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Visas libyens: la Suisse sous pression de Bruxelles

Bernard Kouchner avait eu des mots malheureux envers la Suisse au moment où a éclaté la crise des visas.
Bernard Kouchner et Franco Frattini demandent clairement à la Suisse de trouver une solution.
La Commission européenne a pris contact avec les autorités suisses et libyennes et espère une solution diplomatique rapide à la suspension par Tripoli des visas aux citoyens de l'espace Schengen. Plusieurs rencontres sont agendées prochainement à Bruxelles, mais aussi à Rome, pour évoquer cette crise.

La Libye a confirmé officiellement à l'Union européenne (UE) sa
décision de ne plus délivrer de visas aux citoyens de l'espace
Schengen, a dit mardi un porte-parole de la Commission
européenne.



De possibles réactions seront évoquées jeudi au sein du groupe
visas des Etats associés à l'espace Schengen, un groupe d'experts
dans lequel la Suisse est représentée à haut niveau. Le sujet
pourrait être également abordé la semaine prochaine lors de deux
conseils des ministres de l'UE. La Commission européenne a déploré
dès lundi soir la décision des autorités libyennes de suspendre
l'octroi de visas aux ressortissants des 25 pays.

Entretien Frattini - Calmy-Rey

Une rencontre à haut niveau est aussi prévue mercredi près de
Rome. Le ministre italien des affaires étrangères Franco Frattini,
qui accuse la Suisse d'être responsable de la mesure prise par
Tripoli, s'entretiendra avec ses homologues libyen Mousa Kousa et
maltais Tonio Borg, selon les agences de presse italiennes.



En perspective de cette rencontre, Franco Frattini s'est entretenu
téléphoniquement mardi avec la conseillère fédérale Micheline
Calmy-Rey sur la crise des visas, indique une note du ministère
italien des affaires étrangères. Il a tenté de recevoir le soutien
de Paris dans cette affaire.

Franco Frattini a accusé dès lundi
Berne de prendre en otages tous les pays de l'espace Schengen. Il a
déploré que la Suisse ait, selon lui, inscrit le leader libyen
Mouammar Kadhafi et plusieurs membres de sa famille sur une liste
de 188 personnalités interdites d'entrée en Suisse.

La France attend une solution

Le chef de la diplomatie française, Bernard Kouchner, a demandé
mardi à la Suisse et à la Libye de trouver une solution à leur
différend politique pour éviter de "prendre en otage" la liberté de
mouvement des Européens dans l'espace Schengen.



Recevant son homologue italien Franco Frattini, il a jugé que ce
différend bilatéral crée une situation qui "ne peut durer". "On ne
peut être pris en otage, au niveau des entrées, des sorties, des
visas, du mouvement des personnes qui, évidemment dans l'Union
européenne, compte beaucoup", a-t-il dit. "Le différend qui s'est
accentué entre nos amis suisses et nos amis libyens n'est pas
entièrement de notre responsabilité, c'est le moins qu'on puisse
dire. (...) Nous n'allons pas, au moment où nous voulons arranger
les choses, distribuer les responsabilités et les fautes. Nous
voulons que ça s'arrange, parce que cette politique (...) ne va
conduire à rien", a ajouté le ministre français.



Lorsque, interrogé par la TSR, on lui demande s'il est solidaire,
Bernard Kouchner réplique avec ironie: "Solidaire de qui?". "De la
Suisse", lui répond-on. Bernard Kouchner fait mine de s'étonner:
"La Suisse est donc membre de l'Union européenne? C'est une bonne
nouvelle".

Peu de visas refusés

Berne a durci sa politique en matière de visas à l'égard de la
Libye à l'automne dernier après l'enlèvement par les autorités
libyennes pendant 52 jours des deux ressortissants suisses détenus
à Tripoli.



Le conseiller fédéral Didier Burkhalter, en visite officielle de
travail à Bruxelles, a déclaré pour sa part que la Suisse
respectait les règles de l'espace Schengen. La Suisse a "délivré de
très nombreux visas" et n'a rejeté qu'une petite partie des
demandes, a-til dit. Seuls 270 des 30'000 demandes de visas
libyennes ont été refusées en 2009.



agences/ther

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Accusations de l'avocat

Un nouvel élément est venu s'ajouter mardi dans ce dossier. L'avocat libyen des deux Suisses a accusé le gouvernement helvétique de "retarder un règlement de la crise" entre Tripoli et Berne.

Selon Salah Zahaf, la Suisse "doit juger les responsables des procédures illégales" engagées par la police genevoise au moment de l'arrestation de Hannibal Kadhafi, une condition exigée par Tripoli pour un règlement de la crise.

"La Libye a pris de nombreuses initiatives positives mais n'a rien obtenu en contrepartie", a dit l'avocat à l'AFP.

Le DFAE a rejeté ces accusations. La Suisse s'est toujours efforcée de trouver une solution diplomatique au différent avec la Libye, a dit un porte-parole à l'ATS.

Une affaire qui s'éternise

La crise entre la Libye et la Suisse a été provoquée par l'interpellation musclée en juillet 2008 à Genève d'un fils de Mouammar Kadhafi, Hannibal, et de son épouse, sur une plainte de deux domestiques accusant leur employeur de mauvais traitements.

L'affaire a envenimé les relations entre les deux pays qui ont pris diverses mesures de rétorsion.

Tripoli retient toujours deux hommes d'affaires suisses accusés de "séjour illégal" et d'"exercice d'activités économiques illégales".

La justice libyenne a blanchi il y a quelques jours Rachid Hamdani des accusations de "séjour illégal" et d'"exercice d'activités économiques illégales".

Mais les autorités ne lui ont toujours pas rendu son passeport afin qu'il puisse quitter le pays, selon Amnesty International. Max Göldi a été quant à lui condamné jeudi en appel à quatre mois de prison ferme pour "séjour illégal" et a écopé d'une amende de 860 francs dans la deuxième affaire.