«Peur de l'autre», «vote avec les tripes», «irrationalité»,
«amalgames»: ces expressions reviennent souvent lundi dans les
commentaires de la presse romande, comme dans la presse européenne et
sur le web . «Les musulmans de
Suisse ne méritent pas l'injustice de ce vote sanction inspiré par
la peur, les fantasmes et l'ignorance», écrit l'éditorialiste du
Temps .
«Certains, polytraumatisés de la crise, ont glissé dans l'urne un
vote de protestation et de méfiance plus que de haine et de
défiance», avance la Tribune de Genève .
Le vote de la peur
La majorité des citoyens a voté «la peur au ventre», selon Le
Quotidien jurassien: «peur dans la solidité de notre Etat de droit
face au mélange des cultures auquel conduit un monde
globalisé».
Pour La Liberté , les Suisses qui ont
accepté l'interdiction des minarets ont été poussés par «des
craintes liées à l'islamisation du pays et à un brassage de
populations qui va trop vite». Le quotidien fribourgeois estime que
les initiants ont exploité ces amalgames.
Le Journal du Jura , qui titre son
éditorial «l'autogoal de la peur», dénonce lui aussi un amalgame
entre la population musulmane de Suisse et le «fondamentalisme
religieux agitant le monde». Comme nombre de ses confrères, le
journaliste cite la crainte du terrorisme ou la burqa.
Une peur qui se base sur «les clichés véhiculés par les images
d'islamistes fanatiques et intégristes», selon les journaux
neuchâtelois L'Express et L'Impartial .
Une opposition «bien timide»
Le Conseil fédéral, les partis politiques, les milieux
économiques et patronaux ainsi que les Eglises en prennent pour
leur grade dans les commentaires de la presse. «On ne les a pas
beaucoup entendus», note La Liberté. Pour le quotidien vaudois
24heures , le gouvernement a été
«bien timide» et les «partis traditionnels presque absents» durant
la campagne.
«Plutôt que de compter sur l'impossible sagesse populaire, le
Conseil fédéral et le Parlement auraient mieux fait de prendre
leurs responsabilités et de récuser une telle initiative», écrit
L'Express et L'Impartial. La Tribune de Genève estime elle aussi
que le Conseil fédéral et les partis ont laissé «le champ libre à
l'adversaire». Même critique dans Le Quotidien jurassien, qui
affirme que les partis n'ont pas assez pris au sérieux les
«pyromanes de l'UDC».
En Valais, Le Nouvelliste s'étonne du triomphe de l'UDC, qui
était pourtant «seule contre tous ou presque, surfant sur
l'islamophobie ambiante et malgré l'hostilité de l'écrasante
majorité des médias».
Quelles conséquences?
Plusieurs éditorialistes mettent en gardent contre les
conséquences pour l'image de la Suisse. «Sa crédibilité risque de
s'écrouler à la faveur d'un coup de gueule, certes de portée
symbolique, mais aux conséquences incalculables», estime Le
Temps.
«L'interdiction de construire des minarets vient s'ajouter à une
liste déjà embarrassante d'affaires économiques et politiques, qui
place notre pays en position de faiblesse sur l'échiquier
international», écrit 24heures. «Il faudra à ceux qui font le
métier de promouvoir la Suisse à l'étranger un solide bâton de
pèlerin, et une foi inébranlable».
«Aujourd'hui, le monde entier s'indigne et s'interroge sur les
motivations helvétiques», note la Tribune de Genève. Le journal
craint que cet «affront à l'islam» coûte cher: «vengeance, boycott,
rétorsion...». «Au moment où tant d'autres défis sont à relever, de
la crise économique au conflit avec la Libye en passant par la
disparition du secret bancaire, espérons que son prix ne sera pas
exorbitant», conclut la «Liberté».
ats/sbo
Même déception côté alémanique
«Nos diplomates auront beaucoup à faire», prédit de son côté le journal zurichois NZZ.
Quant au Tages-Anzeiger, il voit dans le «oui» à l'initiative une «défaite amère pour la paix religieuse».
Le quotidien zurichois estime que la Suisse est partagée entre une vision moderne et ouverte au monde et une vision traditionnelle et nationaliste.