"En France, les femmes travaillent 'gratuitement' depuis le 5 novembre à 16h47", du fait des inégalités salariales entre les sexes, de 16% en moyenne dans l'Hexagone, indique Rebecca Amsellem au micro de La Matinale de la RTS jeudi. En Suisse, où l'écart salarial moyen atteint 20%, les femmes travaillent bénévolement depuis le 21 octobre.
Pour l'activiste franco-canadienne, auteure des "Chroniques d’une féministe" et créatrice de la newsletter "Les Glorieuses", le fait de porter ce débat dans l'espace public est salutaire. "Savoir que les inégalités salariales sont une réalité permet aux salarié.e.s d'agir au niveau de leur entreprise, et aux décideur.se.s publics de mettre en place un index pour endiguer ces inégalités."
Trois mesures concrètes
Mais pas question pour autant de faire porter la responsabilité de leur valorisation salariale aux seules femmes, avertit Rebecca Amsellem, également docteure en économie. "On dit aux femmes que si elles gagnent moins, c'est de leur faute. Elles n'oseraient pas demander d'augmentation, négocier leur salaire... C'est génial comme argument!", ironise-elle. Au contraire, des études socioéconomiques montrent que les femmes demandent des augmentations et négocient leur salaire, mais qu'on leur refuse davantage qu'aux hommes.
Afin d'endiguer les écarts, trois mesures ont fait leurs preuves dans les différents pays où elles sont appliquées: la transparence des salaires au sein des entreprises, un certificat d'égalité salariale pour les entreprises, comme c'est le cas en Islande, et un congé paternité équivalent au congé maternité post-accouchement. Cette dernière mesure est cruciale pour deux raisons, explique l'économiste. "Premièrement, les inégalités se creusent considérablement après la naissance du premier enfant, les femmes sont pénalisées. Et c'est aussi un argument moral: pourquoi devrions-nous vivre dans une société où seules les femmes auraient le privilège de rester avec leur nouveau-né?"
On est en train de vivre un bousculement des moeurs, une vraie révolution féministe.
Pour l'activiste, la bataille pour l’égalité salariale est aussi importante que la liberté de choisir. "Il y a autant de féminités qu'il y a de femmes, pareil pour les féminismes. Je prône un féminisme pro-choix, je me bats pour que les femmes puissent faire le choix qu'elles veulent, au lieu de leur dicter de nouvelles injonctions." Son ton est pourtant à l'optimisme: "On est en train de vivre un bousculement des moeurs, une vraie révolution féministe! On est en train de créer une nouvelle société profondément égalitaire."
"Véhiculer des idées égalitaires"
Ce changement au niveau de la société passe par la représentation des femmes en politique, souligne-t-elle. "Quand des femmes sont élues, on se rend compte que les thématiques qui touchent les femmes sont davantage prises en compte dans l'espace public."
Vendredi à l’Université de Genève, Rebecca Amsellem dialoguera avec l'écrivaine britannique Sara Ahmed sur le thème: comment mener une vie féministe? Elément de réponse en primeur: "Toutes les femmes mènent leur révolution à leur échelle. Etre féministe n'est pas aller à des manifestations chaque week-end, mais véhiculer des idées profondément égalitaires."
Propos recueillis par Xavier Alonso
Adaptation web: Katharina Kubicek