Ils bloquent des ponts à Lausanne, déversent du faux sang à deux pas du Palais fédéral, colorent la Limmat en vert à Zurich... Créé il y a un peu moins d'un an au Royaume-Uni, le mouvement Extinction Rebellion, abrégé XR, compte au moins quatorze branches locales en Suisse. Par un discours radical et des actions de désobéissance civile non-violentes symboliques et spectaculaires, ses militants demandent la reconnaissance de l'état d'urgence climatique.
XR est présent dans tous les cantons romands et près de 700 personnes seraient mobilisables en Suisse pour des actions, selon un militant lausannois. La newsletter compte plus de 4000 sympathisants. Le mouvement a donc réussi un de ses paris: attirer l'attention des médias et du grand public. Pour Hélène Dupraz, militante au sein de la section neuchâteloise d'XR, cela doit donner un nouveau souffle aux ONG institutionnalisées, comme Greenpeace, le WWF ou Pro Natura. "J'espère qu'en créant beaucoup de médiatisation autour de la question climatique cela va permettre à ces associations, à ces organisations, d'entamer enfin un discours et un débat intéressant avec les gouvernements, qui peuvent être en première ligne pour agir. Et enfin, faire ce qu'ils savent faire de mieux, c'est-à-dire ce travail de pression sur les gouvernements", estime-t-elle.
Travail "complémentaire" aux ONG
XR arrive dans la continuité d'organisations bien connues. D'ailleurs, la désobéissance civile est depuis longtemps une méthode de Greenpeace. "Lorsque Greenpeace fait une action de désobéissance civile, elle est très ciblée: sur une entreprise, un gouvernement, un service d'un gouvernement", alors qu'Extinction Rebellion mène des actions "pour mobiliser la société civile dans son ensemble", différencie le porte-parole de Greenpeace Mathias Schlegel. "C'est un travail qui complète celui des ONG, et qui nous semble extrêmement important", souligne-t-il.
Les méthodes d'XR ont déjà été utilisées, mais si elles fonctionnent, c'est qu'elles ont réussi à mobiliser des citoyens et citoyennes, qui ne l'étaient pas forcément jusqu'ici, notamment des jeunes. "Tout à coup, il y a un groupe dont les membres ne veulent pas rejoindre les groupes existants depuis les années 60 ou 70 (...). Ils ne s'y retrouvent pas, pour des raisons qui sont les leurs. Mais ils voient l'urgence de la situation et s'organisent", analyse Florence Passy, professeure en Sciences politiques à l'Université de Lausanne.
L'attrait pour ce mouvement s'explique donc par le sentiment d'urgence, la nouveauté du mouvement, une méthode qui plaît et une organisation horizontale et accessible. "On ressemble à Madame et Monsieur tout-le-monde", explique un militant lausannois.
Beaucoup d'options pour s'engager
Mathias Schlegel, lui, réfute le fait que Greenpeace soit trop institutionnalisé. Mais il reconnaît que "ce côté avec des employés, des structures relativement lourdes, peut déplaire à certains militants. Il y a dix ans, ils avaient beaucoup moins d'options. Aujourd'hui, avec ces nouvelles organisations et le très grand nombre d'initiatives citoyennes locales qu'on peut trouver en Suisse, si vous n'êtes pas forcément un fan des grandes organisations environnementales, vous trouvez quand même un moyen de vous engager pour le climat et de faire avancer les choses".
"Ce qui est important, c'est que la quantité de personnes qui se mobilise est en augmentation et commence gentiment à arriver en adéquation avec l'urgence de la situation", ajoute-t-il.
Sujets radio: Camille Degott/Julien Bangerter
Adaptation web: Jessica Vial
XR peut-il être influencé par la politique?
Extinction Rebellion veut que le monde politique agisse de toute urgence pour le climat, notamment le gouvernement.
Jusqu'à présent, les partis de défense de l'environnement ont eu de la difficulté à faire entendre leur voix, admet la Verte vaudoise Adèle Thorens, interrogée par la RTS, mais ça ne veut pas dire que le système est mauvais. "Je soutiendrai mordicus, y compris face à Extinction Rebellion, la valeur du système démocratique suisse. On a d'ailleurs, malgré toutes les difficultés, accompli de grands progrès en matière environnementale grâce à ce système", insiste-t-elle.
"Pour l'instant, on semble un peu obtus, parce que j'ai la sensation qu'on n'est pas écoutés et que la question climatique n'est pas prise au sérieux. Maintenant, avec les élections de ce week-end, la question doit se reposer", admet la militante Hélène Dupraz. Pour elle, si XR "arrive à établir un dialogue concret avec la politique pour mettre en avant ses revendications et peut-être les faire appliquer (...), je crois que la stratégie changera".