Publié

Widmer-Schlumpf explique la votation à Bruxelles

Pour Eveline Widmer-Schlumpf, il n'est pas question de rompre avec la Convention européenne des droits de l'homme.
La ministre de la Justice a dû faire face aux questions de ses homologues européens.
La ministre de la Justice suisse Eveline Widmer-Schlumpf s'est appliquée lundi à expliquer à ses collègues de l'UE l'interdiction des minarets alors qu'en Suisse, l'UDC a exigé que le texte soit appliqué sans réserve. De nouvelles manifestations de soutien aux musulmans ont par ailleurs eu lieu.

Eveline Widmer-Schlumpf a rencontré les ministres de l'Intérieur
de l'UE, ainsi que la présidence suédoise de l'UE et le commissaire
européen en charge de la justice, qui ont exprimé des critiques.
Son séjour à Bruxelles était à l'origine prévu pour une réunion du
comité-mixte Schengen, mais la votation de dimanche a changé la
donne.



A son arrivée à Bruxelles, la cheffe du Département fédéral de
justice et police (DFJP) a de suite indiqué vouloir expliquer que
le résultat des urnes n'était pas contre les musulmans ou la
liberté religieuse en Suisse.

Une certaine irritation

Après que plusieurs ministres de la Justice et de l'Intérieur
ont exprimé des critiques sur le résultat des urnes, "le thème
s'est imposé de lui-même" a déclaré E.Widmer-Schlumpf à la sortie
du comité à des représentants des médias suisses.



Eveline Widmer-Schlumpf, qui s'est déclarée contente d'avoir pu
expliquer la décision du peuple suisse, a constaté "des difficultés
de compréhension" et "une certaine irritation" des pays membres de
l'UE.



Avant la réunion, la ministre suédoise de l'intégration Nyamko
Sabuni avait estimé qu'une telle question soit soumise à votation
était "un abus du système suisse de votations". Maria Fekter, la
ministre autrichienne de l'Intérieur, avait rétorqué que dans son
pays "la construction de minarets relève de la compétence des
Länder", car il s'agit d'une question d'aménagement du
territoire.

Crise libyenne et UBS pointés du doigt

Eveline Widmer-Schlumpf a fait valoir que
des peurs et des incidents lors des derniers mois avaient pu
influencer le scrutin, tels que la crise libyenne, les problèmes
suscités par la liberté de circulation des personnes ou l'affaire
UBS.



La conseillère fédérale a déclaré être convaincue d'avoir été
comprise. «On respecte le vote d'une démocratie directe», a-t-elle
souligné. La ministre a par ailleurs indiqué avoir été interrogée
sur les difficultés qu'implique la mise en oeuvre juridique de
l'interdiction des minarets.

Craintes et appel au calme

Le commissaire européen à la Justice Jacques Barrot, qui s'est
entretenu avec la ministre helvétique, a estimé qu'il incombait
désormais au Conseil fédéral de poursuivre le dialogue avec les
différentes communautés religieuses, alors que le ministre suédois
de la justice Tobias Billström a exprimé sa crainte que les
relations entre les communautés religieuses se péjorent.



Le président du gouvernement de Bâle-Ville Guy Morin (Verts)
craint lui aussi que les musulmans soient sur la défensive et se
cachent. Le canton, déjà très actif en matière d'intégration, devra
redoubler d'efforts, estime-t-il.



L'imam de la mosquée de Genève, l'une des quatre seules en Suisse
à être flanquée d'un minaret, a invité les musulmans à respecter
cette décision, sans pour autant l'accepter. "Sinon nous serons les
premières victimes", a déclaré Youssef Ibram dont la mosquée a été
visée par des actes de vandalisme durant la campagne.

Calmy-Rey tente aussi de calmer le jeu



En permanence au téléphone depuis l'annonce du résultat du vote
dimanche, la cheffe de la diplomatie suisse Micheline Calmy-Rey
tente avec ses ambassadeurs de calmer les esprits dans les pays
musulmans, qui se montrent surpris. La conseillère fédérale a aussi
rencontré lundi après-midi plusieurs ambassadeurs des pays
arabes.

