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Affaire Légeret: prison à vie requise par le procureur

Le bénéfice du doute demandé par les défenseurs de l'accusé n'a pas été retenu.
Les défenseurs de l'accusé demandent l'acquittement au bénéfice du doute.
Le procureur général du canton de Vaud a requis vendredi la perpétuité contre l'accusé du triple homicide de Vevey. Eric Cottier a souligné le caractère abominable des actes de cet homme qui s'est déchaîné contre sa mère qui lui refusait de l'argent. Les avocats ont, quant à eux, plaidé la relaxe de leur client.

Toute la matinée, le procureur Eric Cottier s'est appliqué à
passer en revue l'ensemble du crime "horrible" de décembre 2005 à
Vevey. A ses yeux, tout démontre que le fils adoptif de 46 ans a
bien tué sa mère, une amie de celle-ci avant de faire disparaître
sa soeur, avec l'argent comme motivation centrale.



Comme lors du premier procès en juin 2008 à Vevey qui avait
débouché sur une condamnation à la perpétuité, le procureur a
énuméré les éléments à charge. Parmi cette liste, il a placé le
témoignage de la vendeuse en boulangerie qui affirme avoir vendu
des chocolats le samedi 24 décembre entre 16h30 et 17h00 à deux
femmes censées avoir été tuées vers midi.

un témoin "orienté"

Cette vendeuse est "une femme honnête" qui "se trompe mais ne
ment pas", a affirmé Eric Cottier. Son témoignage est pourtant
"dépourvu de toute crédibilité par rapport aux autres pièces du
dossier". Ce n'est qu'un élément parmi beaucoup d'autres et il ne
faut pas le surestimer, a-t-il laissé entendre.



Face aux problèmes de chronologie posés par les propos de la
vendeuse, le procureur imagine qu'il y eu un glissement entre le 23
et le 24 décembre. Au début, la presse parlait de la première date
pour évoquer le drame, avant de passer au 24.



De plus, selon le procureur, beaucoup d'invraisemblances doivent
être relevées. Il est inconcevable que ces deux femmes se soient
aventurées à faire des derniers achats de Noël dans la cohue de
cette journée, elles n'avaient aucune raison de faire ce trajet à
pied et d'atterrir dans ce magasin, à moins que l'on parle du 23
décembre. Avec cette date, on est en "plein dans le mille", selon
Eric Cottier qui a requis la perpétuité.



Après la charge musclée du matin, la défense s'est attelée
l'après-midi à essayer de réduire à néant les arguments du parquet.
Me Pierre de Preux a dénoncé les défauts de l'acte d'accusation, la
violation du principe de présomption d'innocence et le non-respect
du droit au silence de l'accusé.

Réquisitoire "peu convaincant"

"Je ne vois pas par quel artifice le
témoignage de la boulangère ne serait pas crédible", a poursuivi
l'avocat en mettant en garde contre les erreurs judiciaires.
Celles-ci proviennent souvent des déclarations de l'accusé, a-t-il
assuré en traitant "d'idiot" son client, avec ses propos confus,
parfois contradictoires et ses explications interminables.



Pierre de Preux a jugé Eric Cottier "peu convaincant" dans sa
tentative de mettre à bas le témoignage de la boulangère, affirmant
que "le scénario du jugement ne tient plus debout". Pour la lui,
"la justice ne doit pas avoir peur du vide" et il ne faut pas
inventer un coupable parce que l'on en trouve pas.



"Lorsqu'il y a des doutes, pas de place pour la culpabilité",
a-til lancé en demandant l'acquittement. Prenant le relais, son
confrère Robert Assaël a examiné les autres éléments à charge. Pour
lui, "exit le mobile financier": l'accusé n'avait pas le couteau
sous la gorge car il avait fait la paix avec sa mère lors d'une
dernière rencontre. Les énormes besoins d'argent seraient donc
couverts, selon Robert Assaël.

Présomption d'innocence

Tous les autres indices, les traces ADN sur la robe de chambre
de la mère et sur la paire de ciseaux, les relevés téléphoniques ne
démontrent en rien la culpabilité de l'accusé.



"Le dossier est plein de vides", il manque des pièces mais les
enquêteurs n'ont pas pu faire mieux. "On ne condamne pas un homme
parce qu'il y a un mystère", a tonné l'avocat. "La seule boussole
doit être la présomption d'innocence", a-t-il ajouté en martelant
le caractère "catégorique et imparable" des déclarations de la
boulangère.



Me Robert Assaël a appelé le jury à faire preuve de courage et à
acquitter l'accusé, estimant l'accusation "totalement absurde".
L'accusé n'a rien ajouté à l'issue des débats. Le verdict sera lu
le 18 mars.

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Mortes à Noël

Le drame éclate au grand jour le 4 janvier 2006. Les cadavres de deux femmes octogénaires sont découverts au pied des escaliers d'une villa de Vevey.

Leur décès remonte probablement au 24 décembre, même si la détérioration des corps rend impossible toute certitude. Des coups ou leur chute ont causé la mort de la propriétaire des lieux (81 ans) et de son amie bâloise (80 ans) en visite.

A ces deux cadavres s'ajoute la disparition de la fille, médecin généraliste à Vevey née en 1949. Celle-ci n'a jamais été retrouvée malgré des recherches et des fouilles pratiquées tout au long de l'enquête. Son passeport avait été découvert dans la maison.

Début février, le fils adoptif est arrêté. Ce Veveysan né en 1964 ne ressortira plus de prison. La famille est aisée et connue dans la région. Des disputes financières liées aux droits successoraux sont établies, mais leur interprétation demeure contestée.

L'accusé se serait trouvé à cours de liquidité à la fin de l'année 2005 et sa mère aurait refusé de continuer à lui avancer de l'argent. A l'issue du premier procès, la Cour avait jugé que le fils aux abois avait agressé sa mère, puis supprimé l'amie, témoin gênant, ainsi que sa soeur, se rendant coupable d'un triple homicide.

Les compte-rendus sur internet inquiètent

Le procès du triple homicide de Vevey qui s'est déroulé toute la semaine présente sans doute une particularité nouvelle. Pour la première fois à Lausanne, certains médias, dont la TSR, ont publié un compte-rendu en ligne des débats. A l'étonnement inquiet de la défense.

Beaucoup d'efforts sont mis à ce que les témoins ne soient en principe pas au courant des déclarations des autres personnes qui se sont exprimées, a déclaré vendredi un des défenseurs de l'accusé, Pierre de Preux, bâtonnier à Genève.

Il a dit sa surprise quand un de ses assistants lui a raconté que "24 Heures" rendait compte "minute par minute" des débats. Pierre de Preux s'est inquiété d'une telle pratique quand il a constaté qu'un témoin a cru bon, à la fin de ses déclarations, de commenter le témoignage crucial de la vendeuse en boulangerie.

Pour le bâtonnier de l'ordre des avocats, il y a à craindre que les témoins soient "pollués par ce qu'ils ont appris". Le président de la cour s'est contenté de hocher la tête en silence.