Ueli Maurer, s'exprimant dans une interview donnée au journal
"Zentralschweiz am Sonntag", n'a pas confirmé avoir plaidé pour le
renoncement auprès de ses collègues. Il reste indiscutable, à ses
yeux, que la Suisse a besoin d'avions de combat. Et de faire valoir
que "si l'on a assez d'argent, on peut les acquérir rapidement, si
on en a moins, il faut quelque peu reporter les choses".
Nuits blanches
La situation l'empêche de dormir pour la première fois de sa
vie. "Quand je vois toutes les lacunes et ce qu'il faudrait pour
les combler, ce n'est pas possible du jour au lendemain", a-t-il
commenté, qualifiant la situation de l'armée de "dramatique".
Cet état de fait n'est pas exempt de risques. "Nous avons des
Tiger F-5 techniquement obsolètes qui ne peuvent voler que de jour
et par beau temps, et nous n'avons qu'une poignée de bons F/A-18",
a-t-il illustré. D'après lui, il est faux de dire que l'achat de
nouveaux avions n'est plus d'actualité. Il s'agit d'une question de
priorités.
Au final, ce sont le gouvernement et le Parlement qui libèrent les
crédits. L'armée a besoin d'urgence de davantage d'argent, 500
millions de francs supplémentaires par an sont un minimum absolu, a
estimé Ueli Maurer.
Il voulait tirer un trait mercredi
C'est une tout autre histoire que raconte la NZZ am Sonntag . Le quotidien alémanique a en effet
pu se procurer un document de 5 pages dans lequel Ueli Maurer
expose sa décision au Conseil fédéral. Selon ce document, il ne
propose pas d'interrompre l'achat mais bien d'y renoncer.
Le quotidien
alémanique croit savoir qu'Ueli Maurer voulait aller vite et
annoncer une décision du Conseil fédéral dans l'après-midi de
mercredi 14. Mais ses collègues ne l'entendaient pas de cette
oreille et auraient demandé des renseignements supplémentaires.
Dans tous les cas, Ueli Maurer espèrerait pouvoir annoncer une
décision mercredi prochain.
Pourquoi aller vite ? Le NZZ estime qu'il y a une question d'image
alors que la commission de politique se sécurité du National
commence ses travaux lundi pour se prononcer sur l'initiative du
GsSA contre de nouveaux avions de combat et trois semaines avant
les offres définitives des trois avionneurs. Ueli Maurer ne
voudrait pas que les parlementaires se sentent trahis par un
changement de cap en cours de leurs travaux.
Entretien trop cher
Toujours est-il que la raison du renoncement ne serait pas
l'achat des avions mais leur entretien à long terme. Entre les 54
Tiger (50 millions d'entretien annuel), les 33 F/A-18 (130 millions
d'entretien) et 22 nouveaux jets (entre 100 et 150 millions de
francs d'entretien), la facture devient trop salée pour l'armée
dont le budget est insuffisant et qui a d'autres urgences et
priorités pour remplir ses missions, selon le document cité par la
NZZ am Sonntag.
Jusqu'il y a une année, le Département fédéral de la défense
(DDPS) était convaincu qu'il pourrait acheter 33 nouveaux modèles
pour remplacer les anciens Tiger. Les services d'Ueli Maurer
admettent désormais que les 2,2 milliards ne suffiront même pas
pour 22 avions.
De son côté, le président de la sous-commission du Conseil
national chargé du dossier, Thomas Hurter (UDC/SH), évalue entre 8
à 12 seulement le nombre d'appareils pouvant être achetés avec
cette somme.
Thierry Herman, avec l'ats
Enveloppe trop faible
Bruno Zuppiger est convaincu que des erreurs de budget sont en cause dans ces tergiversations.
Les 6 milliards de francs prévus initialement ont été rabotés à 2,2 milliards. Or les coûts réels devraient atteindre 3 à 4 milliards.
L'enveloppe de 2,2 milliards ne permet pas de tenir compte des frais de fonctionnement et d'entretien des appareils, d'après lui.
Si l'acquisition de nouveaux jets devait effectivement être biffée, les 2,2 milliards prévus à cette fin devraient alors être utilisés pour corriger les défauts d'Armée XXI, a fait valoir le conseiller national zurichois et président de la commission de la politique de sécurité samedi sur les ondes de la radio alémanique DRS.
La commission de la politique de sécurité abordera la question lundi.
Pour Bruno Zuppiger, la manoeuvre d'Ueli Maurer est à considérer comme "un appel au secours".
Même son de cloche du côté de Christophe Keckeis, qui parle de "cri d'alarme" dans une interview donnée dimanche à la "NZZ am Sonntag".
L'armée disposant de toujours moins d'argent, ses ressources ne correspondent plus aux tâches qui lui sont confiées, a analysé l'ancien chef de l'armée. Et d'avertir que plus l'achat de nouveaux avions est repoussé, plus la facture sera salée.
Cette transaction a été préparée avec soin et beaucoup d'argent a déjà été investi ces dernières années dans la procédure d'évaluation, d'après lui.
La proposition de renoncer à l'achat de nouveaux avions de combat, est un "véritable coup d'éclat" a renchéri Christophe Keckeis, qui donnait son point de vue dimanche soir dans l'émission Forum de la Radio Suisse Romande:
Il a précisé "qu'Ueli Maurer a surpris tout le monde par sa proposition, tout en ajoutant que ce n'est pas ce qu'on attendait" et affirme avoir reçu des dizaines d'appels de personnes paniquées.