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Polanski, Paris et Varsovie contre une extradition

Le cinéaste a reçu le soutien de nombreux membres du monde culturel.
Le cinéaste a reçu le soutien de nombreux membres du monde culturel.
Deux jours après avoir été arrêté à Zurich, Roman Polanski a fait savoir lundi qu'il refusait son extradition vers les Etats-Unis. Les diplomaties française et polonaise, ainsi que le monde culturel, le soutiennent. L'avocat du cinéaste a fait savoir qu'il était "très choqué" de sa détention.

Le cinéaste franco-polonais refuse d'être extradé vers les
Etats-Unis, où il est poursuivi pour actes sexuels commis en 1977
sur une mineure. Après deux nuits passées en prison, le réalisateur
de 76 ans a fait savoir par la voix de ses avocats qu'il fera
recours au Tribunal pénal fédéral (TPF).



Dans un communiqué, son défenseur français Hervé Temime dit
considérer comme "illégale" la demande d'extradition dont fait
l'objet son client et qui sera déposée d'ici quarante jours auprès
des autorités suisses, selon le procureur de Los Angeles.



Les avocats de Roman Polanski disposent d'un délai de dix jours, à
partir de son arrestation, pour saisir le TPF contre sa détention.
Dans l'immédiat, son défenseur suisse va demander sa remise en
liberté, éventuellement sous conditions, a précisé Me Temime, qui
était lundi matin en Suisse en compagnie de la femme du
réalisateur, l'actrice Emmanuelle Seigner.



La liberté sous caution "n'est pas exclue", mais elle est "très
très rarement" accordée, a indiqué à l'ATS Guido Balmer,
porte-parole du Département fédéral de justice et police (DFJP).
Elle pourrait être liée à un assignement à résidence dans le chalet
de Roman Polanski à Gstaad, a-t-il ajouté. La demande peut être
adressée en tout temps au TPF. "Sa mise en liberté doit être
impérativement ordonnée par la juridiction suisse qui va bientôt
statuer", a déclaré Hervé Temime à Paris.

Réactions en France

Le ministre français des Affaires étrangères Bernard Kouchner a
jugé "sinistre" lundi l'arrestation en Suisse du cinéaste Roman
Polanski. Ce dernier pourrait être extradé vers les Etats-Unis, où
il est poursuivi pour avoir eu en 1977 des relations sexuelles avec
une adolescente de 13 ans.



"Ce n'est pas la justice internationale que nous accusons, c'est
la manière dont elle a été utilisée", a-t-il lancé sur
France-Inter. "Ce qui est un peu étonnant, c'est que plus de 30
ans" après les faits, "un festival du cinéma suisse invite Roman
Polanski, dont on sait bien qu'il va venir", et "apparemment
prévenue, je ne sais pas par qui, la police l'attend à l'aéroport
de Zurich". "Tout ça n'est pas très joli", a-t-il lâché.

Mais aussi en Suisse

Hasard du calendrier, la ministre suisse de l'Economie Doris
Leuthard se trouvait lundi à Paris en visite de travail. Elle a
déclaré à la Radio alémanique DRS qu'elle comprenait que cette
arrestation soit à l'ordre du jour en France. "Mais pour la Suisse,
ce n'est qu'une question de procédure", a-t-elle précisé. La Suisse
n'a en effet pas d'autre choix que d'appliquer de tels mandats
d'arrêt internationaux lorsque la personne recherchée foule le
territoire helvétique.

Et en Pologne

Le chef de la diplomatie française
a confirmé avoir écrit avec son homologue polonais à la secrétaire
d'Etat américaine Hillary Clinton pour solliciter la clémence de
Washington. "La décision sera peut-être prise aujourd'hui si le
tribunal fédéral accepte une liberté sous caution (lire
ci-contre
). Sinon, de toute façon, il faudra
continuer".



Le consulat de Pologne a demandé à pouvoir rendre visite à Roman
Polanski, détenu depuis samedi en Suisse en vue d'être extradé aux
Etats-Unis. "Nous espérons pouvoir le voir au plus tard mardi", a
déclaré lundi matin le consul de Pologne Marek Wieruszewski. Il
attend encore le feu vert des autorités suisses.

Marek Wieruszewski a de plus indiqué être en contact avec les
autorités françaises pour déterminer dans quelle mesure les deux
pays peuvent apporter leur aide au cinéaste franco-polonais, sans
donner davantage de détails.



Dimanche, le chef de la diplomatie polonaise Radoslav Sikorski a
annoncé qu'il allait demander aux Etats-Unis, conjointement avec
son homologue français Bernard Kouchner, la libération de Roman
Polanski.

Emoi du monde culturel

Le réalisateur polonais Andrzej Wajda et d'autres réalisateurs
polonais ont lancé un appel aux autorités suisses, américaines et
polonaises pour la libération de Roman Polanski, qui a été arrêté
en Suisse, et de sa possible extradition vers les Etats-Unis.



