"Je démissionne car il y a un contexte 'd’hyperpolitisation' qui entoure l’UNRWA. Je n’ai jamais vu des attaques d’une telle violence en 28 ans de carrière humanitaire. J’ai notamment été violemment attaqué par le représentant des Etats-Unis le 22 mai dernier lors d’un briefing au Conseil de sécurité des Nations unies. Je démissionne pour amener plus de sérénité à l’UNRWA", indique Pierre Krähenbühl à la RTS.
Celui-ci a aussi rejeté toutes les accusations qui ont été portées contre lui. Le directeur démissionnaire de l'UNRWA a notamment affirmé que "l'enquête toujours en cours n’a mis à jour aucun cas de corruption, de fraude ou de mauvaise gestion. Et l’allégation de favoritisme envers une collaboratrice ou de liaison avec cette collaboratrice a été jugée comme non existante par le rapport interne."
Pierre Krähenbühl n’a pas souhaité commenté les critiques émises par le conseiller fédéral Ignazio Cassis et le manque de soutien officiel de la Suisse (lire encadré). Il a avec ironie noté que "les propos tenus par le Tessinois n’entreront pas dans les livres d’or de l’histoire du Moyen-Orient."
Sur le plateau du 19h30, Pierre Krähenbühl a tenu à poser une question à Ignazio Cassis : "Si les 280'000 élèves de Gaza sont privés d’école suite à la dissolution de l’UNRWA, où vont-ils être scolarisés? Dans les écoles du Hamas. Est-ce que c’est ça que Monsieur Cassis veut?"
>> Lire : Ignazio Cassis ne regrette pas ses propos contre l'aide aux réfugiés palestinens
Effet immédiat
"Le commissaire général de l'Unrwa, Pierre Krähenbühl, a informé le secrétaire général qu'il démissionnait, avec effet immédiat", avait déclaré plus tôt Stéphane Dujarric lors de son point-presse quotidien.
Son remplaçant par intérim, Christian Saunders, a été nommé par le secrétaire général de l'ONU. Les résultats de l'enquête "ont révélé des problèmes de gestion qui concernent spécifiquement le commissaire général", précise l'agence.
Fin juillet, un rapport émanant du département éthique de l'UNRWA et envoyé au secrétaire général de l'ONU faisait état de mauvaise gestion et d'abus de pouvoir commis par un petit groupe de hauts responsables - pour la plupart des expatriés - qui ont contourné les mécanismes de contrôle de l'ONU.
"Agissements inappropriés"
L'Agence France-Presse (AFP) s'était procuré une copie du rapport qui décrit comme "crédibles et corroborés" de graves abus éthiques commis par des hauts dirigeants, dont Pierre Krähenbühl. Parmi les accusations figurent celles "d'agissements à caractère sexuel inappropriés, népotisme, représailles, discriminations et autres abus d'autorité, (commis) à des fins personnelles, pour réprimer des divergences d'opinion légitimes", selon le rapport.
Pierre Krähenbühl aurait lui-même noué une relation amoureuse avec sa conseillère principale, nommée en 2015, après un processus de recrutement "extrêmement rapide", précise le document. Cette conseillère aurait ainsi suivi le commissaire général en classe affaires lors de ses déplacements à l'international.
Un diplomate européen, s'exprimant sous le couvert de l'anonymat, a déclaré qu'il était "reconnaissant pour tout ce qu'il (Pierre Krähenbühl) a fait pour maintenir l'organisation pendant une période difficile, mais que la décision de se retirer maintenant était la bienvenue".
jvia/gma/nr avec l'ats
Aide additionnelle de la Confédération toujours suspendue
Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a indiqué mercredi soir avoir pris connaissance de la démission de Pierre Krähenbühl. Il s'en tient à la position annoncée cet été, à savoir que la Suisse suspend toute contribution additionnelle à l'UNRWA pendant la durée des investigations. Les Pays-Bas ont fait de même.
Le Conseil fédéral a promis un rapport cette année sur les liens avec l'agence. Lors d'un voyage au Proche-Orient l'an dernier, le conseiller fédéral Ignazio Cassis avait laissé entendre que Berne pourrait aider davantage les institutions des Etats qui accueillent des réfugiés palestiniens plutôt que l'UNRWA, avant une clarification du gouvernement.