Alain Berset devrait livrer le message au Parlement d'ici à fin août. L'harmonisation progressive de l'âge de la retraite des femmes avec celui des hommes devrait rapporter 10 milliards de francs. Le peuple y ayant déjà dit "non" deux fois, le gouvernement avait mis deux variantes en consultation pour soutenir les femmes nées entre 1958 et 1966.
Aucune option n'a été clairement plébiscitée en consultation. La gauche voulait aller plus loin et l'UDC renoncer à toute compensation. Le modèle à 400 millions aurait juste soulagé les femmes à moyens ou bas revenus qui partent en retraite anticipée en limitant la réduction de leur rente.
La variante retenue permettra en plus d'encourager les femmes proches de la retraite à travailler au moins jusqu'à 65 ans pour accroître leur rente. La note a toutefois été ramenée de 800 à 700 millions. Le relèvement de trois mois par an commencera à partir de l'année qui suit l'entrée en vigueur de la réforme.
0,7 point de TVA
Pour que l'AVS puisse couvrir ses dépenses jusqu'en 2030, un financement additionnel s'impose en plus. Grâce au soutien populaire en mai à la réforme de la fiscalité des entreprises englobant un volet compensatoire en faveur de l'AVS, le gouvernement propose de le limiter à 0,7 point de pourcentage au lieu du 1,5% qui aurait peiné à passer le cap du Parlement.
Le gouvernement ne compte pas remanier le reste de son projet. La réforme du 1er pilier doit permettre à tout le monde de partir à la retraite de manière flexible entre 62 et 70 ans. La population sera toutefois incitée à travailler au-delà de 65 ans: les petits revenus continueraient d'être exonérés de cotisations (franchise mensuelle de 1400 francs) et les cotisations versées après 65 ans permettront d’améliorer la rente.
Deux ans après le refus par le peuple de la réforme conjointe des premier et deuxième piliers, le projet doit maintenir les rentes et garantir un financement stable de l'AVS. Il devrait alléger les comptes de 2,8 milliards de francs en 2030. Une autre réforme devrait toutefois suivre au milieu des années 2020.
"Un signal très fort"
Interrogé mercredi dans Forum, le conseiller fédéral Alain Berset défend cette nouvelle réforme. "Le plus important est que l'on garantisse une bonne flexibilité de l'âge de la retraite. Ce n'est pas d'imposer aux gens à quel âge ils doivent partir, mais qu'on offre des bonnes conditions pour tout le monde. Le deuxième élément consiste à avoir une compensation forte pour les femmes concernées. Avec 700 millions de francs, le Conseil fédéral a donné un signal très fort" estime-t-il.
"De plus, il y a le compromis dans le deuxième pilier (voir encadré) qui va représenter une amélioration essentielle pour les femmes notamment pour celles qui travaillent à temps partiel ou qui ont des revenus pas très élevés. A cela s'ajoute encore la prestation complémentaire décidée par le Conseil fédéral qui va aussi amener des prestations très importantes pour les personnes qui, au-delà de 60 ans, ont de la peine à rester sur le marché du travail", poursuit Alain Berset.
ats/gma
Compromis sur le 2e pilier
La décision du gouvernement intervient un jour après un compromis sur la prévoyance professionnelle. Les partenaires sociaux proposent de ramener d'un coup de 6,8% à 6% le taux de conversion du capital en rente mais prévoient une série de mesures d'accompagnement pour éviter la fonte des rentes.
Ceux qui auraient plus de 50 ans à l'entrée en vigueur de la réforme toucheraient un supplément de rente fixe financé solidairement via une cotisation salariale de 0,5%. La part de salaire assuré serait augmentée (ce qui profiterait aux petits salaires). Il n'y aurait plus quatre paliers de cotisations, mais seulement deux avec un plafond à partir de 45 ans afin de favoriser l'emploi des personnes plus âgées.
Avis partagés des partis
Le Conseil fédéral ne parvient toujours pas à réunir les faveurs derrière sa réforme de l'AVS. Les compensations accordées aux femmes pour faire passer la hausse de l'âge de la retraite ne sont pas suffisantes pour la gauche et les syndicats; elles sont excessives pour les milieux patronaux et la droite
Le PS rejette notamment cette nouvelle tentative de compromis sous sa forme actuelle. Il rappelle que les femmes gagnent toujours moins que les hommes et que leurs rentes sont nettement plus basses. Interrogée jeudi dans La Matinale, la co-présidente des femmes socialistes suisses Martine Docourt se disait "pas convaincue". Cette réforme "ne va pas assez loin pour la situation des femmes. On sait que le passage à la retraite fait qu'elles ont 40% de moins et cette retraite ne permettrait pas d'y pallier", estime-t-elle.
Mais le même âge de retraite pour tous, n'est-ce pas un signe d'égalité? "C'est un argument qu'on entend régulièrement, mais on doit travailler sur l'ensemble des mesures à prendre dans le domaine: l'égalité salariale, la valorisation des métiers typiquement féminins... c'est une piste. Et une fois qu'on aura amélioré la situation des femmes, on pourra penser à l'âge de la retraite", répond-t-elle.
Son interview complète dans La Matinale de jeudi:
Même son de cloche du côté de l'Union syndicale suisse (USS), qui déplore qu'au lieu de s'attaquer à la vraie problématique des rentes insuffisantes, "le Conseil fédéral continue de miser sur un relèvement de l'âge de la retraite des femmes".
Le PDC et le PLR reçoivent plus favorablement le projet présenté par Alain Berset, tout comme les Vert'libéraux qui jugent "équitables" les principaux éléments de la réforme.