Dans une lettre postée lundi sur le site de l'association des
réalisateurs polonais, ils demandent à la Suisse de libérer
immédiatement le réalisateur âgé de 76 ans et exhortent les
autorités américaines à revoir les accusations vieilles de 31
ans.



En France, les réalisateurs de la SRF (Société des Réalisateurs de
Films) ont tenu dans un communiqué "à rappeler que les festivals
sont traditionnellement des lieux d'accueil des artistes et de leur
oeuvre, quelle que soit leur situation vis-à-vis de la justice de
leur pays".



L'arrestation de Roman Polanski embarrasse le monde culturel, a de
son côté déclaré Marco Solari. Le président du Festival du film de
Locarno estime cependant qu'il est trop tôt pour ressentir un
impact sur l'avenir de la prochaine édition de la manifestation en
été 2010. "Tout le monde aurait préféré que cette affaire ne se
soit pas produite", a-t-il dit lundi. "Je comprends que certaines
personnes se sont indignées vis-à-vis de la Suisse, mais je me
rends compte aussi que la Suisse n'avait juridiquement pas d'autre
alternative."



L'arrestation de Roman Polanski est "désastreuse pour l'image de
la Suisse en général et pour l'image de la Suisse culturelle en
particulier", a pour sa part indiqué Frédéric Maire. L'ensemble de
la situation "frappe par son côté absurde", remarque l'ex-directeur
artistique du Festival du film de Locarno et futur directeur de la
Cinémathèque suisse. "Cette arrestation peut avoir un impact
négatif sur la Suisse qui n'est généralement pas perçue comme un
Etat policier".



Frédéric Maire s'étonne: "Je ne comprends pas pourquoi il est
soudainement impératif d'arrêter Roman Polanski. Ce n'est pourtant
pas la première fois qu'il vient en Suisse... Je l'ai vu en 2008 à
Turin (Italie) lors d'une rétrospective. C'était un homme libre.
Aucun carabinier n'est venu l'arrêter."

Pétition signée

Une centaine d'artistes et intellectuels avaient signé lundi en
milieu de journée une pétition lancée en Suisse romande pour
demander la libération du cinéaste franco-polonais Roman
Polanski.



Les signataires se déclarent "indignés par cette arrestation et
consternés par l'image désastreuse qu'elle donne" de la Suisse.
Parmi les premiers signataires figurent notamment les cinéastes
Alain Tanner, Ursula Meier, Francis Reusser, Lionel Baier, Stéphane
Goël et Fernand Melgar.



agences/jeh

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Polanski très choqué mais combatif

Roman Polanski a été "très choqué" par sa détention en Suisse depuis samedi sur mandat d'arrêt américain.

Mais il est "combatif", a déclaré lundi son avocat Me Hervé Temime. "Il a été très choqué et sa famille encore davantage", a affirmé l'avocat aux journalistes qui l'interrogeaient au Palais de justice de Paris.

"On lui a fait savoir le soutien dont il bénéficiait, qui est un soutien extraordinaire venant de toutes parts et de tous horizons, ça l'a beaucoup réconforté", a-t-il poursuivi.

"Il est combatif, c'est un homme qui a connu beaucoup d'épreuves durant son existence", a encore dit Me Temime.

"Il savait bien sûr qu'il était susceptible de faire l'objet d'une demande d'extradition des Etats-Unis, il n'avait aucune idée du fait qu'il pouvait être arrêté en Suisse".

Selon lui, la Suisse, où il possède un chalet à Gstaad, est pour Roman Polanski "une sorte de terre d'accueil". Le cinéaste y séjourne "tous les ans au moins trois, quatre semaines" depuis plus de 30 ans, a précisé son avocat.

Malaise dans la presse helvétique

L'arrestation de Roman Polanski a provoqué un "malaise" dans le pays où la presse fait un rapprochement lundi entre cette affaire et les récents ennuis de Berne aux Etats-Unis.

"Pouvait-on manquer à ce point de sensibilité pour ne pas anticiper le tollé que cette arrestation allait provoquer et les dégâts d'image qu'elle ne manquerait pas d'entraîner?", s'interroge Le Temps, qui parle de "malaise".

Le Matin fait le lien entre cette arrestation et les déboires de la Confédération aux Etats-Unis, où la banque UBS a été contrainte de livrer les noms de 4450 clients soupçonnés d'évasion fiscale.

Le Blick abonde dans ce sens: "les Américains estiment maintenant que le gouvernement suisse est 'extrêmement coopératif' et cet éloge fait mal", écrit le journal populaire en jugeant "ridicule" l'argument avancé par la ministre de la Justice Eveline Widmer-Schlumpf, selon lequel la Suisse "n'avait pas d'autre solution" que d'arrêter le cinéaste.

D'autant qu'"un jugement équitable n'est plus possible, après tant de temps et d'erreurs dans l'enquête", explique le Tages-Anzeiger.