S'exprimant dans l'émission Echo der
Zeit de la radio alémanique, la conseillère fédérale s'est dite
"très déçue" que le résultat apporte de nouveaux problèmes avec des
Etats arabes et musulmans, sans que ceux rencontrés en Suisse ne
soient résolus.



Cette initiative approuvée par une majorité de Suisses est
confrontée à des problèmes de mise en oeuvre, a poursuivi
M.Calmy-Rey. La conseillère fédérale refuse une dénonciation de la
Convention européenne des droits de l'homme, comme l'exige
l'UDC.



Micheline Calmy-Rey a affirmé que le vote de dimanche était le
"résultat de peurs" et de "difficultés diverses", "liées à un
contexte de globalisation et de crise économique".



"Cette initiative a été instrumentalisée. Je le regrette
profondément. Je suis choquée, d'autant plus que cette initiative
n'avait pas le soutien du gouvernement", a-t-elle souligné, tout en
précisant que "la décision du peuple suisse" serait
"respectée"



ats/ap/bri

Publié

Différentes réactions en Suisse

L'UDC reste aux barricades

L'Union démocratique du centre (UDC) a déjà averti que si des tribunaux avaient "l'outrecuidance" de casser la décision populaire en se référant à la Convention européenne des droits de l'Homme ou à la Convention de l'ONU sur les droits civiques et politiques, elle ferait pression pour que la Suisse résilie les traités concernés. "Il est hors de question que le droit international public élimine notre démocratie directe".

Fort du succès de son parti, l'ancien conseiller fédéral UDC Christoph Blocher tablait lui lundi sur d'autres actions touchant à l'islam en Suisse. Dans un entretien accordé à la radio zurichoise "Radio 1", il mentionne le port de la burqa, les mariages forcés, l'excision de jeunes filles ou, plus généralement, le mépris des droits de la femme.

Les Chambres veulent un débat sur la religion

Le monde politique doit se pencher plus en avant sur les questions d'intégration, de tolérance, de valeurs et de religion, ont estimé les présidentes des Chambres fédérales lundi. Le monde politique a négligé ces questions jusqu'ici, a déclaré lundi la présidente du Conseil national Pascale Bruderer (PS(AG). Il a été beaucoup question de symboles, de craintes et d'identité lors de la campagne, a-t-elle rappelé.

Ce résultat nous oblige à une autocritique, a noté pour sa part son homologue du Conseil des Etats Erika Forster (PRD/SG). Selon elle, l'initiative telle qu'elle est acceptée ne représente pas une solution. Il faut interpréter ce vote comme un mandat donné aux politiques pour qu'ils se préoccupent davantage de ces problèmes d'intégration et de cohabitation avec les minorités religieuses.

Des jeunes érigent un minaret à Genève

Des jeunes appartenant à la mouvance autonome ont érigé lundi matin un minaret en bois d'environ 5 mètres de haut sur la place Neuve à Genève pour protester contre le résultat de la votation de dimanche.

L'éphémère édifice devait être démonté en fin de journée. La tour était recouverte de draps blancs. Les passants étaient invités par les jeunes militants à écrire sur la toile des messages de soutien à la communauté musulmane et a exprimer leur incompréhension face à l'interdiction des minarets votée par les Suisses.

Minarets de Wil et de Langenthal: soutien des Verts

Un représentant de la communauté musulmane de Langenthal a annoncé lundi à la radio alémanique DRS qu'un refus de délivrer l'autorisation de construire serait contesté auprès du Tribunal fédéral. Le cas est pendant auprès du canton de Berne. La communauté islamique de Langenthal (BE) est prête à porter son cas jusqu'à la Cour européenne des droits de l'Homme à Strabourg.

Les Verts suisses pourraient venir à la rescousse des musulmans de Langenthal. "Nous examinons les possibilités juridiques pour combattre l'interdiction de minarets", a déclaré le président du parti Ueli Leuenberger. Le parti ne peut pas porter plainte contre l'interdiction car il n'est pas directement concerné, a-t-il précisé. Les Verts européens ont également offert leur soutien.

Les musulmans de Wil (SG) sont moins combattifs. Le centre islamique en projet dans cette localité se fera simplement sans minaret, a indiqué à l'ATS Hisham Maizar, président de l'association faîtière des communautés islamiques de Suisse centrale et du Liechtenstein.