La semaine dernière, le groupe américain Philip Morris International et la Confédération ont déclenché la colère de l'OMS, de l'Office fédéral de la santé publique et de beaucoup d’ONG, car le grand cigarettier sera le sponsor principal du pavillon suisse à l'exposition universelle de Dubaï en 2020.
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Le Parlement se penchera d'ailleurs sur cette affaire à la rentrée. Elle montre que les fabricants de cigarettes, qu'elles soient électroniques ou conventionnelles, sont toujours très actifs en matière relations publiques. Mais le sponsoring n'est que la partie visible leurs activités. Ainsi, en souterrain, le lobby du tabac essaie par exemple depuis un moment de se frayer un chemin dans la Genève internationale.
Maintenant que l'industrie fait de nouveaux produits, ça fait partie de leur nouvelle stratégie de vouloir revenir dans la famille
Cette affaire de Pavillon suisse financé par le numéro un mondial de la cigarette n’étonne d'ailleurs pas tout le monde. Ainsi, Ilona Kickbusch, professeure au Graduate Institute et longtemps collaboratrice à l’Organisation mondiale de la santé, observe l'influence grandissante de Philip Morris dans la Genève internationale: "Il y a eu des approches auprès de plusieurs catégories d'acteurs, au niveau académique, au niveau des nations, auprès d'instituts, ou même de l'ONU elle-même", a-t-elle révélé dans l'émission Tout un monde de la RTS. "Maintenant que l'industrie fait de nouveaux produits [comme la cigarette électronique], ça fait partie de leur nouvelle stratégie de vouloir revenir dans la famille".
Incompatible avec la santé publique
Pour Philip Morris, l'enjeu est d’intégrer les discussions actuelles de la convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac. La multinationale a d'ailleurs bénéficié d’un coup de pouce de la part du patron de l’ONU à Genève, Michael Moller: juste avant de quitter son poste, il a envoyé une lettre au Secrétaire général Antonio Guterres en lui demandant d’intégrer les géants du tabac dans les futures discussions.
"J’ai trouvé ça très étrange. Je me demande pourquoi un officiel de l’ONU sur le départ ressent le besoin de faire pression pour une plus grande implication de l’industrie du tabac dans les politiques de la santé. Il y a une solide norme internationale qui exclut cette industrie de telles discussions, et il y a une très bonne raison à cela: les objectifs du tabac sont totalement incompatibles avec ceux de la santé publique", a vivement réagi Chris Bostic, vice-directeur chez Action Smoking and Health, un regroupement international d’associations pour la restriction de l’accès à la cigarette.
Un relais de choix
Sur le terrain, c'est notamment Thomas Borer, l’ex-ambassadeur de Suisse en Allemagne et l’homme de la task force pour les fonds juifs en déshérence dans les années nonante, qui se charge de faire passer les messages de l'industrie du tabac auprès de la Genève internationale. Il fait du lobbying pour la jeune société californienne Juul. Celle-ci vend des cigarettes électroniques et débarque en Europe et en Suisse après avoir raflé, en deux ans, 75% du marché américain du vapotage. Or, la société Altria, qui est Philip Morris aux Etats-Unis, détient un tiers de son capital.
Juul est accusée par les autorités sanitaires américaines de répandre une épidémie d’addiction à la nicotine chez les jeunes et subit, ces jours, de lourdes critiques de la part du Congrès. Alors qu'il était prêt à s'exprimer sur la RTS pour expliquer son mandat auprès de Juul, cette dernière a finalement refusé toute interview au dernier moment.
Sujet radio: Frédéric Mamaïs
Adaptation web: Vincent Cherpillod