Lydia (prénom d'emprunt) a 25 ans et travaille dans le milieu social. Elle ne souhaite pas avoir d'enfant et se confie au micro de l'émission Hautes Fréquences: "Avec toutes les questions écologiques, on ne sait pas trop à quoi ressemblera la vie dans 50 ans: ça refroidit pas mal! Mais le déclic a probablement été le rapport du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, ndlr.) l'année dernière sur le réchauffement planétaire."
Même son de cloche du côté d'Ursula (prénom d'emprunt), 31 ans: "Avec tout ce qui se passe autour de nous, j'ai pris cette décision à 90% au vu de la crise climatique", confie-t-elle à la RTS. Artiste peintre, elle s'est rendue chez sa gynécologue pour se renseigner en vue d'une stérilisation. "Elle m'a dit que ce serait douloureux, long et extrêmement onéreux. Et elle a souligné que je changerais certainement d'avis… Elle ne m'a pas entendue en fait, n'a pas considéré ma demande", estime-t-elle.
Vasectomie et urgence écologique
En France voisine, Bettina Zourli, 27 ans, indique que c'est son mari qui s'est fait vasectomiser. Elle a publié en mai dernier un petit livre sur la question, "Childfree" (Spinelle éd. 2019), et parle d'un choix assumé: "Comment peut-on, en 2019, ignorer la catastrophe écologique que nous sommes en train de créer? Comment peut-on, en 2019, ne pas voir que l'écart se creuse entre les riches et les pauvres, et que cette fameuse classe moyenne, qui vivait convenablement, se retrouve elle aussi dans l'impasse? Enfin, comment peut-on, en 2019, ne pas vouloir être une femme à l'égal de l'homme?"
Un refus plus constructif que nihiliste
Faut-il comprendre que la stérilisation va se banaliser? Cela pourrait être le cas selon le médecin et éthicien Bertrand Kiefer. "Les jeunes perçoivent très bien la violence du climat qui change très rapidement, des ressources qui s'épuisent. Ils sont pris aux tripes en regardant l'avenir. Ils parlent du rapport du GIEC, ils ne sont pas dans l'utopie. Et leur envie de ne pas faire d'enfant, voire de se faire stériliser, nous apparaît violemment; nous la ressentons comme un scandale, alors qu'on développe conjointement toutes sortes de moyens pour faire de la procréation médicalement assistée. Ce paradoxe est bien au cœur de la modernité."
Pour Bertrand Kiefer, les jeunes childfree prônent un nouveau modèle sociétal: "Ils ne veulent pas continuer à évoluer dans une société qui prône le 'toujours plus' et qui a perdu le sens du 'vers quoi va-t-on'. En fait, leur refus est plus constructif que nihiliste. Quelque chose s'exprime, là, qu'il faut entendre. Et qui a sa beauté."
Gabrielle Desarzens / RTSreligion