Deux plaintes ont été déposées au Tribunal fédéral (TF), a
indiqué dimanche son président Lorenz Meyer. Il part du principe
que la question des minarets sera également soumise tôt ou tard au
TF dans le cas concret d'une demande de permis de construire.
Pour éviter d'en arriver là, d'éminentes personnalités émettent
l'idée de biffer l'article constitutionnel sur l'interdiction des
minarets et de le remplacer par un "article sur la tolérance".
Cette proposition émane du Club Helvétique, un groupe
d'intellectuels, et du professeur zurichois de droit international
public Daniel Thürer.
L'article pourrait stipuler que chaque religion doit faire preuve
de respect envers les autres conceptions religieuses, suggère-t-il.
On peut envisager une initiative populaire ou une initiative
parlementaire, a dit Giusep Nay, ancien président du TF et membre
du Club Helvétique, qui estime que les chances de succès sont "tout
à fait réelles".
Les explications des conseillers fédéraux
De leur côté, plusieurs conseillers fédéraux ont rivalisé en
tentatives d'explication dans la presse dominicale.
Micheline Calmy-Rey se veut ainsi rassurante face à d'éventuelles
menaces. La cheffe du Département fédéral des affaires étrangères
(DFAE) indique n'avoir connaissance "d'aucun indice sur
d'éventuelles menaces terroristes" à l'encontre de la Suisse. Elle
explique tout faire pour "que la situation ne se dégrade pas" à la
suite de ce vote.
Dans les colonnes du "Matin Dimanche" notamment, la conseillère
fédérale déclare avoir recensé "des attaques verbales, quelques
appels isolés au boycott et ponctuellement des petites
manifestations" à l'étranger. Selon elle, "la situation est restée
calme".
"Expliquer" pas "excuser"
Pour éviter une dégradation, les diplomates suisses ont expliqué
le résultat du vote "aux gouvernements et aux médias des pays
musulmans", rappelle la conseillère fédérale. Mais prévient: "il ne
s'agit pas d'excuser cette décision populaire: je n'ai jamais
présenté d'excuses à ce propos".
Comme pour la contredire, le leader libyen Mouammar Kadhafi estime
que le peuple suisse a rendu "le plus grand service à Al-Qaïda".
Selon lui, la votation donne un "argument" à la mouvance terroriste
pour s'attaquer à l'Europe (voir ci-contre).
Estimant que l'issue du scrutin est liée à "la grande anxiété qui
règne dans notre population", la ministre des affaires étrangère
critique encore le "débat nauséabond" ayant précédé la votation.
Micheline Calmy-Rey déplore aussi que "des provocateurs chez nous"
demandent dorénavant l'interdiction de la burqa ce qui pourrait "à
nouveau susciter une aggravation de la tension".
Hans-Rudolf Merz tergiverse
Interrogé dans la "NZZ am Sonntag", le président de la
Confédération Hans-Rudolf Merz estime que la question de
l'immigration a certainement joué un rôle. On peut imaginer qu'à
moment donné la capacité d'absorption du peuple atteigne des
limites.
Par rapport à cet aspect, deux scénarios sont possibles dans le
pays, selon Hans-Rudolf Merz: soit le peuple suisse arrive à
dépasser certaines limites et cela pourrait déboucher sur un nouvel
amalgame culturel comme aux Etats-Unis ou en Australie. Ou alors
les migrants doivent s'adapter.
"Manifestement, une partie de la population étrangère en Suisse
n'est malheureusement pas prête à le faire", dit Hans-Rudolf
Merz.
Doris Leuthard ressent un malaise déplacé
"Je crois que la votation avait peu à faire avec la religion,
mais plutôt avec un malaise vis-à-vis de l'immigration", dit pour
sa part la future présidente de la Confédération Doris Leuthard au
"SonntagsBlick". La charia, l'excision et les droits des femmes ont
aussi constitué un thème du débat.
A la question de savoir si la décision du peuple était aussi un
signal contre les délinquants violents, les criminels, les
chauffards et les machos qui ont des origines étrangères, la
ministre de l'économie répond: "C'est possible, mais cela
n'explique pas tout".
