Le revenu annuel médian par conseiller national se situe entre 63'000 et 91'000 francs. Pour les conseillers aux Etats, il atteint entre 69'300 et 92'200. C'est ce qui ressort d'une étude de l’Université de Genève, publiée en 2017 à la demande des services parlementaires.
Toutes charges comprises, un député au National coûte chaque année 147'000 francs à l'Etat, alors qu'un élu aux Etats coûte 174'000 francs, précise l'étude (voir tableau ci-dessous). Dans le détail, ces enveloppes sont composées d'une indemnité annuelle de 26'000 francs, dévolue à la préparation des travaux parlementaires, et d'indemnités journalières de 440 francs pour la participation aux sessions parlementaires et aux séances de commissions. Les émoluments journaliers peuvent être doublés, soit 880 francs, pour les personnes qui président ces séances.
Par ailleurs, les parlementaires touchent un montant défiscalisé de 33'000 francs pour l'engagement d'assistants par exemple, mais dont ils peuvent disposer à leur guise. A cela s'ajoutent des frais forfaitaires pour les repas et les nuitées, que les élus ne sont pas tenus de justifier. Ces indemnités - d'un total de 295 francs par jour de séance en Suisse et de 395 francs à l'étranger - ne sont pas non plus soumises à l'impôt.
L'étude de l'Université de Genève montre que le volume de travail des membres des deux Chambres représente un taux d'activité annuel médian de 50%. Ainsi, toujours selon cette enquête, le salaire horaire net s'élève à 79 francs pour les conseillers nationaux et de 76 francs pour leurs collègues des Etats. A noter que ces données varient fortement d'un élu à l'autre, certains engageant des collaborateurs pour les épauler, d'autres résidant plus ou moins loin du Palais fédéral.
AG première classe, ordinateur et places de parc
En plus des indemnités, les élus fédéraux ont droit à plusieurs autres avantages, tels que des conditions préférentielles pour des locations de voitures ou des cours de langues offerts. S'ajoutent également des avantages matériels, comme l'abonnement général première classe des CFF et du matériel informatique. Ce dernier se compose soit d'un ordinateur portable et d'un crédit de 3500 francs pour l'acquisition d'équipements supplémentaires, soit d'un crédit de 9000 francs pour les quatre ans que dure une législature.
Par ailleurs, les parlementaires peuvent demander le remboursement des frais de stationnement lors des sessions et des séances de commissions.
Si les politiciennes et les politiciens veulent être proches du peuple, ils doivent prendre la deuxième classe et voyager comme des citoyens ordinaires
Le conseiller national Lukas Reimann (UDC/SG) dénonce l'octroi de l'AG des CFF: "La première classe coûte beaucoup d’argent, déplore-t-il. D’autre part, je suis de l’avis que si les politiciennes et les politiciens veulent être proches du peuple, ils doivent prendre la deuxième classe et voyager comme des citoyens ordinaires." Il ajoute: "Je comprends que l’on dise que la première classe est meilleure pour avoir du calme et travailler, mais cela devrait être aux personnes elles-mêmes de la payer."
Le Saint-Gallois avait d'ailleurs déposé une motion en 2017 pour remplacer la carte première classe par celle de deuxième classe. Son texte avait été largement rejeté par 154 voix contre 28.
S'attaquer à l'AG première classe pour les parlementaires revient à attaquer le principe d'égalité entre les élus
A gauche, Samuel Bendahan (PS/VD) estime au contraire que l'abonnement en première classe est utile: "C'est du populisme de dénoncer cet aspect-là. Cet avantage ne me choque pas, car il est attribué à des gens qui doivent parcourir de longues distances et qui travaillent. S'attaquer à l'AG première classe pour les parlementaires revient à attaquer le principe d'égalité entre les élus. Cela favoriserait les personnes les plus riches."
Revenus excessifs?
Lukas Reimann estime par ailleurs que les parlementaires sont trop rémunérés. "Il y a des avantages dont nous jouissons que nous ne devrions pas avoir, comme par exemple des indemnités à hauteur de 120'000, 140'000 ou 160'000 francs. Cela non pas pour une activité plein temps, mais pour un travail à 50%."
Des propos qui font bondir Dominique de Buman (PDC/FR). "Le statut du Parlement est tout à fait raisonnable. Une étude confiée à l'Université de Genève a montré que la Suisse a une des institutions parlementaires les moins chères d'Europe."
Certains frais annexes auraient pu être forfaitisés pour réduire un peu les coûts et, surtout, pour éviter de la bureaucratie
Des ajustements sont toutefois possibles, concède l'ancien président du National. "Nous nous étions rendus compte, au sein du bureau du Conseil national, qu'il y avait certains frais annexes qui auraient pu être forfaitisés pour réduire un peu les coûts et, surtout, pour éviter de la bureaucratie. Et l'économie réalisée par cet ajustage forfaitaire aurait permis de renforcer le statut de la prévoyance professionnelle qui est actuellement inexistant dans notre Parlement." Cette réforme a pourtant été refusée par le Conseil des Etats.
Le principe des forfaits ne convainc pas Samuel Bendahan. "Un système juste serait celui où la rémunération des parlementaires est correcte par rapport au temps de travail et où tous les frais versés aux élus sont basés sur une réalité des dépenses." En clair, précise-t-il, il faut en finir avec un système "où l'on peut recevoir de l'argent pour des frais que l'on n'a pas, et recevoir de l'argent sans payer des impôts dessus."
Le système fonctionne très bien. Il ne sert à rien de le changer, ni vers le haut, ni vers le bas
D'autres parlementaires se disent satisfaits du modèle actuel. C'est le cas de Philippe Nantermod (PLR/VS) qui plaide pour le statu quo. "En tant que parlementaire, je ne pense pas que nous vivons de manière indécente, c'est un juste milieu. Le système fonctionne très bien, il ne sert à rien de le changer, ni vers le haut, ni vers le bas."
Mathieu Henderson
"Le système de milice a atteint ses limites"
Alors que les dossiers politiques deviennent de plus en plus complexes, le recours à des assistants parlementaires devient une nécessité croissante. C'est en tout cas ce que soutient Samuel Bendahan. "Le système de milice a atteint ses limites, dit-il. Beaucoup de gens n'arrivent pas à trouver un travail à côté en étant parlementaire, parce que les employeurs ne l'acceptent pas. D'autre part, pour pouvoir fonctionner avec un Parlement de milice, il faut avoir de véritables moyens pour engager des gens qui peuvent travailler sur des dossiers. Et, aujourd'hui, avec les sommes à disposition, ce n'est pas le cas."
Pour le socialiste vaudois, le forfait de 33'000 francs dévolu notamment à l'engagement de collaborateurs n'est pas suffisant. "Certains parlementaires gardent cette enveloppe pour eux, car ce n'est pas crédible d'engager quelqu'un qui a le niveau de compétence nécessaire avec une somme aussi petite."
Philippe Nantermod (PLR/VS) estime au contraire que les moyens sont suffisants. "Je ne vois pas l'intérêt de changer ce système. C'est pratique pour les élus et formateur pour les assistants qui sont souvent des étudiants. Je le sais, j'ai moi-même été assistant parlementaire. "