Pour les stratèges politiques, c'est la nouvelle religion. Aujourd'hui, tout se joue dans le creux de votre main: grâce aux réseaux sociaux, votre smartphone est devenu la porte d'entrée des partis. "C'est plus efficace, ça prend moins de temps et on touche un autre public qui serait prêt à voter pour nous", analyse Philippe Loertscher, responsable des réseaux sociaux pour le PLR Vaud.
Un pro de la comm' recruté par le PDC Fribourg
Pour ces fédérales, le PDC suisse mise gros sur le digital. Par rapport à 2015, le budget alloué aux réseaux sociaux a doublé et les campagnes d’affichage traditionnelles ont vu leur part diminuer. "La plus grande différence, c’est que vous pouvez entrer en dialogue avec la population, c’est une nouvelle façon de faire campagne", explique le président du PDC Suisse Gerhard Pfister.
Le PDC Fribourg a même décidé d’embaucher une agence externe spécialisée dans la communication digitale pour réaliser sa campagne. A la tête de l'agence Mondays.ch, Vincent Bifrare gère toutes les publications, crée des "stories", vérifie l'impact des photos et vidéos des candidats. "Mon rôle, c'est d'avoir cette petite touche en plus pour être plus vu, plus liké, plus commenté", résume-t-il.
Pour garder toujours une longueur d'avance, il a lancé cette semaine la première playlist de campagne du PDC Fribourg, qui regroupe les titres favoris des candidats. Un outil déjà utilisé en 2012 par Barack Obama lors de sa campagne.
50 francs pour atteindre 20'000 personnes
Sur les réseaux sociaux comme dans la rue, l'argent reste le nerf de la guerre. Pour cartonner sur Facebook, seul un petit budget suffit: 10 francs seulement pour "pousser" un message ou une photo et atteindre 4000 personnes, 50 francs pour atteindre plus de 20'000 personnes.
Ces sommes restent dérisoires par rapport à l'impression d'un tout-ménage, estimée entre 50'000 et 70'000 francs pour un canton, et cet outil s'avère bien plus efficace: "Les outils de Facebook et des autres réseaux sociaux sont très précis. On peut cibler juste un village et ajouter un kilomètre autour et on va vraiment pouvoir toucher une personne qui n’a pas du tout 'liké' la page du PDC mais qui va voir notre contenu", explique Vincent Bifrare.
L’UDC Valais romand mise sur la polémique
Autre stratégie efficace et quasiment gratuite: faire le buzz et créer la polémique. A Sion, pas de community manager, mais Jean-Luc Addor et Jérôme Desmeules ont une stratégie bien rodée: réagir à chaud sur l'actualité. "La polémique, ce n'est pas quelque chose de malsain. Notre but c'est de faire réagir les gens, de faire réfléchir ceux qui ne sont peut-être pas directement aux prises avec ces problèmes-là, mais toujours pour faire passer un message. Notre objectif ce n'est pas de faire de l'agitation un peu creuse, mais c'est d'essayer de s'occuper des problèmes des gens de chez nous, de nos concitoyens, et c'est ça que les gens attendent de nous", explique le candidat.
Une stratégie efficace, car il suffit qu'une personne commente en bien ou en mal et c'est tout son cercle d'amis qui voit la publication de l'UDC.
PLR vaudois, la jeunesse aux commandes
Avec plus de 1150 publications sponsorisées depuis mi-août, le PLR suisse fait figure de bulldozer, loin devant les autres partis. Dans le canton de Vaud, le parti a embauché Philippe Loertscher, un étudiant en droit de 21 ans pour booster sa campagne sur les réseaux.
Également candidat sur la liste des Jeunes Libéraux-Radicaux vaudois, il passe environ deux heures par jour sur les réseaux sociaux pour vérifier ce que les candidats postent et surveiller les opposants. Les yeux rivés sur ses écrans, il fait les comptes: "Si on regarde Solidarités Vaud, on a trois publications de moins qu'eux, mais 1000 réactions de plus, donc on a un meilleur taux d'engagement sur nos publications".
Mais en période de campagne électorale, le plus important, c'est de se démarquer sans inonder les réseaux sociaux. "Si on en fait trop, les gens se lassent et ne voient plus le contenu. Ils n'interagissent plus et on dépense du temps pour rien", explique Philippe Loertscher.
Les réseaux sociaux ne remplaceront pas le terrain
Chez les Verts aussi, les réseaux ont le vent en poupe. Les Genevois utilisent la publicité ciblée et les outils offerts par Facebook pour attirer de nouveaux électeurs. Leur stratégie: envoyer en priorité de la publicité ciblée aux amis de toutes les personnes qui ont aimé leur page.
Une technique efficace, mais de l’aveu même du responsable de la campagne digitale des Verts genevois, Miguel Limpo, rien ne pourra remplacer le terrain. "Si on n'était que sur les réseaux sociaux et pas sur les stands, on y perdrait beaucoup".
Pour Philippe Loertscher, du PLR Vaud, les réseaux sociaux doivent venir en complémentarité: "Sur un stand, on va peut-être toucher 20 à 30 personnes avec des arguments construits. Si on prend une photo lors de l'événement, on va la publier et là on va toucher 2000 à 3000 personnes."
Terrain de l’innovation, les réseaux sociaux ne bouleverseront pas les équilibres politiques en place pour cette campagne mais ils auront largement contribué à la dépoussiérer.
Cécile Tran-Tien/jfe