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Tribunal arbitral: tout va aller très vite

Hans-Rudolf Merz est pris dans la tourmente après la déconvenue de l'affaire Kadhafi.
L'accord signé par Merz à Tripoli prévoit la mise en place d'un tribunal arbitral.
La procédure de mise en place du tribunal arbitral dans l'affaire Kadhafi doit avancer rapidement. Selon l'accord passé avec Tripoli, deux des trois médiateurs du futur tribunal doivent être nommés d'ici au 30 août. Les conclusions du tribunal sont attendues 60 jours après le début de l'arbitrage.

Le tribunal arbitral international dans l'affaire Kadhafi est
mis en place par l'accord signé le 20 août 2009 entre le président de la Confédération
Hans-Rudolf Merz et le Premier ministre libyen El Baghdadi. Il
prévoit que chaque partie désigne un juge venant d'un Etat tiers
indépendant dans les dix jours suivant la signature de l'accord,
donc avant le 30 août.



Les deux arbitres doivent ensuite se mettre d'accord sur un
troisième arbitre, qui deviendra aussi le président du tribunal. Et
ce dans un délai de 30 jours après la signature. Si les deux
parties ne peuvent trouver un consensus, le troisième magistrat
sera désigné par le président de la Cour internationale de
justice.

Mandat très limité

Selon les termes de l'accord, le
tribunal arbitral devra uniquement examiner les circonstances de
l'arrestation d'Hannibal Kadhafi, notamment les actions de la
police genevoise et des autorités. Le texte ne mentionne ni
l'examen des faits qui ont précédé l'arrestation, ni ceux qui ont
suivi, comme le cas des deux Suisses retenus en Libye.



Selon l'avocat Charles Poncet (voir la vidéo en archives
ci-contre
), le tribunal devra toutefois décider si le fait
de retenir les deux Suisses était justifié ou non. De son côté, le
sociologue Jean Ziegler a critiqué un accord "très très mauvais"
car il ne statue pas sur les dommages subis par les entreprises
suisses en Libye ni sur la légalité des sanctions économiques
prises par Tripoli contre la Suisse.



Ce faisant, le tribunal, qui devrait être installé à Londres et
dont la langue de travail sera l'anglais, devra appliquer les lois
et conventions internationales. C'est toutefois le tribunal
arbitral lui-même qui établit les lois et procédures de
l'arbitrage, tout en se soumettant aux principes émis par la
Convention de La Haye.



Les trois arbitres devront rendre leur décision finale dans les 60
jours suivant le début de la procédure arbitrale. Les deux parties
s'engagent à respecter le compte-rendu du tribunal et à partager
les frais.

Quel sera le pouvoir du tribunal?

Le tribunal pourra rendre une décision qui sera contraignante
pour les deux parties. Ainsi, si le tribunal arrive à la conclusion
que la Suisse a agi de manière infondée, les "autorités suisses
appropriées", dit le texte, devront prendre toutes les mesures
adéquates contre les responsables et les sanctionner. On ne sait
toutefois pas qui devrait agir en l'occurrence, la Confédération ou
les autorités genevoises.



Si des actions criminelles sont prouvées, la Suisse devra
également porter les responsables en justice. La Suisse pourrait
aussi être tenue de payer des compensations définies par le
tribunal, soit aux victimes de l'arrestation, soit à l'entité de
leur choix. Ici aussi, il resterait à définir si c'est l'Etat
fédéral ou Genève qui devrait passer à la caisse.



Les autres points de l'accord ont trait d'une part aux excuses de
la Suisse pour "l'arrestation injustifiée et pas nécessaire" d'un
diplomate libyen et de sa famille et d'autre part à la promesse du
gouvernement suisse qu'il ne répète pas un tel incident auprès d'un
citoyen libyen. Si toutes les conditions sont respectées, les deux
parties peuvent renouer des relations diplomatiques.

Le fédéralisme en question

Toutes ces questions posent aussi
celle du fédéralisme. Thomas Fleiner, professeur de droit à
l'Université de Fribourg, a exprimé ses doutes à ce sujet à l'ats
cette semaine: Si la Suisse est perçue à l'étranger comme un Etat
unique, ses cantons restent souverains. Dans le cas présent, la
Confédération est allée plus loin que sa compétence. A ses yeux,
"la mise en place d'un tribunal à l'étranger fait sauter le droit
suisse, mais aussi le fédéralisme".



De son côté, le Conseil d'Etat genevois regrette l'ingérence de la
Confédération en matière de justice et de police, des compétences
qui sont cantonales. Le gouvernement dit aussi s'inquiéter de voir
un tribunal étranger désigner des coupables au sein de ses
autorités et de sa police. Il se réserve même le droit de ne pas
participer à un tel tribunal. La ministre de la Justice Eveline
Widmer-Schlumpf a elle-même émis des doutes sur la pertinence d'un
tel organe chargé de juger une affaire genevoise à
l'étranger.



Frédéric Boillat avec D.Gianora et Th.Hartmann

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Le tribunal arbitral, rappel historique

L'arbitrage est un mode alternatif de résolution des litiges entre les particuliers, entre les entreprises ou dans le cas de l'affaire Kadhafi entre les Etats.

La Confédération utilise ce processus depuis le 19e siècle.

Très vite, la Suisse s'est également montrée très active dans le règlement de conflits impliquant des Etats tiers, et notamment à Genève.

La Suisse fait aussi partie des Etats qui ont conclu, le 18 octobre 1907 à La Haye, la "Convention pour le règlement pacifique des conflits internationaux".

Adoptée par la plupart des Etats, cette convention sert toujours de base juridique à l'établissement des tribunaux arbitraux internationaux.

Elle est entrée en vigueur en 1910 en Suisse et en 1996 en Libye.

Par la suite, la Suisse a utilisé l'arbitrage à de nombreuses reprises au 20e siècle, mais pour des litiges toujours relativement mineurs.

La création de tribunaux arbitraux internationaux est relativement courante, mais il s'agit dans la plupart des cas de régler des différends d'ordres commerciaux, plus rarement des conflits d'Etat à Etat.

La sentence a en principe force exécutoire sur le plan international.

La Confédération elle-même n'est souvent pas impliquée directement dans ces arbitrages. Ce sont plutôt des personnes physiques ou morales suisses.

Ainsi, lors de l'affaire des fonds juifs en déshérence, un tribunal arbitral avait été constitué avec des arbitres désignés par des associations juives, des juges et avocats américains ainsi que des banquiers suisses. Mais ni Berne, ni Washington n'était partie prenante.

Un organe manquant?

L'affaire Kadhafi pose aussi la question de la pertinence d'un organe chargé de régler ce genre de litige. Dans la presse, certaines voix émettent l'idée que le conflit n'aurait pas pris une telle dimension avec un organe international.

Dans les faits, il n'existe aucun tribunal chargé de juger de tels différends internationaux, comme c'est par exemple le cas dans le sport avec le Tribunal arbitral du sport.

Les Tribunaux pénaux internationaux (comme celui chargé de l'ex-Yougoslavie) ne s'occupent pour leur part que des crimes de guerre.

La Cour européenne de justice dispose aussi de certaines compétences dans ce domaine, mais comme son nom l'indique, elle ne peut agir qu'au niveau européen.

La création d'une entité contraignante au niveau mondial et dont les décisions seraient exécutoires pourrait donc être soulevée.