Le Parti socialiste subit des difficultés en Suisse romande. Il perd deux points de pourcentage dans les intentions de vote par rapport à l'élection du Conseil national de 2015. La direction du parti est inquiète: elle explique ce ralentissement par les tiraillements entre la base militante et la politique gouvernementale, faite parfois de compromis impopulaires à gauche.
Pour Pascal Sciarini, professeur à l'Université de Genève, ce ralentissement est conforme à ce qui a été observé au niveau des élections cantonales: "Ces quatre dernières années, les socialistes ont perdu des voix dans plusieurs cantons romands: Neuchâtel et Vaud, notamment", souligne le politologue au micro de RTSinfo.
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Les raisons de ce recul seraient multiples: "La première et la plus évidente, c'est de penser qu'il y a un transfert de voix des socialistes vers les Verts", explique-t-il. "Ces deux partis sont très proches au point de vue idéologique et programmatique: à l'heure où l'on parle beaucoup de lutte contre le réchauffement climatique, où les jeunes manifestent pour le climat, on peut imaginer que des électeurs socialistes se déplacent vers les Verts. Une seconde piste, peut-être, c'est le fait que les socialistes sont très forts en Suisse romande et sont donc très fortement représentés dans les gouvernements cantonaux romands: peut-être que cette posture gouvernementale a amené les socialistes romands à avoir des positions un peu moins tranchées et un peu plus consensuelles".
Pascal Sicarini voit ici une raison pour que les traditionnels électeurs du PS, le considérant comme "trop gouvernemental", se tournent vers d'autres partis: "Les socialistes sont sur-représentés dans les gouvernements cantonaux par rapport à leur force parlementaire et cette position les oblige un peu à des compromis".
Le professeur analyse que les les socialistes "étaient très haut en Suisse romande, par rapport à la Suisse alémanique et, si le PS perd des plumes en Suisse romande, il y aura une sorte de rééquilibrage par rapport à leur force électorale dans la partie alémanique du pays".
La tendance des jeunes à voter Verts
Les Verts et les socialistes semblent avoir un électorat très similaire. Lorsque les citoyens doivent choisir entre les deux, Pascal Sciarini remarque qu'en général, la majorité votera PS: "Ça reste un parti beaucoup plus fort que les Verts. Toutefois, cette fois-ci, on semble avoir un basculement au profit des Verts. Maintenant, je reste circonspect par rapport à ces projections, parce que les Verts – on l'a vu aussi dans une autre enquête – gagnent pas mal de voix auprès des non-votants; et j'imagine que parmi les non-votants, il y a pas mal de jeunes. Or, il reste encore à prouver que les jeunes vont vraiment se mobiliser le 20 octobre: répondre à une enquête, ce n'est pas encore voter".
Le Parti socialiste a fait de l'environnement un thème depuis plusieurs années, mais il ne semble pas être convaincant sur ce thème en Suisse romande... Pour le politologue, c'est un peu une surprise: "Oui, Parce que ce n'est pas hier – contrairement à d'autres partis, comme le PLR – que le PS s'est découvert une fibre environnementale: ça date de fort longtemps! C'est un projet qui est au cœur de son action depuis des années. Le parti a été et est crédible depuis longtemps sur l'environnement. Et il est donc étonnant que les socialistes ne profitent pas davantage de la vague verte".
Les Vert'libéraux plus forts chez les Alémaniques que les Romands
Selon le baromètre de la SSR réalisé par sotomo, les intentions de vote pour les Vert'libéraux sont en augmentation. Toutefois, leur percée est bien plus notable en Suisse alémanique qu'en Suisse romande: il semblerait que des écologistes de droite, ça n'intéresse pas de notre côté de la Sarine.
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Pour Pascal Sciarini, cela vient des origines de ce parti: "En Suisse alémanique, les Vert'libéraux sont nés d'une dissension avec les Verts: comme les Vert'libéraux trouvaient les Verts trop à gauche, ils ont voulu créer ce parti vert de droite. En Suisse romande, cela vient plutôt d'un mouvement libéral: une dissension du Parti radical-démocratique. C'est ainsi que les Verts'libéraux se sont créés; et, effectivement, en Suisse romande, les Vert'libéraux ont plus de peine. Les Verts sont plus forts en Suisse romande et, donc, je dirais que l'électorat vert en Suisse romande est plus à gauche. Cela laisse peu de place aux Vert'libéraux pour vraiment s'imposer en Suisse romande".
Il y a peu de chances que le vote pour les Vert'libéraux puissent s'aditionner avec celui accorder aux Verts, car tous deux ont une vision très différente de l'écologie: "Les Verts et les Vert'libéraux se rejoignent sur la protection de l'environnement: ce projet-là est au cœur de leur action", résume le politologue. "Mais pour le reste, ce sont des partis très différents sur les questions de politique économique et sociale. Certes, ils pourraient essayer de faire alliance d'un point de vue tactique, mais d'un point de vue programmatique, ça va vraiment être le grand écart", conclut-il.
Interview radio: Romaine Morard
Adaptation web: Stéphanie Jaquet
Le PDC passe pour la première fois derrière les Verts
Même s'il faut tenir compte d'une marge d'erreur, les intentions de vote vont à 10,5% pour les Verts et 10,2% pour le PDC. L'avance est minime, mais symbolique. Une fois encore, la différence est grande entre les Alémanique et les Romands: les démocrates-chrétiens sont à la peine du côté francophone du pays.
Pascal Sciarini le souligne: "Le PDC peut encore compter sur quelques-uns de ses fiefs des cantons catholiques, mais il a beaucoup de mal ailleurs. Comme il y a plus de cantons catholiques dans la partie alémanique, notamment en Suisse centrale, cela explique sans doute pourquoi le PDC s'y maintient mieux".
Toutefois, s'il s'avère que les démocrates-chrétiens reculent derrière les Verts dans les faits aux prochaines élections, "cela va ouvrir des discussions intéressantes, quoiqu'un peu prématurées pour ce qui est de la composition du Conseil fédéral", explique le politologue. "Mais je pense bien que les Verts vont revendiquer un siège s'ils sont plus forts que le PDC. Toutefois, les démocrates-chrétiens pourront se targuer d'avoir encore une forte députation au Conseil des Etats et, pris ensemble, il y aura toujours plus d'élus PDC que d'élus Verts. Mais il est vrai que cela pourrait augurer d'une phase un peu plus instable quant au septième siège du gouvernement", prédit le professeur.