"C'est contre la Suisse mécréante et apostate qui détruit les
maisons d'Allah que le jihad doit être proclamé par tous les
moyens", a déclaré le colonel Kadhafi dans un discours à Benghazi
(est) à l'occasion de la fête du Mouloud qui commémore la naissance
du Prophète Mahomet.
Pour le numéro un libyen, "le jihad contre la Suisse, contre le
sionisme, contre l'agression étrangère, n'est pas du terrorisme".
"Tout musulman partout dans le monde qui traite avec la Suisse est
un infidèle et est contre l'islam, contre Mahomet, contre Dieu,
contre le coran", a ajouté le colonel Kadhafi devant des milliers
de personnes.
Les Suisses ont voté le 29 novembre à une large majorité de 57,5%
l'interdiction des minarets à l'appel de la droite populiste,
soulevant un tollé international.
No comment du DFAE
Tout musulman
partout dans le monde qui traite avec la Suisse est un infidèle et
est contre l'islam, contre Mahomet, contre Dieu, contre le coran.
Mouammar Kadhafi
"Boycottez la Suisse: boycottez ses marchandises, boycottez ses
avions, ses navires, ses ambassades, boycottez cette race
mécréante, apostate, qui agresse des maisons d'Allah", a encore
ajouté Mouammar Kadhafi, qui s'exprimait en tant que chef du
Commandement populaire islamique internationale, qu'il a créé en
1991.
Interrogé par tsrinfo.ch, le porte-parole du Département fédéral
des affaires étrangères Eric Reumann s'est refusé à tout
commentaire sur ces déclarations.
"Aucune légitimité"
Le colonel Kadhafi n'a pas la légitimité religieuse pour appeler
au jihad, estime le directeur du Centre de recherche sur le Monde
arabe et méditerranéen de Genève Hasni Abidi. De plus, les propos
du dirigeant libyen n'ont pas de crédit dans le monde
musulman.
Selon l'expert, il n'est pas à craindre que l'appel du colonel
Kadhafi soit entendu par des mouvements islamistes. La Libye combat
aux côtés des Américains les organisations comme Al-Qaïda, et a
beaucoup à en craindre, explique Hasni Abidi.
Ces déclarations interviennent dans un contexte bilatéral,
note-t-il par ailleurs. Et pour le jihad, d'autres conditions
doivent être remplies.
Les négociations se poursuivent
Les relations entre Berne et Tripoli se sont nettement
détériorées à la suite de l'interpellation musclée, en juillet 2008
à Genève, d'un des fils du colonel Kadhafi, Hannibal, sur une
plainte de deux domestiques l'accusant de mauvais
traitements.
Peu après, les autorités libyennes avaient arrêté deux Suisses,
dont l'un, Max Göldi, est toujours retenu en Libye. Le discours de
Mouammar Kadhafi intervient alors que les négociations entre Berne
et Tripoli se poursuivent pour obtenir sa libération.
"La situation est difficile, elle est délicate", avait indiqué
mercredi la ministre suisse des Affaires étrangères Micheline
Calmy-Rey lors d'un point de presse, assurant toutefois: "Les
négociations continuent, vont de l'avant". La ministre a affirmé
que la Suisse travaillait à une "solution politique" pour faire
libérer Max Göldi, qui a été incarcéré lundi.
agences/sbo
Liste noire: la Suisse se défend à Bruxelles
La Suisse s'est défendue jeudi, face à des accusations de Rome, d'avoir utilisé à des fins politiques l'inscription de Mouammar Kadhafi et de nombreuses autres personnalités libyennes sur la liste noire des personnes ne pouvant plus obtenir de visas pour l'espace Schengen.
"Nous sommes membres de l'espace Schengen et comme n'importe lequel des membres nous sommes en droit d'appliquer ces dispositions", a affirmé la ministre suisse de la justice Eveline Widmer-Schlumpf, à l'issue d'une réunion avec les ministres de l'Intérieur de l'UE.
Eveline Widmer-Schlumpf s'est ainsi défendue contre des accusations portées par le ministre italien de l'Intérieur Roberto Maroni. "Il n'est pas juste d'utiliser un instrument de coopération internationale pour influencer des rapports bilatéraux, sinon ce sera la fin de Schengen", avait estimé devant la presse Roberto Maroni.
"La liste noire de Schengen doit être utilisée contre des personnes qui représentent un risque pour la sécurité, pas comme un instrument pour faire pression sur un autre pays", a ajouté le ministre italien.
Mais aucun autre Etat de l'UE n'a souhaité alimenter la polémique sur l'usage fait par la Suisse des dispositions de la convention de Schengen. Le ministre espagnol de l'Intérieur Alfredo Perez Rubalcaba, qui présidait la réunion, a répondu par un sec "pas de commentaires" aux questions en ce sens pendant la conférence de presse à l'issue de la réunion.
La nouvelle commissaire européenne chargée des dossiers d'immigration, Cécilia Malmström, avait pour sa part jugé mercredi que "la Suisse avait le droit de faire ce qu'elle a fait".
La Confédération helvétique, membre de l'espace Schengen, a impliqué l'UE dans son contentieux avec la Libye en décidant d'inscrire les noms de 150 personnalités libyennes sur la liste.
Tripoli a en représailles décidé de ne plus délivrer de visas aux ressortissants des pays de l'espace Schengen (l'UE sauf la Grande-Bretagne, l'Irlande, la Roumanie et la Bulgarie).