100 millions par année dès 2020. Ce sont les nouvelles économies vantées par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) fin octobre après avoir revu à la baisse le prix de centaines de médicaments. Elles viennent s'ajouter aux 350 millions annoncés en 2017 et 2018 (lire encadré).
Problème: ces économies ne suffisent pas à contenir la hausse des coûts.
Entre octobre 2018 et septembre 2019, les remboursements par l'assurance de base de médicaments en ambulatoire ont atteint 6,9 milliards de francs. C'est 420 millions de plus que pour les 12 mois précédents, d'après les données obtenues par la RTS auprès de Curafutura, la faîtière des assureurs maladie. En cinq ans, la facture a grimpé de 26%.
Nouveaux médicaments en cause
Comment la facture peut-elle enfler à ce rythme alors que l'OFSP réduit les prix de centaines de médicaments? Les services du conseiller fédéral Alain Berset expliquent la hausse par l'arrivée de nouveaux traitements. Ceux-ci, "plus efficaces et plus chers que les médicaments déjà remboursés, peuvent être utilisés plus longtemps et augmentent ainsi les coûts." "Sans les économies découlant de notre examen triennal, les coûts augmenteraient encore plus", se défend l'OFSP.
Pour Curafutura, les baisses de tarifs exigées par l'OFSP restent trop timides. "Les prix de nombreux médicaments ne sont pas modifiés", constate Andreas Schiesser, expert de la faîtière des assurances maladie.
La facture est principalement dopée par les anticancéreux qui arrivent sur le marché. Ils dépassent désormais un milliard de francs par année, comme nous l'annoncions en février, et continueront à gonfler les coûts ces prochaines années. Mais ils ne sont pas les seuls à peser sur les primes.
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Les 10 médicaments qui coûtent le plus aux assurés
A eux seuls, les 10 médicaments les plus remboursés représentent plus de 930 millions par année. Nous avons analysé l'action de l'OFSP sur ces traitements. Surprise: la moitié des médicaments échappent aux contrôles.
Cinq des dix médicaments ont été exemptés d'examen. Deux d'entre eux, les anticancéreux Opdivo et Keytruda, sont trop récents pour être réévalués selon les critères de l'OFSP. Les trois autres ont évité le contrôle car ils ont obtenu une "modification de limitation" l'année précédant le réexamen. En d'autres termes, une indication du traitement a été modifiée.
Lorsqu'il évalue de telles indications, l'OFSP passe aussi en revue le prix du traitement. L'Office ne doit alors pas se repencher sur le cas si l'examen périodique intervient l'année suivante.
"Evaluation indépendante des coûts"
Quant aux cinq autres médicaments les plus remboursés, quatre ont fait l'objet de baisses de prix. Mais celles-ci restent très modestes dans trois cas. Elles sont inférieures à 5% alors que les diminutions de tarifs demandées par l'OFSP atteignent en moyenne 16%. Cette baisse de prix n'endigue pas les coûts de ces traitements, de plus en plus utilisés.
Les médicaments qui coûtent le plus aux assurés ne devraient-ils pas être davantage ciblés? "L'évaluation du prix se fait indépendamment du volume des ventes. L'OFSP ne dispose pas de base légale pour baisser davantage le prix des médicaments avec un volume important", indique l'Office.
La situation pourrait changer. Plusieurs pistes sont explorées par le Conseil fédéral et les différents acteurs du système de santé. En septembre, le Conseil des Etats a adopté une motion demandant une révision de l'examen périodique de l'OFSP afin de prendre en compte le coût thérapeutique journalier et le coût pour l'ensemble du système de santé. Le National doit encore se prononcer.
Valentin Tombez
L'examen périodique de l'OFSP
Les prix des médicaments remboursés par l'assurance de base sont réévalués tous les trois ans par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). Cette évaluation périodique est appelée "réexamen triennal".
En 2019, la dernière tranche de médicaments a été analysée, avec 100 millions d'économies annuelles à la clé selon l'OFSP. Les deux premières tranches, en 2017 et 2018, permettent d'économiser 225 et 122 millions de francs.
Pour évaluer les médicaments, les services d'Alain Berset comparent les prix pratiqués en Suisse et ceux pratiqués à l'étranger ainsi que les tarifs des autres médicaments ayant le même effet en Suisse.
Le cycle recommencera l'an prochain. Les contrôles porteront notamment sur les médicaments utilisés en gastroentérologie et en oncologie.