Acceptée lors de la séance du Conseil fédéral de ce mercredi, la proposition de Karin Keller-Sutter est très édulcorée par rapport à ce que demandent les initiants, mais aussi par rapport au contre-projet indirect du Conseil national.
L'initiative, tout comme le contre-projet du Parlement vise à mieux encadrer les actions à l'étranger des multinationales basées en Suisse, avec la responsabilité pour certaines entreprises de répondre des dommages éventuellement causés à l'étranger en lien avec les droits humains et les normes environnementales.
Des instruments déjà existants
La conseillère fédérale, elle, propose simplement de s'appuyer sur les instruments qui existent déjà et de s'aligner sur les réglementations de l'Union européenne. Les entreprises devraient donc présenter des "rapports" sur le respect des droits humains et des normes environnementales.
Le Conseil fédéral ne veut en revanche pas entendre parler de "clauses de responsabilités" pour l'employeur. Il est aussi d'avis que les entreprises doivent avoir la possibilité de renoncer à rendre des comptes, dans certains cas, si elles motivent leur démarche.
Le moins de réglementation possible
Avec cette proposition soutenue par le Conseil fédéral, Karin Keller-Sutter propose une troisième voie qui s'aligne sur l'idée d'avoir le moins de réglementation possible. Une idée notamment partagée par certains acteurs de l'économie comme Economiesuisse et Suisse holding. Une troisième voie, qui montre aussi que l'initiative a le vent en poupe et qu'elle commence à faire peur.
Cette proposition est une sorte de clin d'oeil de Karin Keller-Sutter aux multinationales, même si en réalité une partie d'entre elles soutiennent déjà l'idée d'un contre-projet plus contraigant.
Le Conseil fédéral intervient en avance
Le Parlement est à la manoeuvre en ce moment. Le dossier est sur la table d'une commission du Conseil des Etats. Après le National, il est en train de plancher sur sa contre-proposition à lui, qui est prioritaire.
L'intervention du Conseil fédéral en plein processus parlementaire est inhabituelle, voire cavalière, mais pas interdite. Elle est aussi un message très clair à l'intention des parlementaires: le gouvernement est prêt à entrer en campagne pour défendre sa vision.
Raji Sultan, secrétaire général d'Unité (l'Association suisse pour l'échange de personnes dans la coopération au développement), qui fait partie de la coalition derrière l'initiative pour des multinationales responsables, s'étonne dans l'émission Forum de la décision du Conseil fédéral, qu'il estime "extrêmement rare et inexplicable", de revenir "plus de 2 ans et demi après son message avec une nouvelle proposition".
Raji Sultan mentionne notamment le contre-projet adopté au Conseil national, avec une majorité de 40 voix, avec le soutien de membres de tous les partis, de plusieurs associations économiques, notamment le Groupement des entreprises multinationales ou le Centre patronal.
Camille Degott/ebz
Vers un contre-projet indirect
Un contre-projet indirect devrait être opposé à l'initiative populaire pour des multinationales responsables lors de la session d'automne. La commission des affaires juridiques du Conseil des Etats se rallie au Conseil national.
Lors de la session de printemps, elle avait décidé de ne pas entrer en matière sur le contre-projet indirect, le jugeant inutile. Par 7 voix contre 4, sa commission lui propose de revoir sa position. Celle-ci n'a pas encore terminé l'examen du texte, mais il devrait être soumis au conseil en septembre, ont indiqué mercredi les services du Parlement.