Tout avait débuté avec "l'affaire Kopp" en 1988. Première femme à accéder au Conseil fédéral, la radicale Elizabeth Kopp avait dû démissionner suite à un coup de téléphone controversé à son mari, Hans W. Kopp. Elle l'avait averti que des enquêtes sur une affaire de blanchiment d'argent étaient en cours et lui avait conseillé de démissionner du conseil d'administration d'une société suspecte.
Chargée de faire toute la lumière sur cette affaire, et d'examiner aussi la conduite du Département fédéral de justice et police et des organes qui en dépendaient, une commission d'enquête parlementaire avait découvert par hasard en 1989 une énorme collection de fiches dans les bureaux de la police fédérale.
900'000 personnes sous surveillance
Le rapport de cette commission, publié le 22 novembre 1989, avait fait l'effet d'une bombe, et pour cause: les faits et gestes de 900'000 personnes, dont de nombreux militants de gauche, avaient été surveillés par les policiers et leurs indicateurs depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et tout au long de la Guerre froide.
Depuis ce scandale, un tel fichage policier des citoyens n'existe plus. Mais à l'ère des menaces terroristes, la Suisse a dû renforcer sa loi sur le renseignement. Et si les garde-fous sont nombreux, c'est parce que le spectre du "scandale des fiches" hante toujours les débats sur cette thématique.
Tout récemment encore, la conseillère nationale socialiste Margret Kiener Nellen a découvert son nom dans des fichiers du renseignement helvétique. A priori, il s'agit des articles de presse ou des communiqués dans lesquels elle apparaissait. Mais le Conseil fédéral a précisé mercredi dernier que la conservation de telles archives a été réduite de 15 à deux ans.
>> Lire : Margret Kiener Nellen, une conseillère nationale surveillée de très près
Marc Menichini/oang
Une loi fédérale sur la police souhaitée
Le Préposé fédéral à la protection des données et à l'information, Adrian Lobsiger, appelle en vain depuis des années à la création d'une loi fédérale sur la police. Les activités policières de la Confédération sont régies actuellement par un grand nombre de décrets législatifs spéciaux et de normes.
"Aujourd'hui, nous avons une nette amélioration par rapport à l'époque du scandale des fiches, nous disposons des bases légales démocratiques, la loi sur le renseignement a été acceptée à une nette majorité en votation", rappelle-t-il dans le 12h30. "Mais le problème est que les activités de toutes les autorités qui récoltent des données sur nous sont basées sur une multitude de lois spéciales. C'est un vrai fatras, et aujourd'hui même un avocat spécialisé ne peut plus regarder à travers cette forêt de lois spéciales."
Le Préposé pointe du doigt la tendance à vouloir enregistrer de manière exhaustive le comportement de la population dans l'espace public et l'espace numérique et à le rendre accessible aux autorités de sécurité du monde entier.
"Je pense que l'un des grands problèmes, à la fin de la Guerre froide, était que la majorité de la population n'acceptait plus que les données personnelles soient traitées sous l'angle de la menace d'une collaboration avec un ennemi communiste qui n'existait plus", explique Adrian Lobsiger. "Et je pense que c'est très important de surveiller les menaces en rapport avec la réalité. C'est très important que les autorités qui surveillent ces activités se demandent toujours si leur perception policière de la menace est en conformité avec la réalité."
>> Ecouter l'interview d'Adrian Lobsiger dans le 12h30: