L’avenir du procureur général de la Confédération Michael Lauber est plus incertain que jamais. Sa réélection par les Chambres fédérales a été repoussée à la fin de l’été. Les enquêtes tentaculaires sur les soupçons de corruption au sein de la Fédération internationale de footbal (FIFA) sont à l’origine des ennuis de Michael Lauber. Mais selon une enquête de la RTS, l’affaire de la FIFA ne serait que la pointe de l’iceberg.
Dans les milieux judiciaires, on parle volontiers d'une "méthode Lauber", avec ses partisans et ses détracteurs. Un témoin qui a travaillé de près avec Michael Lauber décrit par exemple un chef très interventionniste mais qui donne ses ordres de préférence par oral, sans trop laisser de traces écrites. Pour ce témoin, il n’est donc pas étonnant de retrouver le procureur de la Confédération empêtré dans cette affaire de rendez-vous hors de tout protocole avec le patron de la FIFA Gianni Infantino.
Un fonceur diversement apprécié
Cette culture de l’oralité et du secret est une manière de se couvrir en cas de problème. Surtout quand comme Michael Lauber, on veut avancer vite, fort et gérer le parquet fédéral un peu comme une entreprise qui doit faire du chiffre. Ce profil de fonceur et de magistrat pas trop procédurier est diversement apprécié. Selon plusieurs professionnels des milieux judiciaires interrogés, la méthode Lauber est la bonne, il est un vrai patron. Mais d'autres rétorquent que si Michael Lauber aime prendre des risques, il ne les assume pas suffisamment. "Il est obsédé par son image", dit une source.
Des négociations plutôt qu’un procès
Concrètement, la "méthode Lauber" repose d’abord sur la négociation chaque fois que cela est possible. Cela implique de mener des discussions en dehors du strict cadre d’un classique acte d’accusation et d’un renvoi devant un tribunal. C’est souvent le cas dans les affaires financières internationales. Comme dans l’affaire de la fille de l’ancien président ouzbek ou du scandale Petrobras au Brésil, les peines sont négociées à la baisse dans des procédures dites simplifiées et l’argent de la corruption est ainsi plus vite restitué.
Cette manière de faire des deals, de négocier, n'a en fait rien d'exceptionnel. Avocat et spécialiste de ce genre d’affaires internationales, Charles Poncet estime que c’est même indispensable à la bonne marche de la justice. Mais, attention, ces contacts informels doivent passer par les avocats et non pas se négocier directement avec les parties. Pour Charles Poncet, les rencontres de Michael Lauber avec le patron de la FIFA sont ainsi "hautement inopportunes".
Une méthode risquée mais le procureur la revendique
Le procureur de la Confédération a donc visiblement mal géré sa marge de manoeuvre. Il est allé trop loin dans le cas de la FIFA et le Tribunal pénal fédéral l’a sanctionné en le récusant. Dans l’affaire ouzbèke, un de ses procureurs a également été récusé. Et l’affaire Petrobras pourrait aussi sentir la récusation en raison de voyages non protocolés au Brésil. Au final, ce n’est pas très efficace et ça risque plutôt de couler les enquêtes.
Michael Lauber, lui, persiste et signe. Selon un de ses proches, il s’estime avant tout victime du "juridisme étroit et mal fondé" des juges du Tribunal pénal fédéral. On verra ce qu’en dit l’Autorité de surveillance du Ministère public de la Confédération qui a ouvert une enquête disciplinaire. Et ensuite les parlementaires qui auront le dernier mot pour réélire ou non Michael Lauber en place depuis 2012.
Ludovic Rocchi