Sous prétexte d'un contrôle médical, les deux Suisses ont été
convoqués il y a une semaine par les autorités libyennes. Mercredi,
par le biais d'une note diplomatique, Tripoli a informé les
autorités suisses de la détention des deux hommes d'affaires dans
un lieu «sûr», a indiqué vendredi le Département fédéral des
affaires étrangères (DFAE).
"Inacceptable"
La Libye a justifié ce «kidnapping» en déclarant craindre que la
Suisse n'intervienne avec des moyens militaires pour libérer ses
deux ressortissants, jusqu'alors assignés à résidence dans
l'ambassade suisse de Tripoli.
«C'est inacceptable», s'est insurgé le DFAE, précisant qu'une
délégation suisse allait rapidement se réunir avec une délégation
libyenne. A ses yeux, «la libération des deux Suisses reste la
priorité dans les négociations» avec la Libye et «la condition
d'une normalisation des relations entre Berne et Tripoli».
Vendredi, dans un entretien accordé à la TSR (voir la vidéo
ci-contre), Micheline Calmy-Rey s'est dite «choquée». La
conseillère fédérale a lancé un appel pour que Tripoli laisse les
deux otages regagner leur ambassade: «Ils ne vont pas s'échapper»,
a-t-elle assuré face aux craintes libyennes d'une intervention
musclée de la Suisse.
«Bien avant la fin octobre»
Devant la presse jeudi à New York, le président de la
Confédération Hans-Rudolf Merz avait annoncé avoir rencontré la
veille, en marge de l'Assemblée générale de l'ONU, le leader libyen
Mouammar Kadhafi. Hans-Rudolf Merz avait dit avoir été informé au
cours de cet entretien que les deux Suisses avait été placés dans
un endroit «sûr».
Le conseiller fédéral avait indiqué avoir insisté auprès du chef
d'Etat libyen pour que les deux hommes d'affaires suisses soient
libérés au plus vite, qualifiant cette libération de «condition
sine qua non pour remplir l'accord entre la Suisse et la Libye»
conclu le 20 août. Ce texte prévoit que les relations entre Berne
et Tripoli soient rétablies dans les 60 jours, soit d'ici au 18-20
octobre.
«Mais j'attends le retour des deux Suisses bien avant cette
échéance», avait soutenu hans-Rudolf Merz jeudi au 19:30 de la TSR,
ajoutant que le chef de la révolution libyenne l'avait assuré d'un
engagement personnel. Vendredi, Micheline Calmy-Rey s'est elle dite
«au-delà de toutes prévisions dans cette affaire» et s'est refusée
à tout pronostic.
S'exprimant sur les ondes de Radio 1, le conseiller fédéral Ueli
Maurer s'est montré pessimiste. Selon lui, les deux Suisses ne
rentreront plus cette année, «au plus tard à fin 2010».
Droit international violé
Selon l'experte en droit international bâloise Anne Peters, en
emprisonnant les deux Suisses, la Libye a clairement violé la
convention de l'ONU sur les droits de l'homme et du citoyen,
qu'elle a pourtant ratifié. Ce pacte garantit la liberté des
personnes de quitter le pays et, selon elle, «il n'y a aucune
raison légalement justifiable qui permette une restriction de ce
droit».
Les relations entre la Suisse et la Libye sont tendues depuis
l'arrestation de l'un des fils du colonel Kadhafi, Hannibal, en
juillet 2008 à Genève. Hans-Rudolf Merz s'était rendu en visite
surprise à Tripoli en août, sans pouvoir rencontrer le colonel en
personne. Il avait à cette occasion présenté des excuses concernant
les circonstances de l'arrestation d'Hannibal.
Ce dernier et sa femme Aline, alors enceinte, avaient été arrêtés
dans l'hôtel où ils logeaient après avoir fait l'objet d'une
plainte pour maltraitance de deux de leurs domestiques. Le fils du
colonel Kadhafi avait passé deux nuits en prison.
ats/tsr/cht
Genève soutenu par les gouvernements cantonaux
La Conférence des gouvernements cantonaux (CdC) a apporté vendredi son soutien aux autorités genevoises qui veulent dialoguer avec le Conseil fédéral suite à la signature de l'accord Suisse-Libye.
Le Canton de Genève craint des sanctions injustifiées à ses yeux dans le cadre de l'affaire Kadhafi. L'accord entre Berne et Tripoli prévoit en effet la mise sur pied d'un tribunal arbitral qui devra déterminer si la police genevoise a agi de manière disproportionnée lors de l'arrestation du fils Kadhafi, Hannibal, et de son épouse Aline en juillet 2008 à Genève.
En cas de fautes, des sanctions pourraient tomber. Cette possibilité irrite Genève qui met en avant le fait que le contrôle de la police est de la compétence des cantons. Un verdict du tribunal arbitral signifie donc pour le canton du bout du lac une violation de la séparation des pouvoirs et du fédéralisme.
Désormais, il compte avec l'appui officiel des autres cantons dans cette affaire. La CdC a qualifié de «pertinentes» les préoccupations de Genève et appelé à un dialogue avec le Conseil fédéral.
Le couple Kadhafi a déposé une plainte contre les autorités genevoises en avril denier, réclamant 475'000 francs pour dommage matériel et 50'000 francs pour tort moral. Cette procédure a toutefois été suspendue jeudi, à la requête de toutes les parties. Aucun lien n'a toutefois été évoqué entre cette décision et la constitution du tribunal arbitral.