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Polanski dépose plainte contre le mandat d'arrêt

Roman Polanski avait déjà séjourné plusieurs fois en Suisse sans être inquiété.
Il y a 30 ans, Roman Polanski risquait jusqu'à 50 ans de prison.
Roman Polanski a déposé une plainte contre le mandat d'arrêt aux fins d'extradition délivré par l'Office fédéral de la justice. La Cour II des plaintes du Tribunal pénal fédéral confirme l'avoir reçue mardi. De son côté, Micheline Calmy-Rey a reconnu un certain "manque de finesse".

Le TPF a indiqué qu'il ne communiquerait aucune autre
information au sujet de la procédure actuellement pendante. Une
décision tombera dans les prochaines semaines. L'avocat suisse de
Roman Polanski, Lorenz Erni, n'était pas joignable mardi.



"Nous déposons aujourd'hui un recours contre la notification du
mandat d'arrêt international, nous saisissons le tribunal de
Bellinzona et l'office fédéral de Berne", a indiqué de son côté
maître Hervé Temime, l'avocat français du cinéaste. "Nous demandons
donc sa mise en liberté, éventuellement sous conditions. Il n'y a
pas de délai légal pour cette décision, mais nous espérons qu'elle
interviendra au plus vite", a-t-il ajouté.

Les avocats auraient , sans le vouloir , accéléré l'arrestation , selon le Los Angeles Times,
lorsqu'ils ont demandé l'abandon des poursuites contre le cinéaste
franco-polonais.

La Suisse a manqué de finesse

La conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey a admis mardi devant
le "Club de la presse diplomatique" à Berne que les responsables de
l'arrestation du cinéaste ont "manqué de doigté". Le fait
d'utiliser une invitation à un événement en Suisse pour procéder à
l'arrestation est un "manque de finesse", a-t-elle estimé.



Le Département fédéral des affaires étrangères n'avait pas été
informé préalablement, a ajouté la conseillère fédérale. Ce dossier
est du ressort du Département fédéral de justice et police.

Micheline Calmy-Rey assure
cependant que juridiquement, la Suisse n'avait pas d'autre choix
que de procéder à cette arrestation. Les Etats-Unis ont délivré un
mandat d'arrêt et la marge de manoeuvre était inexistante, a
déclaré la ministre des Affaires étrangères. "Il existe un traité
d'extradition avec les Etats-unis, et la Suisse respecte les
traités".



Compétent dans cette procédure d'arrestation, le Département
fédéral de justice et police n'a cependant voulu faire aucun
commentaire sur les déclarations de la ministre des affaires
étrangères.

Pétition d'artistes

Cette arrestation, sur mandat de la justice américaine, a
provoqué l'indignation d'une partie du gouvernement français. En
outre, une pétition internationale demandant la mise en liberté de
Roman Polanski a été signée mardi par Woody Allen, Martin Scorsese
et David Lynch, ou encore Claude Lelouche, les frères Dardenne et
Terry Gilliam.



Les 110 signataires y jugent "inadmissible qu'une manifestation
culturelle internationale, rendant hommage à l'un des plus grands
cinéastes contemporains, puisse être transformée en traquenard
policier". Des voix discordantes s'élevaient cependant contre cette
indignation (lire ci-dessous).



Le cinéaste âgé de 76 ans, Oscar du meilleur réalisateur (2003) et
Palme d'Or à Cannes (2002) pour "Le Pianiste", a été arrêté samedi
soir à sa descente d'avion à Zurich, ville où il devait recevoir un
prix pour l'ensemble de son oeuvre lors d'un Festival.



Polanski est recherché par la justice américaine après une
procédure ouverte en 1977 pour des "relations sexuelles illégales"
avec une adolescente de 13 ans. Celle-ci est aujourd'hui une mère
de famille de 45 ans. Elle a elle-même demandé en janvier dernier
l'abandon des poursuites envers Roman Polanski.

Des voix discordantes



Plusieurs voix s'élevaient mardi contre l'"excuse de notoriété".
Tout en exprimant son "affection" pour le cinéaste, le réalisateur
Luc Besson a estimé que la justice devait "être la même pour tout
le monde".

"Il y a eu viol sur une jeune fille
de 13 ans (...). C'est un problème de justice et je trouve qu'un
ministre de la Culture, même s'il s'appelle Mitterrand, devrait
dire : j'attends de voir les dossiers", a estimé Daniel
Cohn-Bendit, eurodéputé Vert et ancien leader de la révolte
étudiante de mai 68. Le ministre avait jugé "absolument
épouvantable" l'arrestation de Roman Polanski "pour une histoire
ancienne qui n'a pas vraiment de sens".



A l'Assemblée nationale, plusieurs élus UMP se sont aussi
clairement démarqués de Frédéric Mitterand ainsi que de Bernard
Kouchner, qui a critiqué l'attitude de la Suisse.



La vice-présidente du parti d'extrême droite, Marine Le Pen, a
dénoncé "le fait d'appartenir à la caste surprotégée du show-biz"
qui exonérerait "ses membres de respecter les lois". Une partie de
la presse française et britannique s'est aussi étonnée mardi du
fait qu'on puisse envisager une "immunité artistique".



"Grand artiste ou pas, la liberté de Polanski toutes ces années
n'avait aucune justification morale, et de la même façon il ne
saurait y avoir d'objection morale à son arrestation", a estimé le
Times. "Peut-on à ce point être oublieux de la tragédie vécue par
une gamine de 13 ans au point de n'en faire qu'une sorte de
péripétie, d'accident de parcours dans la vie du 'génie'?", a
demandé La Charente libre.



Tout en estimant le crime condamnable, le Daily Telegraph a lui
rappelé que "si tous les rockeurs britanniques ayant séduit une
mineure lors d'une tournée en Amérique avaient été arrêtés (dans
les années 70), notre secteur musical aurait été décimé".



agences/bri

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Le Festival refuse les critiques

De leur côté, les organisateurs du Festival du film de Zurich rejettent les reproches selon lesquels ils auraient insuffisamment clarifié la situation juridique, ont-ils indiqué dans un communiqué.

Roman Polanski s'est rendu régulièrement en Suisse ces dernières années sans jamais être inquiété, y compris cette année.

Les organisateurs n'avaient donc aucune raison de se douter d'un changement subit de la situation, ont-ils précisé.