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Plus d'un médecin sur trois exerçant en Suisse a un diplôme étranger

Le salaire du médecin soleurois a plus que doublé en cinq ans. [Keystone - Gaëtan Bally]
Un tiers des médecins exerçant en Suisse a obtenu son diplôme à l'étranger / La Matinale / 2 min. / le 28 novembre 2019
Une clinique privée valaisanne a dû repousser l'ouverture d'un centre de premier secours à Sion, par manque de médecins formés, a appris la RTS. Ce cas est emblématique de la pénurie de médecins généralistes en Suisse, où plus d'un médecin sur trois a un diplôme étranger.

L’initiative a tout pour plaire: installer au centre de Sion une permanence médicale ouverte à tous afin de désengorger l’Hôpital du Valais. Y seraient pris en charge les cas d’urgences "debout", c'est-à-dire des urgences aiguës mais non vitales.

La clinique privée de Valère, instigatrice du projet, comptait inaugurer ce centre cet été. L'ouverture a pourtant été reportée au printemps 2020, selon une informations de la RTS jeudi. En cause: la difficulté d’engager des médecins qualifiés.

"Il est difficile de recruter des médecins, car il n'y en a pas beaucoup qui sont formés aujourd'hui, d'autant plus qu'on cherche aussi des gens qui ont une spécialité en urgences", explique Benoît Kuchler, directeur de la clinique de Valère. Les médecins étrangers qualifiés à ce poste ne sont pas légion non plus, en raison de difficultés administratives, souligne-t-il. "Nous avons donc pris le temps pour constituer une équipe d'excellence."

Proportion triplée depuis 2010

Ce cas, emblématique de la situation en Valais, n’étonne pas Victor Fournier, chef du service valaisan de la Santé publique. "La relève médicale est un souci en Valais, comme dans beaucoup d'autres cantons", confirme-t-il. "Il y a un manque de jeunes qui sortent de l'université. Des mesures sont mises en place, avec notamment des places de formation supplémentaires, mais ces mesures prennent du temps, ce qui explique pourquoi la Suisse et le Valais ont aujourd'hui besoin d'un certain nombre de médecins qui ont fait leurs études à l'étranger."

Un médecin sur trois (33%) est au bénéfice d’un diplôme étranger en Valais. Cette proportion a même triplé depuis 2010, comme dans d’autres cantons, à Zurich notamment. En Suisse, cette part est plus importante encore, avec 35% de médecins au profit d'un diplôme étranger, selon les statistiques de la Fédération des médecins suisses (FMH).

Cette situation inquiète autant qu'elle rassure, selon Philippe Eggimann, président de la Société médicale de Suisse romande. "Ce qui est en jeu, c'est notre capacité à maintenir des soins de qualité, et surtout l'accès de la population à ces soins."

Pénurie pas près d'être résorbée

Si la pénurie existe depuis de nombreuses années, elle n'est pas près d'être résorbée, explique Philippe Eggimann. "Une grande partie des médecins suisses vont prendre leur retraite dans les dix à quinze ans à venir", explique-t-il. "On a restreint l'accès aux études il y a une vingtaine d'années, et jusqu'à il y a peu, leur financement était exclusivement à la charge des cantons. Ce n'est que récemment que la Confédération a décidé de stimuler les cantons pour tenter d'augmenter la formation des médecins."

A ces causes s'ajoute la longueur de la formation (6 ans d'études + 5 ans de formation post-graduée + 3 ans pour acquérir l'autonomie comme spécialiste), un cursus responsable de la lente arrivée sur le marché de nouveaux médecins, mais aussi le garant de "l'un des meilleurs systèmes de santé au monde", insiste Philippe Eggimann.

A noter que pour exercer en Suisse, les médecins étrangers doivent faire reconnaître leur diplôme auprès d’une instance spécialisée. "Une grande partie de ces médecins ont fait leur formation continue en Suisse et obtiennent des titres suisses ou des équivalences", précise Philippe Eggimann.

Le problème n'est donc pas sur la qualité, mais d'ordre éthique. "Nous sommes en train de piller la ressource médicale des pays qui nous entourent", souligne Philippe Eggimann.

Co-régulation canton-associations

Une fois en Suisse, certains médecins étrangers n’obtiennent que le titre de praticien et ne peuvent pas facturer l’entier de leurs prestations. "Ces limitations à facturer sont malheureuses, car après quelques années, la plupart de ces médecins pratiquent exactement comme les autres médecins", commente Philippe Eggimann. "Ce qui est en jeu, c'est le maintien du nombre de cabinets et de la qualité des soins."

Actuellement, dans la plupart des cantons, les associations professionnelles tentent de gérer avec autorités cantonales la délivrance des autorisations de pratique, afin d'offrir un dispositif médical et des médecins qui s'installent en adéquation avec les besoins de la population. Cette co-régulation serait, à en croire Philippe Eggimann, la clé pour sortir d'une situation qui menace autrement de s'empirer dans les années à venir.

>> Ecouter l'interview de Philippe Eggimann, président de la Société médicale de Suisse romande :

Plus d'un tiers des médecins qui travaillent en Suisse ont un diplôme étranger: interview de Philippe Eggiman
Plus d'un tiers des médecins qui travaillent en Suisse ont un diplôme étranger: interview de Philippe Eggiman / L'invité-e d'actualité / 7 min. / le 28 novembre 2019

Julie Rausis/kkub

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