Nous l'appellerons Emma. Ayant trouvé un accord avec son ancien employeur, elle est obligée de témoigner anonymement.
Emma travaillait depuis trois ans pour une association quand elle est tombée enceinte. Dès l'annonce de sa grossesse, elle a senti le climat changer autour d'elle: "j'ai ressenti des réactions très négatives", se souvient-elle. "Même si évidement, ça n'a pas forcément été exprimé comme tel, on m'a fait comprendre que c'était quelque chose qui passait mal"
A la fin du délai légal, Emma se voit notifier son congé par lettre recommandé. Le motif: une réorganisation. Elle demande des explications, n'en reçoit aucune. "Pour moi, ça a été vraiment très dur", raconte-t-elle. "Parce que c'était un travail pour lequel je m'étais beaucoup investie et dans lequel j'avais obtenu de très bons résultats."
3% des femmes licenciées à leur retour de congé maternité
Le cas d'Emma est loin d'être isolé. Selon une étude menée par l'institut BASS, une femme sur sept s'arrête de travailler après son accouchement alors qu'elle ne l'aurait pas souhaité. Dans 3% des cas, elle est simplement licenciée dès la fin du délai de protection de 16 semaines.
Directeur adjoint de l'entreprise de conseil en ressources humaines Vicario Consulting, Mehdi Guessous observe que de nombreuses entreprises ont des a priori sur les jeunes mamans: "Certains cadres féminins estiment par exemple qu'après une période à la maison, un cadre aura totalement perdu le fil professionnel, alors que c'est très relatif. On entend aussi dire que leurs priorités vont changer. Mais ce n'est pas parce qu'une personne décide de revoir son emploi du temps qu'elle revoit ses priorités. Finalement, selon nous, c'est un peu symptomatique: c'est la personne qui a porté l'enfant qui porte les problèmes ensuite."
Mehdi Guessous conseille aux employeurs comme aux employés de discuter de leurs craintes et de leurs doutes et de bien organiser le départ en congé et le retour au travail.
De plus en plus de cas devant la justice
De plus en plus de femmes recourent au Tribunal pour dénoncer un licenciement abusif au nom de la loi sur l'égalité. Dans la plupart des cas cependant, ces conflits se règlent à l'amiable. C'est ce qui s'est passé pour Emma. Elle a obtenu un peu plus de deux mois de salaire d'indemnités, et surtout, un bon certificat de travail.
"Mon avocate m'a expliqué que lorsqu'on portait ce genre d'affaires devant les tribunaux, il était beaucoup plus difficile d'obtenir un bon certificat de travail", explique-t-elle. "Et pour moi, c'était quelque chose d'important. Mais j'étais vraiment très partagée. J'avais à la fois envie de m'arrêter là, parce que cette histoire me pesait, et en même temps, une partie de moi aurait voulu porter cette affaire en justice et faire condamner cet employeur."
Devant la justice, Emma n'aurait pas obtenu grand-chose de plus. L'indemnité maximale prévue pour licenciement abusif est de six mois de salaire et les juges ne l'accordent que rarement.
jc