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Ces hackers en guerre contre des algorithmes, des pirates héroïques?

La Suisse sous couverture
A voir ci-dessus le 5e épisode consacré aux hackers, "Crypto révolution" / La Suisse sous couverture / 13 min. / le 22 novembre 2019
Les nouvelles technologies sont en mains des multinationales et de leurs partenaires gouvernementaux. Craignant de dangereuses dérives, les hackers recourent au piratage informatique. Le 5e épisode de la web-série "La Suisse sous couverture" dresse le portait de ces anarchistes mal-aimés.

Apparu dans les années 1960 aux Etats-Unis, le mouvement hacker a toujours eu pour objectif de défendre les libertés fondamentales. Mais sa stratégie ambiguë, qui consiste à défendre les citoyens tout en piratant les systèmes informatiques, a eu un impact très négatif sur son image.

La donne a changé en 2010, lorsque WikiLeaks a révélé les lourds secrets de l’administration américaines telles que les prisons secrètes, des bavures de l'armée en Irak ou l'espionnage des chefs d’Etat. Ces pirates sont devenus en quelques semaines de véritables Robin des bois, garde-fous contre l'hégémonie des GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et autres multinationales liées à internet et potentiellement subordonnées à des autorités intrusives.

RTSinfo diffuse cette semaine la web-série "La Suisse sous couverture", consacrée au rôle de la Suisse dans le renseignement international. Découvrez pourquoi les hackers piratent les données informatiques "pour notre bien" en regardant le 5e épisode "La crypto révolution" (ci-dessus) avec son complément d'informations (ci-dessous).

En quelque sorte nous régressons à l'époque du féodalisme. Un petit groupe de personnes élitistes détermine ce qu'il adviendra de l'humanité toute entière

Bernd Fix - Chaos Computer Club

Un mouvement hors normes

Le mouvement hacker apparaît dans les années 1960, avec la naissance des premiers ordinateurs domestiques. Le hacker a pour but de mettre une technologie au service des individus. Sa méthode consiste à démonter cette technologie pour mieux la comprendre.

Le Chaos Computer Club lutte contre le contrôle numérique de la société. [societe ecran medin - CCC]
Le Chaos Computer Club lutte contre le contrôle numérique de la société. [societe ecran medin - CCC]

Très discret initialement, le mouvement sort de l'ombre dans les années 1980 avec des tentatives d'espionnage et le premier virus informatique.

En 1993, le programmeur informaticien Eric Hughes publie son "Manifeste d’un cypherpunk", qui met en garde contre le risque que les vies soient stockées dans des centres de données et manipulées par une élite technologique. C'est durant les mêmes années que le mouvement se scinde en deux, avec d'un côté les black hat, qui mène des activités criminelles, et les white hat, qui cherchent les failles pour mieux les dénoncer.

Créé en 1981 à Berlin, le Chaos Computer Club s’attaque à la censure du réseau et au stockage de données. Depuis les années 2000, il jouit d’une branche hyperactive à Zurich. Selon Hernani Marques, informaticien au CCC Zurich, les hackers ne sont pas écoutés car ils revendiquent une profonde remise en question de la société. Se déclarant lui-même "anarchiste", il appelle à une "décentralisation" des données.

Nous devons décentraliser Internet et déployer le cryptage de bout en bout

Hernani Marques - informaticien au CCC de Zurich

WikiLeaks amorce la rupture

En publiant des millions de documents confidentiels relatifs à des scandales de corruption, d'espionnage ou de droits humains, WikiLeaks marque une rupture en 2010. L'hacktivisme gagne en popularité.

En parallèle, les autorités prennent peur et internet est censuré dans un nombre croissant de pays. Les citoyens touchés par le printemps arabe le découvrent à leur dépit. Internet est muselé en Egypte en 2011. D'autres pays connaîtront le même sort: Iran, Chine, Corée du Nord, etc.

>> Lire : Google teste un moteur de recherche censuré pour le marché chinois, Le filtre de censure d'internet en Iran sera opérationnel dans six mois et Egypte

Les révélations de Snowden

En 2013, les documents confidentiels diffusés par Edward Snowden depuis Hong Kong révèlent la surveillance de Washington sur le reste du globe. Les Etats se replient. Certains songent même à développer leur propre réseau. C'est le cas du Brésil, de la Russie, de la Chine et de l'Inde. Différentes actions sont menées pour pousser les grandes puissances et les organisations internationales à réfléchir à la neutralité du Net.

>> Lire : Internet, la nouvelle guerre froide

La psychose post-attentats

Les attentats sur sol européen, en particulier les attentats de Paris de 2013, permettent aux autorités d'accroître la surveillance des citoyens, sans grande opposition. Au nom de la menace terroriste, l’Assemblée nationale française adopte en 2015 la loi sur le renseignement, qui permet une surveillance accrue des réseaux. En Suisse, c'est le peuple lui-même qui approuve, par 65,5% des voix le 25 septembre 2015, le renforcement des services du renseignement.

Les hackers ne sont pas restés de marbre face à ces changements législatifs. En France, ils ont fait tout leur possible pour influencer les débats au Sénat.

Cette illusion selon laquelle une surveillance accrue entraîne une plus grande sécurité a été répandue avec succès dans tous les pays occidentaux au cours des dernières années. Pourtant, aujourd'hui le problème n’est pas tant le manque d’information que le trop-plein d’information

Balthasar Glättli

>> Lire : La France étoffe ses techniques de renseignement avec une nouvelle loi et Les Suisses acceptent de renforcer les moyens du Service de renseignement

Le scandale Cambridge Analytica

En matière de surveillance, Google, Apple, Facebook ou Amazon ont des outils redoutables, méconnus. Leurs algorithmes qui gèrent, stockent et monétisent les données sont protégés par le secret d’affaires, au risque de s'ériger en autorités morales, en décidant de ce qui est vrai ou faux, bon ou mauvais.

Ce secret de polichinelle explose à la face du monde en mars 2018, avec le scandale Cambridge Analytica, société britannique accusée d'avoir détourné des données personnelles de 87 millions d'utilisateurs, avant de travailler pour la campagne présidentielle de Donald Trump en 2016.

Actuellement, la commercialisation d’Internet se déroule sous nos yeux. Chaque jour, nous perdons notre liberté

Simon Gantenbein - informaticien au sein de la Digitale Gesellschaft

"Comment est-il possible qu'une entreprise comme Facebook soit en mesure d’influencer des processus politiques, voire les votations?", s'interroge l'informaticien Bernd Fix. Ce hacker expérimenté estime, avec regret, que la frontière entre le privé et le public est devenue "totalement perméable".

>> Lire: Une amende record de 5 milliards de dollars pour Facebook et Facebook aurait partagé les données de 87 millions de ses utilisateurs

>> Retrouver tous les épisodes : "La Suisse sous couverture", la web-série qui décrypte les activités d'espionnage sur sol helvétique

Caroline Briner

Remerciements: Mehdi Atmani

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