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Hausse des primes: réactions et manifestation

Pierre-Yves Maillard pourrait se heurter à l'opposition des patrons.
Pour P-Y. Maillard, le contrôle des primes de l'OFSP est un "foutage de gueule".
Plus de transparence, économie dans le prix des médicaments, promotion des systèmes de «managed care», levée de l'obligation de contracter, chaque parti y va de ses propositions pour juguler la hausse des primes maladie. Ils ne sont d'accord que sur un point: il faut agir. Les cantons réagissent aussi.

Président de la Conférence des directeurs cantonaux de la santé,
le Vaudois et socialiste Pierre-Yves Maillard n'y va pas par quatre
chemins après la publication des hausses des primes. «Ecoeuré», il
est «très en colère contre l'Office fédéral de la santé publique».
Selon lui, les corrections apportées par l'office sont
«anecdotiques», ne permettant d'amoindrir la hausse que de 0,22
point.

Disparités énormes

«Tout ce bazar pour ça, c'est
dérisoire», dénonce-t-il. De plus, la hausse moyenne, de 8,7% au
plan national, ne veut rien dire. Elle cache des «disparités
énormes». Certaines personnes voient leur prime grimper de 40%,
rappelle Pierre-Yves Maillard.



Pour le socialiste vaudois, «il n'est plus possible de continuer
avec un système pareil et il faut une fois pour toutes poser la
question du financement». Parmi les pistes à explorer, il cite «la
mutualisation des réserves dans un pot commun et une meilleure
prise en compte du volet social».

Prix des médicaments pour le PS

Le parti socialiste, qui juge «effarantes» les hausses annoncées
jeudi, veut faire baisser les coûts de la santé, notamment en
agissant sur le prix de médicaments. Des économies de l'ordre d'un
milliard de francs sont possibles dans ce secteur, selon le
PS.



Les socialistes attendent du libéral-radical Didier Burkhalter,
nouveau ministre de la santé, qu'il s'attaque sans tarder à des
réformes profondes et nécessaires. Le PS va aussi s'engager pour un
développement et une simplification du système de subventionnement
des primes. Objectif: un ménage ne doit pas consacrer plus de 8% de
son revenu à l'assurance maladie obligatoire.



«Alors que le pouvoir d'achat est déjà plombé par la crise», les
familles avec des enfants ou des jeunes en formation sont tout
particulièrement pénalisées», affirme le communiqué.

Managed care pour l'UDC

Pour le conseiller national UDC zurichois Toni Bortoluzzi, les
primes continueront d'augmenter fortement aussi longtemps que les
problèmes structurels dont souffre le secteur de la santé ne seront
pas résolus. L'UDC veut promouvoir les systèmes de «managed Care»
aussi appelés réseaux de soin. L'UDC propose également un nouveau
modèle d'assurance de base, «dual».



Les assurés pourraient choisir entre une prime moins chère
impliquant l'obligation de recourir à un réseau de soin et une
prime plus chère laissant la liberté de choisir son médecin. «Nous
n'avons jusqu'à présent pas rencontré beaucoup de succès avec cette
proposition», concède Toni Bortoluzzi, «mais nous reviendrons à la
charge dans les années futures». L'UDC précise qu'il va à nouveau
s'engager pour la levée de l'obligation de contracter qui lie les
caisses.



Le PDC n'est pas du tout d'accord. «Les Chambres fédérales ont
récemment refusé l'entrée en matière sur ce point», rappelle la
conseillère nationale Thérèse Meyer (FR). «La révision de la Lamal
doit avancer rapidement, mais elle ne doit pas être plombée par
d'anciens objectifs déjà écartés que l'on voudrait réintroduire par
la bande».

Transparence, mise le PDC

Et Thérèse Meyer de
plaider pour de «vraies réformes efficaces», comme le «managed
care» ou l'introduction rapide de la carte de santé. «Avec cette
carte, on pourra suivre l'évolution du traitement en évitant les
prestations inutiles. La vue d'ensemble sur le traitement sera
excellente en termes de qualité et de coûts», ajoute la
Fribourgeoise.



Thérèse Meyer insiste également sur un autre point: il faut
beaucoup plus de transparence de la part des assureurs, notamment
dans leurs comptes et dans la gestion de leurs réserves. «On a déjà
fait des progrès dans ce secteur, mais ils ne sont pas suffisants»,
indique-telle.

Les syndicats au front

Par ailleurs, une trentaine de syndicalistes ont protesté jeudi
à Berne devant le bâtiment du Département fédéral de l'intérieur
contre les primes maladie 2010. Le bénéfice de 1,2 milliard de
francs réalisé par la Confédération après la vente des actions de
l'UBS doit servir à atténuer le choc pour les petits revenus.



