Elles hébergent la moitié de la population, mais les villes suisses se sentent oubliées
Elles hébergent près de la moitié de la population suisse mais se sentent parfois délaissées par les politiques cantonales ou fédérales. Quelles sont les préoccupations des cinq plus grandes agglomérations du pays?
Les maires ou syndics de Zurich, Genève, Bâle, Berne et Lausanne ont accordé des entretiens à l'émission Forum de la RTS. Ils exposent leurs besoins et leurs inquiétudes en matière de logement, de climat, d’intégration ou de relations avec l’Europe.
Grégoire Junod, syndic de Lausanne
"Les villes ont des solutions à faire valoir"
Confrontées à des problèmes plus importants qu’ailleurs, les villes suisses ont mis sur pied des politiques novatrices. C’est le credo du syndic de Lausanne Grégoire Junod, qui cite l’exemple de la consommation en électricité, presque entièrement renouvelable dans la capitale vaudoise.
Le socialiste réclame plus de reconnaissance et de soutien de la Confédération. Il souhaite notamment que les villes suisses puissent toucher une partie de la péréquation intercantonale. Et au sein des agglomérations, les flux financiers doivent aussi être rééquilibrés, estime Grégoire Junod.
Les charges des villes centre, "c’est le principal problème", lance le socialiste. Elles sont estimées à 60-70 millions à Lausanne et constituent "une préoccupation importante". D’où son appel aux autres communes de l’agglomération lausannoise et au canton de Vaud pour plus de solidarité.
Alec Von Graffenried, maire de Berne
"En matière d’écologie, les villes veulent avancer plus vite"
La ville de Berne est une île au milieu du canton de Berne. Le maire de ce bastion rose-vert se sent même "oublié" par les autorités cantonales. Interrogé sur le récent refus d’une loi cantonale qui voulait promouvoir les énergies renouvelables, Alec Von Graffenried identifie un clivage ville-campagne. "Ca nous arrive souvent", lance l’élu vert, qui estime qu’en matière d’écologie, "les villes veulent avancer plus vite que le reste du pays".
D’ailleurs, ajoute-t-il, beaucoup d’efforts ont déjà été entrepris pour améliorer la qualité de vie: alors qu’elle perdait des habitants à la fin du siècle passé, la ville de Berne a réussi à inverser la courbe dès l’an 2000. "Les familles sont retournées en ville", se réjouit Alec von Graffenried, qui attribue cette croissance à la création d’espaces verts et à la réduction du trafic.
Chez nous, "on peut dormir la fenêtre ouverte", se réjouit encore le maire de Berne.
Elisabeth Ackermann, présidente du gouvernement de Bâle-Ville
"Les accords bilatéraux sont essentiels"
Avec des exportations annuelles de 24 milliards de francs et des importations pour 9 milliards de francs, la ville de Bâle entretient d’intenses relations économiques avec l’étranger. Il s'agit "pour l'essentiel des produits de l'industrie chimique et pharmaceutique", précise la présidente du gouvernement de Bâle-Ville, Elisabeth Ackermann.
Une autre particularité de la cité rhénane est la présence de 70'000 travailleurs frontaliers allemands et français. "Heureusement, chez nous, il n’y a pas de controverse politique ou d’avis critiques là autour", se réjouit Elisabeth Ackermann.
L’élue verte s’inquiète en revanche d’une éventuelle dégradation des relations entre la Suisse et l’Union européenne: "Ce serait très problématique", lance-t-elle avant d'ajouter que les accords bilatéraux sont "essentiels". Confrontée à des tensions autour de l’aéroport de Bâle-Mulhouse, sa ville a toutefois pu compter sur les autorités fédérales: "Berne nous a beaucoup soutenu", se félicite Elisabeth Ackermann.
Sandrine Salerno, maire de Genève
"Sans les étrangers, la Suisse n'existerait pas"
Genève se distingue au niveau suisse en étant le canton qui compte le plus d’étrangers. "Historiquement, Genève est une ville de migration interne et internationale", rappelle l’actuelle maire de Genève Sandrine Salerno. La socialiste, elle-même d’origine française et italienne, parle même d’un "savoir-faire" genevois en matière d’intégration, rappelant notamment l’existence d’un programme de régularisation des sans-papiers.
Pour elle, "les migrants participent à la construction de l’identité genevoise". Une vision "très éloignée des thèses fédérales", analyse Sandrine Salerno, qui dénonce, au niveau suisse, un discours politique "vieillot" et "largement basé sur des théories assimilationnistes".
En matière de politique migratoire, l'élue admet un décalage entre la politique fédérale et les réalités des villes et ajoute que "sans les étrangers, la Suisse n’existerait pas".
Corine Mauch, maire de Zurich
"Plus de 80% du PIB provient des villes"
Faire de Zurich "une ville pour tout le monde", c’est une des missions que s’est donnée Corine Mauch, maire de la plus grande ville de Suisse depuis 10 ans. Cela passe notamment par une politique du logement qui favorise la mixité économique et sociale.
Sur ce point, Corine Mauch ne se sent pas suffisamment soutenue par les autorités fédérales. La maire de Zurich rappelle aussi l’échec de la réforme de l’imposition des entreprises RIE3. Selon elle, les intérêts des villes n’ont pas été suffisamment pris en compte lors de l’élaboration du projet. Or, rappelle l’élue socialiste, les villes sont des moteurs économiques.
Corine Mauch souligne également le fait que "80% du PIB est produit dans les villes". Pour elle, tout est question d’équilibre, entre les exigences des villes et celles des campagnes. Et aujourd’hui, affirme la maire socialiste, "la balance ne joue pas comme elle le devrait".