Les juges de Bellinzone estiment que le risque de fuite est
"élevé", tant en raison des "moyens" dont dispose Roman Polanski
que de ses "motivations", puisque le cinéaste risque théoriquement
une peine de prison de cinquante ans.
Marié à l'actrice Emmanuelle Seigner, le cinéaste pourrait
craindre d'être longtemps séparé d'elle et de leurs deux enfants,
qui sont encore mineurs. Il peut aussi redouter une longue
interruption de son activité de metteur en scène.
Selon ses avocats, une détention prolongée du cinéaste pourrait
avoir d'importantes répercussions financières. Des investisseurs
ont avancé près de 40 millions de dollars pour la réalisation de
futurs projets cinématographiques.
Pas de demande formelle
Les Etats-Unis, qui ont émis le mandat d'arrêt à l'encontre du
cinéaste, n'ont toujours pas fait parvenir à la Suisse de demande
d'extradition, a indiqué mardi à l'ATS Folco Galli, porte-parole de
l'Office fédéral de la justice. Le délai pour cette démarche est de
40 jours à partir du 26 septembre.
Pour la Deuxième cour des plaintes du TPF, les arguments de la
défense contre l'extradition de l'accusé n'ont "pas à être
examinés" durant la procédure de recours. "C'est seulement dans le
cadre de la procédure d'extradition proprement dite que l'examen
approfondi de ces conditions a lieu", précise un communiqué du TPF mardi.
Caution inadéquate
En guise de caution, le cinéaste avait proposé que son chalet de
Gstaad soit placé sous séquestre et frappé d'une interdiction de
vente annotée au registre foncier. Pour la Cour des plaintes du
TPF, qui a statué sur le recours, une telle éventualité est exclue.
Une telle forme de caution ne satisfait pas aux exigences
légales.
Dans ses conditions, la Cour considère qu'elle n'est pas en mesure
d'examiner si le risque de fuite peut être évité par une
combinaison d'autres mesures substitutives à la détention.
Rien n'empêche
Roman Polanski ou son avocat de soumettre à l'Office fédéral de la
justice une proposition de caution «concrète et conforme aux
exigences légales», précise la Cour. Le cinéaste peut encore
déposer un recours au Tribunal fédéral contre l'arrêt du TPF
(lire ci-contre).
Bracelet de surveillance
Outre une caution suffisante, le cinéaste pourrait proposer une
assignation à résidence ou la pose d'un bracelet de surveillance
électronique. Sur ce dernier point, le Tribunal fédéral vient de
rendre un arrêt, lié à une autre affaire, qui pourrait donner une
lueur d'espoir au cinéaste. Il juge que le port d'un bracelet
électronique peut, dans certaines conditions, remplacer la
détention extraditionnelle.
Pour l'instant, la durée de la détention de Roman Polanski, qui a
été arrêté le 26 septembre à l'aéroport de Zurich, alors qu'il se
rendait sur les bords de la Limmat pour recevoir un prix, respecte
le principe de proportionnalité.
Une mise en liberté n'entre pas en ligne de compte pour l'instant.
"La détention de l'accusé durant toute la procédure d'extradition
constitue la règle", souligne la Cour.
Hospitalisation
Le cinéaste a été hospitalisé vendredi à l'hôpital universitaire
de Zurich (centre) pour une maladie antérieure à son arrestation en
Suisse, le 26 septembre. Son avocat, Me Temime, a confirmé cette
information sans vouloir donner plus d'informations sur la nature
de l'affection.
Lundi, l'avocat s'est montré rassurant sur l'état de santé de son
client, indiquant qu'il pourrait sortir de l'hôpital le même jour
et retourner en prison, après avoir subi des examens
médicaux.
Roman Polanski, Oscar du meilleur réalisateur (2003) et Palme d'Or
à Cannes (2002) pour "Le Pianiste", est recherché par la justice
américaine après une procédure ouverte en 1977 pour des "relations
sexuelles illégales" avec une adolescente alors âgée de 13
ans.
Les autorités suisses se sont opposées le 6 octobre à une mise en
liberté provisoire du cinéaste, réclamée par ses avocats, renvoyant
la décision au Tribunal pénal de Bellinzone.
agences/sbo
Les avocats vont recourir
Les avocats de Roman Polanski vont "déposer un recours" contre la décision d'un tribunal helvétique qui a refusé mardi la libération du cinéaste détenu depuis plus de trois semaines en Suisse, a indiqué à l'AFP l'un d'eux, Me Hervé Temime.
"Je prends connaissance de cette décision, nous allons déposer un recours contre elle devant le tribunal de Lausanne", la plus haute instance juridique helvétique, a déclaré Me Temine.
"Nous allons essayer d'apporter des garanties encore plus fortes et mieux adaptées, nous allons tenter de démontrer qu'il n'y aurait aucun risque à ordonner la mise en liberté de Roman Polanski", a déclaré l'avocat.
"J'espère que le tribunal de Lausanne nous répondra dans les plus brefs délais possibles", a-t-il encore affirmé, disant ne pas "avoir connaissance d'un délai" précis.
Me Temime a par ailleurs noté que les arguments sur le fond de la procédure d'extradition développés par l'avocat suisse pour appuyer la demande de mise en liberté, "n'ont pas reçu de réponse, ce qui peut se comprendre, la demande d'extradition des Etats-Unis n'étant toujours pas parvenue aux autorités suisses, et le fond de la procédure d'extradition résultant d'un examen ultérieur".
"Je répète que Monsieur Polanski s'engage de la manière la plus ferme et la plus sûre à rester en Suisse durant toute la procédure d'extradition quel que puisse en être le sort", a-t-il conclu.