconvénients
ou de situations incontrôlables".
Et un enseignement spirituel
Dans la matinée, le chef spirituel a dispensé son enseignement à
la patinoire de Malley. Plus de 12'000 participants sont attendus
mardi et mercredi pour suivre les cours du dalaï-lama, qui
consistent notamment en une initiation du Bouddha en
médecine.
Mercredi après-midi, sa conférence publique portera sur le thème
"La paix dans le monde par la paix intérieure". L'événement,
organisé par la communauté bouddhiste internationale Rigdzin,
affiche d'ores et déjà complet.
Le chef spirituel doit repartir jeudi de Genève, où il assistera à
une conférence sino-tibétaine. C'est la première fois que le
dalaï-lama dispense ses enseignements spirituels à Lausanne. Il
n'était pas revenu en Suisse depuis 2005, où il avait réuni huit
jours durant près de 30'000 personnes au Hallenstadion de
Zurich.
agences/cer
L'ambassade de Chine réagit
L'ambassade de Chine en Suisse a réagi mardi aux propos du dalaï-lama.
"Ses déclarations montrent que le chef spirituel des Tibétains n'est pas une simple personnalité religieuse", a-t-elle fait savoir.
La mission diplomatique chinoise prendra contact avec le département des Affaires étrangères (DFAE).
"Nous avons l'habitude de ne pas écouter ce qu'il dit et de ne regarder que ce qu'il fait", a remarqué Feng Haiyang, conseiller politique et de presse à l'ambassade de Chine, interrogé par l'ATS.
"Il a dit qu'il ne venait pas pour la politique et ce qu'il fait montre le contraire", ajoute l'ambassade.
Reconnaissant que le dalaï-lama "sait très bien parler", Feng Haiyang insiste sur le fait que le dalaï-lama doit prouver son honnêteté.
Feng Haiyang ajoute que "naturellement, nous communiquerons avec le Département fédéral des affaires étrangères à travers les canaux diplomatiques".
Interrogé avant la venue du dalaï-lama, le diplomate chinois avait espéré que la Suisse "n'offrirait aucune plate-forme aux propos séparatistes" du leader tibétain.