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La Ligue arabe estime que la Suisse est "raciste"

La Ligue arabe va aborder le cas de la Suisse dimanche.
Tripoli a le soutien total des pays de la Ligue arabe.
Les Etats membres de la Ligue arabe ont adopté mercredi au Caire une position entièrement solidaire avec la Libye dans son différend avec la Suisse. Ils accusent Berne d'être "raciste". En Suisse, l'impact de l'embargo de Tripoli est largement minimisé, les échanges étant déjà très réduits.

La Ligue arabe, citée jeudi par l'ANSA, demande à l'Union
européenne de réfuter la "liste noire" des 150 personnalités
libyennes auxquelles l'entrée dans l'espace Schengen, liste
qualifiée de "raciste". L'organisation condamne "l'utilisation de
l'espace européen à des fins politiques". Au total, les ministres
de 17 pays membres de la Ligue arabe, dont ceux des voisins de la
Libye, ont signé le document.



En parallèle, le diplomate libyen Ali Aujali, en poste aux
Etats-Unis, a expliqué à l'agence Reuters que le leader libyen
Kadhafi, qui a appelé récemment au "djihad" contre la Suisse,
évoquait un "boycott économique" contre la Confédération et non une
"attaque armée".

Tribunal arbitral demandé

Le Conseil revient aussi sur des menaces "proférées par des
membres du Parlement suisse" sur l'usage de la force armée contre
la Libye.



En outre, la Ligue arabe demande un tribunal arbitral et des
sanctions pour les responsables de la fuite ayant abouti à la
publication dans la Tribune de Genève de photos d'identification
d'Hannibal Kadhafi. Ce texte a été adopté alors que la Libye a
annoncé un embargo économique total envers la Suisse,
officiellement en réponse au vote antiminaret de novembre.



"Nous sommes proches d'une solution en ce qui concerne la crise
avec la Suisse", avait pourtant déclaré mercredi le ministre libyen
des affaires étrangères Moussa Koussa en marge d'une réunion du
Congrès général du peuple (le pouvoir législatif libyen), à
Syrte.

La tension monte avec les Etats-Unis

Jeudi, la Compagnie nationale libyenne de pétrole a elle mis en
garde les compagnies pétrolières américaines contre les
"répercussions" que pourrait provoquer le trait d'ironie du
porte-parole de la diplomatie américaine sur l'appel de Mouammar
Kadhafi au djihad contre la Suisse.



"Nous avons convoqué les compagnies pétrolières américaines
(opérant en Libye) pour leur faire part de notre indignation au
sujet des propos du porte-parole des Affaires étrangères et les
informer des répercussions négatives que pourraient entraîner de
tels propos sur les relations économiques entre les deux pays", a
dit le président de la Compagnie nationale libyenne de pétrole
(NOC) Chokri Ghanem.

Tripoli avait convoqué mercredi
la chargée d'affaires américaines en Libye pour protester
officiellement contre les propos tenus vendredi dernier par Philip
Crowley, en exigeant "explications et excuses". Ph.Crowley avait
dit en riant que l'appel de Kadhafi à la guerre sainte contre la
Suisse lui rappelait la diatribe insolite et interminable du
dirigeant libyen à la tribune de l'ONU en septembre dernier:
"Beaucoup de mots, beaucoup de papier volant un peu partout, et pas
forcément beaucoup de sens".



Mercredi, il a assuré que son trait d'ironie n'était "pas une
attaque personnelle", mais sans s'excuser comme l'exige
Tripoli.



La crise diplomatique entre Berne et Tripoli a été provoquée par
l'interpellation musclée, en juillet 2008 à Genève, d'un fils de
Mouammar Kadhafi, Hannibal, sur plainte de deux domestiques
l'accusant de mauvais traitements. Deux Suisses avaient été
interpellés quelques jours plus tard en Libye. Si Rachid Hamdani a
finalement pu rentrer en Suisse le 23 février dernier, Max Göldi,
employé d'ABB, est actuellement retenu dans des géôles libyennes.
Il doit y rester quatre mois pour "séjour illégal".



agences/bri

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Embargo libyen: la Suisse relativise

L'embargo économique et commercial "total" annoncé par Tripoli présentera des effets limités dans la mesure où les échanges entre Berne et Tripoli sont déjà très réduits, estimait unaniment la presse, les politiques et les milieux concernés jeudi. "Cela fait quasiment deux ans que Kadhafi mène les autorités suisses par le bout du nez, la population a appris à décoder", explique le politologue de l'Institut européen de l'Université de Genève, Frédéric Esposito.

"Vu la faible importance du volume des échanges" entre la Suisse et la Libye, l'embargo prononcé par Tripoli n'aura "pas une influence considérable" sur l'économie suisse, estime le député démocrate-chrétien Dominique de Buman, membre de la commission parlementaire de l'économie.

"Il s'agit de gesticulations grandiloquentes de Moummar Kadhafi qui ne font peur à personne car il est coutumier du fait", a renchéri le responsable du parti socialiste genevois, René Longet.

Les exportations helvétiques vers la Libye ne représentent que "moins d'un millième" du total de ses échanges avec l'étranger, a indiqué economiesuisse. Elles ont atteint en 2009 156 millions de francs suisses sur les 180,3 milliards de francs exportés par la Suisse. Une goutte d'eau, a estimé 24 heures, comme d'autres médias.

Le géant de l'ingénierie helvético-suédois ABB a indiqué ne plus exporter vers la Libye depuis le début des tensions entre Berne et Tripoli et l'arrestation du chef de sa filiale en Libye. Un porte-parole a néanmoins précisé que le groupe continuait de remplir ses contrats sur place avec des salariés locaux.

L'industrie pharmaceutique assure que cette annonce aura peu d'impact sur ses activités. "La Libye n'est pas un marché très important", a précisé un porte-parole de l'association Interpharma, représentant les sociétés du secteur.

Le dommage sera plus important "pour les patients libyens qui seront privés de médicaments". L'annonce de l'embargo de Tripoli pourrait avoir plus de conséquences pour la Libye qui a fait de nombreux investissements pétroliers en Suisse, notamment une raffinerie et des stations de son groupe Tamoil, a également relevé economiesuisse.

Les échanges commerciaux avec la Libye ont baissé de manière drastique en 2009 suite à la crise entre les deux pays. Les exportations helvétiques, surtout des machines (57,5%) et des produits pharmaceutiques (23,8%), ont diminué de 44,7% en 2009 sur un an. Les importations de produits libyens - essentiellement de pétrole -, ont baissé de 78,4%, selon les statistiques des douanes helvétiques.

Les raisons de l'embargo

Pour Frédéric Esposito, politologue de l'Institut européen de l'Université de Genève, les dernières salves de Tripoli peuvent confirmer qu'on est dans une phase de fins de négociations "et que Kadhafi joue un peu ses dernières cartes, c'est-à-dire la provocation".

Ou alors, plus inquiétant, il y a "des tensions entre les partenaires" pour régler le retour du Suisse Max Göldi, souligne l'expert, qui reconnaît qu'il est difficile de faire des pronostics.