Et de rappeler que des Suisses aussi manquent de respect et
n'observent pas le droit.
Moritz Leuenberger attaque les sondages
Ministre de la
communication, Moritz Leuenberger se préoccupe surtout de la
question de la formation de l'opinion et des sondages dans le cadre
des votations. Ce qui le dérange, c'est que les sondages
téléphoniques soient encore effectués via le réseau fixe alors que
de nombreuses personnes n'ont plus qu'un téléphone portable,
explique-t-il dans "Sonntag".
Dans la campagne sur les minarets, toute la culture de la
communication des jeunes via téléphone portable, blog ou Facebook a
joué un rôle central. Toutes les haines ont pu être ainsi
communiquées comme nulle part ailleurs. Les sondages n'ont pas
saisi cette nouvelle culture de manière professionnelle, critique
Moritz Leuenberger.
Le ministre socialiste s'est montré critique concernant les
sondages réalisés par l'institut gfs.bern pour le compte de la SSR.
La Télévision ne devrait pas se caler sur un monopole de ce type en
matière de sondages.
Selon Moritz Leuenberger, le directeur de l'institut Claude
Longchamp exerce de fait un rôle doublement monopolistique. Claude
Longchamp a en effet le privilège de pouvoir expliquer le dimanche
des votations pourquoi les sondages de son institut n'étaient pas
exacts.
ats/jeh
Appel à fonder un parti islamique helvétique
Gasmi Slaheddine, président de la Ligue des Musulmans au Tessin, propose de fonder un parti islamique.
Il a lancé dimanche un appel aux 350'000 musulmans de Suisse dans les colonnes de l'hebdomadaire tessinois "Il Caffé".
"Pour défendre notre foi et la liberté de culte, nous devons fonder un parti islamique en Suisse", déclare le président de la Ligue musulmane fondée en 2005 et basée à Lugano.
"Le peuple suisse a été trompé et a eu peur, mais cette votation a aussi souligné le déclin de la démocratie et a créé une rupture entre la Suisse et le monde musulman", assure Gasmi Slaheddine.
Le responsable est persuadé que le véritable objectif de l'initiative n'était pas les minarets, mais la foi islamique.
Il demande donc à tous les fidèles, notamment à ceux qui en ont les moyens, de fonder un parti islamique.
Selon le président de la Ligue des Musulmans du Tessin, un tel parti pourrait lutter contre une augmentation des mesures antiislamiques comme l'interdiction de la burqa, du tchador ou du simple voile.
La Suisse risque désormais l'isolement international et sa classe politique n'a pas compris au devant de quoi elle allait avec cette votation, avertit-t-il.
Kadhafi menace d'un appel au boycott
Les Suisses "prétendent qu'ils 'combattent Al-Qaïda et le terrorisme' alors qu'ils viennent de (leur) offrir le plus grand service", a affirmé Mouammar Kadhafi. Par ce référendum, la Suisse a fourni un "très fort argument" à Al-Qaïda pour s'attaquer à l'Europe, a estimé le colonel Kadhafi.
Qualifiant la Suisse de "mafia du monde" et d'"entité fabriquée", le colonel Kadhafi a indiqué qu'il y avait "un appel pour le boycott" de la Confédération par le monde musulman, sans autres précisions.
"Nous continuons à leur (les Suisses) dire: vous devez penser à vos intérêts. Vous avez besoin de pétrole, de gaz, de ports, de mer, d'énergie solaire, d'investissements". "Méfiez-vous avant de perdre ces acquis et ne dépassez pas vos limites", a-t-il prévenu.
Les relations entre la Suisse et la Libye sont tendues depuis l'arrestation d'Hannibal Kadhafi, l'un des fils du numéro un libyen, le 15 juillet 2008 à Genève.
A la suite de cette interpellation, deux Suisses ont été arrêtés en Libye. Les deux hommes ont été condamnés le 1er décembre dernier à 16 mois de prison ferme pour "séjour irrégulier".