La centrale syndicale exige la création d'un «chèque prime
maladie». Concrètement, l'USS réclame le gel des primes au niveau
de 2009 pour les enfants, les jeunes et les familles gagnant moins
de 70'000 francs par an. Il est nécessaire, à ses yeux, de prendre
le taureau par les cornes vu la crise en cours et les difficultés
financières auxquelles sont confrontés beaucoup de gens.



Les augmentations annoncées par les caisses maladie pour 2010
doivent être prises en charge par l'Etat via le système des
subsides. Les 1,2 milliard de francs engrangés avec l'UBS doivent
être utilisés à cette fin, a expliqué Ewald Ackermann, de l'Union
syndicale suisse.



ats/cht

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Les cantons en colère

Les cantons romands connaissent des hausses de primes maladie inférieures ou égales à la moyenne suisse. Cela ne suffit de loin pas à satisfaire leurs gouvernements qui les jugent encore trop fortes en regard des coûts. Tous ont exprimé leurs griefs et proposé leurs solutions jeudi devant les médias.

Le plus sévère est incontestablement le Vaudois Pierre-Yves Maillard, pour qui le contrôle des primes mené par l'OFSP est "du grand foutage de gueule". L'Office fédéral de la santé publique (OFSP) a approuvé des hausses de primes d'assureurs allant jusqu'à 40% dans le canton. "Comment est-ce possible", se demande le conseiller d'Etat qui a calculé que l'OFSP n'a corrigé "que 0,05%" des primes vaudoises, et parfois pour quelques centimes.

Le gouvernement valaisan s'interroge sur les raisons de la hausse moyenne de 10% alors que les coûts par assuré n'ont évolué que de 4,9% dans le canton. Il demande la suppression des réserves des assureurs, à l'origine de plusieurs maux. Elles créent notamment des frais de gestion importants et "s'écoulent comme l'eau du Rhône jusqu'à la mer", a déclaré Maurice Tornay, chef du département de la santé.

Pour Pierre-Yves Maillard, "la seule solution raisonnable, qui n'est ni de gauche, ni de droite, c'est de créer un pot commun de réserves pour tout le pays». C'est le modèle que les patrons et les syndicats ont inventé pour l'assurance chômage. Et c'est le seul moyen d'éviter "les pratiques cartellaires crasses" des assureurs, a-t-il ajouté.

"Nous sommes déçus et choqués", a annoncé le ministre de la santé jurassien Philippe Receveur qui souhaite contrer cette évolution avec les autres cantons. Le Jura envisage notamment le dépôt d'une initiative cantonale afin de revoir le financement global de l'assurance maladie. Pour le ministre jurassien, les cantons doivent avoir plus de poids pour se faire entendre.

Genève n'est pas plus tendre avec la Confédération. Bien qu'il soit l'un des trois cantons dans lequel les primes augmenteront le moins, Genève se dit "scandalisé", a déclaré jeudi à l'ATS le conseiller d'Etat en charge de la santé Pierre-François Unger. "L'OFSP n'a absolument pas tenu compte" des données que le canton lui a transmises, a-t-il déploré.

Et Genève d'en appeler également à davantage de compétences cantonales dans la fixation des primes. Seule une véritable association des cantons à la procédure d'approbation permettrait de garantir des primes équitables, a déclaré le conseiller d'Etat.

Le canton de Fribourg constate également que "malgré les efforts fournis, le système de fixation des primes ne lui permet d'exercer qu'une influence marginale sur leur augmentation".

Médecins, assureurs et patients

Selon le président de la Fédération des médecins suisses (FMH), Jacques de Haller, "cette hausse des primes quasi insupportable pour la population fait suite à des promesses politiques inconsidérées". On s'est enfermé dans un cul-de-sac avec des augmentations trop faibles ces dernières années et il a fallu compenser.

La hausse de 8,7% annoncée pour 2010 n'aurait donc "rien à voir avec l'augmentation des coûts de la santé, qui fait preuve d'une belle constante depuis très longtemps, aux environs de 2 à 3% par an, et qui s'explique par le vieillissement de la population et l'évolution technologique". Le vrai problème, estime M. de Haller, c'est le financement du système.

"La Suisse est le pays dans lequel les gens payent le plus de leur poche, par les primes, la quote-part et la franchise. Or, avec une prime par tête de bientôt 400 francs par mois, on ne peut pas aller plus loin". Et le président de la FMH d'appeler de ses voeux un financement partiellement assumé par la fiscalité, comme cela se fait pour les hôpitaux.

Loin de ces préoccupations, le porte-parole de santésuisse avertit déjà: l'augmentation de 2011 sera elle aussi "massive". D'après Felix Schneuwly, "les primes 2010 ne couvriront pas les coûts. Pour cela, il aurait fallu les augmenter de 12%".

Margrit Kessler, présidente de l'Organisation suisse des patients, regrette quant à elle que la hausse touche avant tout les jeunes. Selon la Fondation pour la protection des consommateurs (active en Suisse alémanique), il n'y a pas de quoi se réjouir uniquement parce que la hausse est plus faible que les 15% annoncés ce printemps.