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En Suisse aussi, des femmes dénoncent les violences obstétricales

Violences obstétricales: le tabou tombe... petit à petit
Violences obstétricales: le tabou tombe... petit à petit / L'actu en vidéo / 8 min. / le 5 décembre 2019
En Suisse, il est obligatoire de recueillir le consentement des patients avant n'importe quel acte médical. Pourtant, des femmes se plaignent de n'avoir été ni informées, ni consultées lors de leur accouchement.

Pendant un mois, Chloé Abbet a revécu son accouchement toutes les nuits. Elle n'a jamais osé retourner dans la maternité où elle a accouché en avril 2015, mais pour briser le tabou sur les violences obstétricales, elle a accepté de témoigner:

"La gynécologue m'a dit de pousser à la prochaine contraction. Mais j'étais incapable de savoir quand j'avais une contraction parce que je ne sentais plus rien. Elle m'a alors répondu qu'il fallait arrêter les enfantillages et qu'il fallait y aller, qu'il fallait pousser. Mais quand j'ai commencé à pousser, elle s'est mise de tout son poids sur mon ventre. Et elle poussait tellement fort que je ne sentais plus rien. Je n'arrivais plus à respirer, j'avais envie de vomir. C'était une douleur inommable."

Le consentement pourtant obligatoire

Ce qu'a subi Chloé Abbet, se nomme une expression abdominale ou manoeuvre de Kristeller. C'est un geste aujourd'hui proscrit. Mais surtout, il a été pratiqué, ainsi que tout ce que Chloé Abbet a subi pendant son accouchement, sans un mot d'explication ou sans que le personnel soignant ne lui demande son consentement.

Or, en Suisse, la loi est claire, un consentement libre et éclairé est nécessaire pour n'importe quel traitement médical.

Solène Gouilhers est sociologue et pour sa thèse, elle a passé un long temps d'observation dans une maternité romande. Elle a constaté que le consentement n'était souvent pas recherché, par exemple en cas d'épisiotomie, cette pratique qui consiste à inciser le périnée pour faciliter la sortie du bébé.

"Quand j'en ai discuté avec des soignants, la justification qui m'a été présentée c'est que s'ils le disent à la patiente, elle va se crisper et avoir mal au moment où ils vont réaliser le geste", explique-t-elle. "Alors que la plupart du temps, elle ne le sentira pas, parce que les tissus sont tendus ou parce qu'il y a une péridurale. Ce sont des discours qu'on peut qualifier de paternalistes, un paternalisme médical bienveillant le plus souvent. Mais aujourd'hui, les femmes ne sont plus d'accord. Elles estiment qu'elles sont suffisamment capables de s'exprimer."

L'accouchement longtemps délaissé par les féministes

Si le domaine de l'accouchement a longtemps été délaissé par les féministes, le terme de "violences obstétricales" a émergé dans le débat public il y a quelques années. La réalisatrice Ovidie y a consacré un documentaire "Tu enfanteras dans la douleur". "Une mobilisation mondiale a émergé vers 2014-2015", explique-t-elle. "Surtout dans les pays catholiques, comme l'Argentine, le Venezuela, l'Italie, l'Espagne et la France. Sans doute parce que c'était dans ces pays qu'on accouchait le plus mal."

"Mais le terme commence seulement à être accepté par les soignants", poursuit-elle. "Pour beaucoup d'entre eux, le terme de violences obstétricales renvoyait à l'idée qu'ils étaient volontairement maltraitants avec les patientes. Or, ce n'est pas ça. Ce sont des violences systémiques qui s'inscrivent dans certaines formes de violences sexistes. Par exemple, sur la question de la douleur, des femmes m'ont dit avoir subi des césariennes à vif, des révisions utérines à vif, ainsi que des épisiotomies à vif. Et tout cela alors qu'elles réclamaient une anesthésie . Mais si un homme se fait mal au coude et se rend à l'hôpital, pour la moindre petite suture, on va lui faire une anesthésie locale."

Des consultations aux HUG

Responsable adjointe des soins aux Hôpitaux universitaires de Genève, Jacqueline Delieutraz-Marchand est elle aussi blessée par ce terme: "Cela nous heurte en tant que soignants, mais cela nous fait aussi nous poser certaines questions."

Jacqueline Delieutraz-Marchand a créé il y a déjà dix ans avec d'autres sage-femmes une consultation permettant aux femmes de revenir sur un accouchement difficile. Vingt-cinq entretiens ont été demandés en 2008 et 109 en 2018, sur plus de 4000 naissances.

"J'encourage tous les couples et toutes les femmes, en principe surtout celles qui ont accouché aux Hôpitaux universitaires de Genève et qui l'ont mal vécu, à prendre rendez-vous pour cette consultation. Cela permet de reprendre le déroulé de l'accouchement et de comprendre ce qui a été compliqué. Et nous, cela nous fait aussi avancer."

Julie Conti

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