«Nous n'avons plus que 3 ou 4 boîtes de masques, et plus du tout
de désinfectant, explique Jennifer, qui travaille dans une
pharmacie Sun Store genevoise. On a commandé du désinfectant pour
les mains depuis un mois et demi et on ne sait pas du tout quand on
sera livrés.» Même son de cloche à la pharmacie Fasmeyer, à Sion:
il y reste quelques masques (voir ci-contre) mais
plus aucun flacon de Sterillium, le principal liquide
désinfectant.
Toutes les pharmacies contactées font le même constat: les
fabricants sont en rupture de stock, les délais de livraison ont
été rallongés et demeurent incertains, alors que le nombre de
clients souhaitant acheter des masques et des désinfectants
augmente. Les estimations diffèrent mais toutes tournent autour
d'une à cinq demandes par jour. Si le chiffre peut sembler
dérisoire, il est néanmoins en hausse.
Coop et Migros en attente
Alexandre Lo Russo, vice-président de la Société vaudoise de
pharmacie, constate lui aussi une rupture de stock de masques et de
désinfectants. «Je ne m'inquiète pas, car j'avais pris les devants
et passé une commande suffisante. Mais c'est vrai que de plus en
plus de personnes effectuent ces achats préventifs», déclare le
pharmacien lausannois.
La Migros admet quant à elle être en rupture de stock. «Ce n'est
pas tant la demande qui a augmenté que les fabricants qui n'ont pas
pu suivre la cadence. Notre fournisseur, 3M, vend également à
d'autres pays et livre en priorité les hôpitaux», remarque Martina
Bosshard, porte-parole de la Migros.
3M confirme: «Nous avons augmenté la cadence de production mais
nous avons pris du retard, explique Daniel Schuller, son
porte-parole. Les livraisons vont bien avoir lieu, mais je ne peux
pas dire quand.» La Migros est à la recherche d'un fournisseur
alternatif et espère une livraison pour fin août, début septembre
au plus tard.
Du côté de la Coop, qui vend aussi des masques, le discours se
veut rassurant: «Nous avons déjà reçu une grosse commande il y a
plusieurs mois et avons des réserves suffisantes, annonce Nicolas
Schmied, porte-parole de la Coop. Notre fournisseur, Promedical
[injoignable mardi], nous a assuré pouvoir nous livrer ce dont nous
aurions besoin en cas d'urgence.»
Fabricants dépassés
Les «grossistes-répartiteurs», qui centralisent les commandes de
la majorité des pharmacies et qui servent d'intermédiaires avec les
fabricants, ont un discours identique.
Chez Adémis, il a même été question d'élargir le spectre des
fournisseurs de masques pour pallier la hausse de la demande. «On
est passés d'à peu près 3 fabricants à 25 depuis le début de l'été,
confie Pierre Mudry, directeur commercial pour la Suisse romande
d'Adémis. Mais à l'heure actuelle, seules 2 ou 3 entreprises sont
capables de nous livrer des masques. Et c'est en petite quantité,
seulement quelques centaines de boîtes que l'on doit ensuite
répartir entre nos différents clients.»
Des pharmacies bien souvent en rupture de stock, des fabricants
dépassés par le nombre de commande et des livraisons retardées; le
tout pendant que la demande augmente tranquillement. «Les gens sont
encore en vacances. Il faut espérer qu'avec la rentrée des classes,
les parents ne prennent pas peur pour leurs enfants et ne décident
pas d'acheter des masques et du liquide désinfectant», annonce la
gérante d'une Pharmacie Plus à Genève qui a souhaité rester
anonyme.
Des pharmaciens sereins
Pourtant, ni les pharmaciens, ni l'Office fédéral de la santé
publique (OFSP) ne semblent inquiets. D'abord parce que les gels et
liquides désinfectants pour les mains sont faits à base d'alcool.
Or de ce côté, aucune rupture de stock. «Si les gens sont vraiment
inquiets, ils peuvent se frictionner les mains avec n'importe quel
alcool antiseptique, déclare Anne-Marie Follonier, de la pharmacie
Fasmeyer à Sion. Et dans le pire des cas, les pharmacies peuvent
fabriquer leur propre désinfectant maison.»
Katrin Holenstein, porte-parole de l'OFSP, rappelle en outre que
ces désinfectants ne sont pas indispensables: «Si le lavage des
mains est minutieux et systématique, ces produits ne sont pas
nécessaires.» Concernant les masques de protection, son discours
est clair: «On a conseillé aux gens de faire des réserves au moment
de la grippe aviaire. Ca n'est pas nouveau. Il s'agit d'être bien
organisé. Mais encore une fois, se laver les mains est le plus
important.» Pourtant, le site Internet de l'OFSP consacré au virus conseille
aux Suisses de porter des masques d'hygiène.
Il ne reste plus qu'aux moins prévoyants à prendre leur mal en
patience. Et à se laver les mains.
Lucile Sourdès
Une différence de taille
Il ne faut pas confondre les masques d'hygiène et de protection, rappelle le vice-président de la Société vaudoise de pharmacie, Alexandre Lo Russo.
Ceux que l'on appelle les masques d'hygiène ne protègent pas de la grippe A/H1N1 car ils filtrent l'expiration, et non l'inspiration. Ils permettent de ne pas contaminer son entourage lorsque l'on est porteur du virus.
Les masques dits de protection filtrent à la fois l'inspiration et l'expiration. Ils permettent donc de se protéger et de protéger ses proches.