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"Ce n'est pas sur l'adulte qu'il faut travailler, c'est sur l'enfant à naître"

Sabrina Gauron Carlin, docteure en droit et spécialiste des questions juridiques liées à la PMA (vidéo)
Sabrina Gauron Carlin, docteure en droit et spécialiste des questions juridiques liées à la PMA (vidéo) / La Matinale / 6 min. / le 16 septembre 2019
En matière de procréation médicalement assistée, le droit doit s'adapter à la société dans laquelle il s'intègre, mais "l'intérêt supérieur de l'enfant doit primer", estime la spécialiste du droit suisse Sabrina Gauron-Carlin, invitée dans La Matinale de la RTS.

Alors que l'Assemblée nationale française s'apprête à examiner un projet de loi qui demande d'élargir la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires (lire encadré), la Suisse ne semble pas encore prête à franchir ce pas. C'est du moins la position de la commission des affaires juridiques du Conseil national.

Elle vient de recommander fin août dernier l'ouverture du mariage aux couples du même sexe, mais sans accès à la PMA pour les couples de femmes, du moins dans un premier temps.

>> Lire à ce sujet : Mariage pour tous, mais sans accès au don de sperme pour les lesbiennes

"L'une des lois les plus restrictives d'Europe"

"La Suisse a l'une des lois sur la procréation médicalement assistée les plus restrictives d'Europe", confirme Sabrina Gauron-Carlin, docteure en droit et spécialiste des questions juridiques liées à la PMA. "Pas mal de pays l'autorisent déjà, et c'est la raison pour laquelle la France tente de faire ce pas. Actuellement, une femme suisse ou française qui désire avoir un enfant et qui est seule ou en couple avec une autre femme peut simplement aller en Belgique ou en Espagne et avoir accès à ces techniques", a précisé la spécialiste lundi dans La Matinale.

>> Regarder le sujet que le 19h30 a consacré en 2017 au "tourisme" de la procréation assistée :

Certains couples sont obligés de faire appel à des banques de spermes à l’étranger
Certains couples sont obligés de faire appel à des banques de spermes à l’étranger / 12h45 / 2 min. / le 14 juin 2017

Aujourd'hui, la procréation médicalement assistée n’est autorisée que pour remédier à la stérilité d’un couple. Le recours à un don de sperme, lui, est réservé aux couples mariés. On enregistre néanmoins près de 6000 naissances par an par procréation médicalement assistée en Suisse, soit un bébé sur 40. Et pour contourner la loi, il suffit de franchir la frontière. Une manière hypocrite de sous-traiter cette tâche à l'étranger?

"Ce n'est pas du sous-traitement, car [la justice] part du principe qu'un citoyen suisse ou français qui n'a pas droit à la procréation assistée n'ira pas à l'étranger. On a une espèce de confiance dans nos concitoyens, on espère qu'ils ne le feront pas, même si c'est possible", estime Sabrina Gauron-Carlin, qui concède que c'est "faire fi de la réalité contemporaine, de la perméabilité de nos frontières et de la facilité avec laquelle on peut se rendre dans ces pays, même pour un seul week-end".

Evoluer sans permettre de dérives

Les opposants à un élargissement du droit à la procréation assistée se basent sur le droit de la filiation tel qu'il est connu de longue date dans les pays européens. Cette filiation doit être établie dès la naissance, entre un père et une mère. "Le problème, s'il n'y a qu'une mère ou deux mères, est de savoir comment régler la situation pour qu'à la naissance de l'enfant, les deux mères ou la mère puissent le devenir sans passer par une adoption", explique Sabrina Gauron-Carlin.

Selon elle, le droit doit s'adapter à la société dans laquelle il s'intègre, mais faire attention de ne pas ouvrir, sans le vouloir, des portes qu'il n'aurait pas voulu voir s'ouvrir. "Il faut réfléchir pour mettre en place un système juridique qui soit fiable et qui ne permette pas des dérives. Ça nécessite une réflexion approfondie."

Un droit daté de 1907

Mais comment trouver le bon équilibre entre, d'un côté, la souffrance psychologique des couples homosexuels ou des femmes seules qui souhaitent avoir un bébé et qui ne le peuvent pas, et de l'autre ce qui est dans l'intérêt de la société dans son ensemble?

"Dans cette pesée d'intérêt, l'intérêt supérieur de l'enfant doit primer. C'est une souffrance extrême, d'une violence inouïe, quand un parent qui désire vraiment des enfants ne peut pas en avoir, mais le législateur ne doit pas concentrer son travail sur ce sujet. Ce n'est pas sur les adultes, même en souffrance, qu'il faut travailler, c'est sur l'enfant à naître, sur son bien-être", avance Sabrina Gauron-Carlin. "Il faut penser que cet enfant a besoin d'être élevé, a besoin de personnes responsables de lui pendant, au moins, toute sa minorité. C'est le critère principal, et le droit suisse le fait bien".

C'est une souffrance extrême, d'une violence inouïe, quand un parent qui désire vraiment des enfants ne peut pas en avoir, mais le législateur ne doit pas concentrer son travail sur ce sujet

Sabrina Gauron-Carlin

"Le législateur ne va pas se baser sur le fait qu'il y ait deux papas ou deux mamans. La préoccupation, c'est d'avoir vraiment une sécurité juridique quand l'enfant arrive sur terre. Il se trouve que notre droit de la filiation, qui date du code civil de 1907, même s'il a été revu une fois, prévoit encore que c'est un papa et une maman", conclut la spécialiste des questions juridiques liées à la procréation médicalement assistée.

Propos recuellis par Romaine Morard

Adaptation web: Vincent Cherpillod

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La PMA bientôt assouplie en France?

En France, une commission spéciale demande d'élargir la procréation médicalement assistée aux couples de lesbiennes et aux femmes célibataires. Ce projet sera examiné la semaine prochaine par l'Assemblée nationale.

La droite française, et notamment Les Républicains, hésite encore à se lancer dans la bataille contre cette réforme. Le parti s'était pourtant, par le passé, fortement engagée contre le PACS et le mariage pour tous.

>> Ecouter l'analyse d'Alexandre Habay dans La Matinale de la RTS: